Écrivain, enseignant, conférencier, chargé de mission au CPEONS, fondateur du Projet de Lecture Charles Plisnier de la Province de Hainaut, directeur de la revue littéraire Le Non-Dit, animateur de voyages et séminaires de réflexion sur les lieux qu’ont hantés de grands écrivains, Michel Joiret est l’auteur d’une quarantaine de romans, essais, recueils de poésie… Son anthologie « Littérature belge de langue Française », rédigée en collaboration avec Marie-Ange Bernard, est une somme incontournable Son précédent roman, "Madame Cléo" (également aux éditions M.E.O.) a obtenu le Prix littéraire du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles. |
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Couverture : © Martin Joiret |
Le Carré d'Or Roman, 2015 160 pages ISBN 978-2-9-8070-0022-3 16 EUR Depuis
le décès d’Hélène, Maxime Dubreuil, avocat renommé au Barreau de
Bruxelles, peine à donner un deuxième souffle à sa vie. Il
néglige ses
clients, bâcle ses plaidoiries, chasse la jeune femme qui s’est
attachée à lui et, noyé dans l’Aberlour, avec pour guide le
calepin du
grand-père Émile annoté par le père Stéphane, il erre à travers
son
cher « carré d’or »,
entre la
place Poelaert et l’avenue Louise, en vaine quête de la lumière
et des
odeurs qui ont enchanté sa jeunesse. Mais, comme lui-même au
fond de
son verre, le monde entier chavire et Bruxelles n’est pas de
reste :
inondations, déluges, tornades se succèdent, les processions
millénaristes envahissent les rues fissurées, où les arbres
arrachés
obstruent la circulation. Le Palais de Justice, inondé puis
incendié,
le renvoie à sa solitude, quand ce n’est à la fontaine du poète
foudroyé en pleine jeunesse, «
Je t’offre un verre d’eau glacée… »
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10,99 EUR |
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EXTRAIT Maxime
Dubreuil
dévale le long escalier du Palais, la robe d’avocat
hâtivement
pliée sur l’avant-bras gauche. Un vent décoiffant
disperse des feuilles
arrachées aux arbres, des bouts de papier, des
emballages usagés, et
même des pages de journaux agitées comme des oiseaux
fous. Il serre de
plus près son habit noir. La journée a été rude aux
Assises, et les
échanges peu amènes. L’avocat général ne lui a pas
laissé la moindre
chance. Mohammed Kiddour en a pris pour trois ans
ferme. Et au placard
le jeune âge du prévenu, les affres de
l’immigration, l’environnement
peu gratifiant, le vide affectif, la misère… Maxime
accélère le pas,
pressé d’en découdre avec les salves mugissantes qui
lui lacèrent la
gabardine et lui plaquent le bas de pantalon contre
la peau. D’habitude
– il pourrait dire : autrefois –, il
quittait le Palais
en coiffure de coq, pharaon fanfaronnant, fier comme
un vieux lama
pétaradant de ses bons mots ! Il se comportait
alors comme le
ferait un énarque : regards à gauche, à droite,
arrêts sur image,
sourire assassin au coin des lèvres. Il aimait
entendre
chuchoter : « C’est Dubreuil, tu
connais ? Un tueur, je
te le dis… » La vanité qui lui dressait le cou
lui permettait
aussi d’habiller son immense solitude. »
(…) Maxime est seul, appuyé contre le parapet, mobilisé par le silence de sa vie. Il cligne des yeux. À quelques mètres, l’entrée de l’école. Les jeunes dandys qui sortent, il les reconnaît : blaser ouvert à la caresse du soleil, pattes d’éléphant, foulard au vent, déjà internistes, urgentistes, capitaines au long cours, bâtonniers, avocats, avocats encore, professeurs de grec, de latin, président d’une multinationale de papiers peints, ambassadeur à Tokyo, directeur d’école, tribun politique… et lui, comme il a poussé dans ce jardin comique ! Toujours aussi pâle, mais d’allure affectée, comme les autres. Avec un souci d’appartenance, il serait vain de le nier. Juriste d’entreprise ? Non. Avocat, lui aussi… Le monde comme l’ouverture d’une audience… (…) Maxime Dubreuil s’ébroue. Il veut se frotter les yeux pour chasser ses icônes. Geste malencontreux : quelques feuilles s’échappent de la serviette. Le calepin lui-même menace de choir dans les profondeurs. Un geste brusque et le voilà de nouveau arrimé. Trop tard ! Une nuée de paperasses tourbillonne au-dessus de la cour d’école, caracole dans le plus grand désordre ! On les croirait soûlées d’une liberté nouvelle ; elles descendent, lèchent doucement les hautes fenêtres des classes, flânent un moment dans les rameaux squelettiques des marronniers et touchent comme de maigres chaussons de ballerine les pierres grises de la cour. Immobiles et puis à nouveau requises, Dieu sait pourquoi, par une sorte de convulsion frénétique, elles en sont revenues à leur saison première, celle des arbres, des métamorphoses et des abandons. |
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CE
QU'ILS EN ONT DIT Poète et romancier, essayiste et revuiste, Michel Joiret a plusieurs cordes à son arc. Avec ce roman, "Le carré d’or", il semble avoir joué de chacune pour tisser un portrait saisissant d’un homme et d’une ville : Maxime, avocat, en fin de carrière, veuf inconsolé erre dans un Bruxelles dévasté par les tempêtes de la fin du monde. Il laisse monter en lui le souvenir des temps anciens, de son père, de son grand-père. De son destin à lui depuis qu’adolescent il allait rêver dans le parc d’Egmont, situé au centre du "Carré d’or" à Bruxelles. La capitale de la Belgique disparue a peut-être ici son roman. Mais il ne faut pas réduire ce livre à la géographie apocalyptique de Bruxelles qu’il nous donne à explorer. C’est aussi un roman qui explore la complexité de ce que nous sommes. Un roman c’est cela : restituer aux êtres le droit d’être incompréhensibles. Edmond Morrel, www.espace-livres.be http://www.espace-livres.be/Le-carre-d-or-de-Michel-Joiret?rtr=y * Michel Joiret a
une biographie variée. Longtemps
professeur en Tunisie dans le cadre de la coopération,
professeur de
littérature à l’Alliance
française, il fut aussi détaché pédagogique
de l’enseignement provincial du Hainaut. Il est le fondateur de
la
revue littéraire Le Non-Dit
qui promeut la littérature belge. L’écrit
le passionne et son talent s’exerce dans le roman, l’essai, la
nouvelle, la critique, la poésie.
Le carré d’or, pour le narrateur : le carré autour du Palais de Justice de Bruxelles, l’avenue Louise, les Marolles… Maxime Dubreuil est un as du barreau de Bruxelles. Mais la disparition de son épouse Hélène le plonge dans le désarroi. Il se réfugie dans l’Aberlour, un whisky écossais avec lequel il passe de plus en plus d’heures. Il rembobine le fil des ans pour y rencontrer son père Stéphane et son grand-père Émile dans ce Bruxelles d’antan. Avec l’âge et surtout l’alcool, on ne reconnaît plus ce brillant avocat qu’il fut. Ses enfants loin de lui ne lui sont d’aucun secours. La terre ne va pas bien non plus avec son lot de catastrophes naturelles… Ce roman prend des allures d’anticipation avec cette météorologie inquiétante : la pluie, les tempêtes, les orages, les feux vont crescendo dans ce Bruxelles qui se délite. Un avant-goût de la fin du monde. Il nous reste la mémoire d’une vie généreuse, effervescente, du Bruxelles XXe siècle. Didier d'Halluin, Critiqueslibres.com *
Je l’ai lu avec plaisir. L’auteur n’est pas inconnu des lecteurs de Belgique, il est à l’origine de plus de quarante ouvrages, romans essais, poésie. Son écriture est aguerrie, son style fluide et limpide, on ne s’ennuie pas en lisant son livre. La trame du roman est basée sur une idée simple qui fonctionne, le héros, Maxime Dubreuil, un avocat connu et encensé, connaît un passage à vide. Après de brillantes études, une carrière non moins brillante, un mariage et des enfants non moins réussis, il se trouve confronté à un accident de vie, la mort de sa femme adorée, Hélène. L'histoire se déroule entre Noël et le jour de l'an, quelques années après la mort de sa femme, ce qui ajoute à l'effet dramatique du récit. Sa vie part en quenouille, alors que, parallèlement, les effets du réchauffement climatique provoquent en Europe et dans le monde des catastrophes à répétition, inondations, vents violents, pluies incessantes. On ne peut s’empêcher de faire lien entre ce qui arrive à la planète et ce qui arrive à Maxime. Une seule différence, lui a des solutions (?) pour faire passer sa douleur, alors que l’on comprend bien qu’il en existe peu pour permettre à un pays entier de se relever après qu’il a subi un tsunami, encore moins lorsque peu ou prou tous les pays sont confrontés à des catastrophes de même ampleur. Mais ses solutions, en sont-elles vraiment ? Il se réfugie dans l’alcool, avec une prédilection pour le whisky Aberlour (Single malt Scotch whisky) dont il absorbe une quantité phénoménale tout au long des 154 pages du roman. Au fond, Maxime essaie de se raccrocher à des situations, des personnes, des souvenirs, qui sont autant de branches d'arbres qui plient et finissent par céder, certaines parce qu’il les scie lui-même. Il se replie sur le passé glorieux, évoque ce Carré d’Or (une partie de la ville de Bruxelles comprise entre Porte de Namur, Place Poelaert, Avenue Louise, Palais d’Egmont), dans lequel son grand-père Emile emmenait se promener son fils Stéphane, lequel transmettra ce virus à Maxime. Il laisse passer les personnes qui lui tendent la main, sa femme de ménage Raymonde, la jeune Lam, une amante brève, Armelle, la femme d’un collègue avec laquelle, le temps d’une soirée, il se laisse aller. Ses enfants sont partis et le courant passe mal entre eux et leur père. Le livre est construit en trois parties et 27 chapitres assez courts, bien construits pour être des histoires quasi indépendantes les unes des autres ; chacune offrant des facettes différentes, complémentaires et contradictoires du héros. Il est cultivé, (Albert Camus, Paul Valéry, Benjamin Constant, Julien Green, Marcel Proust, Philippe Sollers, Colette, Sthendal, Kafka, Wells, Freud, Woody Allen et Nils Holgersson, pour ne citer qu’eux), et pense avec Érasme que « le monde est fou », son monde à lui certes, mais aussi le monde tout court. C’est un mélomane éclectique, de Bob Marley au concerto pour deux mandolines de Vivaldi ; gastronome à ses heures, Veau Marengo et Crozes-Hermitage, Filet de canard provençal, sole grillée et Chablis, Sancerre ; il fume des Camel qu’il allume avec un briquet Dupont, et parfois la pipe.... Mais arrêtons là ce déballage des habitudes de Maxime. Au fond, je me suis pris à penser que Maxime, (et disant cela, je ne revêt pas la tunique sombre du lecteur-censeur-auteur refoulé), a le stylo qui le démange, il rêvait de parachever l’oeuvre de son grand-père Émile, un carnet de « piéton bruxellois » annoté par Stéphane le père de Maxime, et que ce dernier n’a jamais pu reprendre, comme il en avait l’ardent désir, pour en faire une oeuvre salvatrice. J’emploie cet adjectif à dessein, car quelque part, Maxime ne pense-t-il pas que la déconfiture de la planète est provoquée par sa propre déconfiture, et que son incapacité à sortir de son chemin de douleur explique la situation inextricable de la planète renvoyée à ses propres incuries malgré les nombreux avertissements de la nature ? Szramowo, Babelio et desecrits.blog.lemonde.fr *
Lorsque j'ai reçu le message de Babélio m'informant que je recevrais "Le carré d'or", j'ai relu le résumé de l'éditeur et je me suis interrogée : ce livre va-t-il vraiment m'intéresser ? Le premier chapitre a peine entamé, bonne surprise, je suis tout de suite entrée dans l'histoire. Maxime, avocat renommé et redoutable, brisé par le décès de son épouse Hélène à la suite d'un cancer, sombre dans l'alcoolisme. le sommeil l'ayant quitté, il ne trouve de repos que dans l'ivresse due à sa consommation de whisky (l'Aberlour). Pour réentendre la voix de son épouse, il fait le numéro du portable : "Hélène Dubreuil ne pas peut vous répondre pour l'instant...." L'histoire de déroule dans une ambiance presque du fin du monde, une météo catastrophique frappe l'ensemble des continents, notamment l'Europe et Bruxelles où vit Maxime. Maxime erre dans le quartier appelé Le Carré d'Or, qui avant lui fut fréquenté par Émile,son grand-père, qui avait rédigé une sorte de guide annoté ensuite par son fils Stéphane, père de Maxime. Il plonge ainsi dans le passé de son grand-père et de son père pour oublier son présent. Ses enfants sont loin : Louis, son fils au Mexique, Sabine, sa fille à New York. Il ne les a pas revus depuis les obsèques de son épouse. Bien que leurs liens semblent un peu distendus, il s'inquiète pour eux, compte tenu des problèmes météorologiques. Deux femmes essayerons à leur manière de l'aider. Lam, sa jeune maîtresse, qu'il quittera, et Raymonde, la femme de ménage, fidèle depuis de nombreuses années, mais qu'il menacera de renvoi sans préavis si elle continue de s'occuper de sa santé en lui prenant des rendez-vous médicaux. Il s'isole de plus en plus, refusant les invitations pour les fêtes de Noël des ses amis. La rencontre d'Armelle, une ancienne cliente, dans un aéroport lui apportera quelques heures de répit pour ne pas dire de bonheur. Les événements météorologiques auront le dernier mot. Une petite frustration : n'ayant jamais mis les pieds à Bruxelles, je ne suis pas en mesure de visualiser ni ses déambulations dans Le Carré d'Or , ni le palais de justice, œuvre de l'architecte José Poelaert. L'écriture de ce roman de 154 pages est fluide. De plus, des chapitres très courts facilitent la lecture. Un bon roman à découvrir. Morin, Babelio. *
3 sorties ce 16 février 2015, toutes fraîches donc, chez cet éditeur qui s’installe décidément fermement dans le paysage littéraire belge. Un éditeur dont les ouvrages n’appartiennent pas à mon sillon naturel, il faut l’avouer, car très marqués du sceau d’une littérature francophone (belge) qui ne me ressemble guère… tout en étant toujours de qualité (style et background de l’auteur). Mais. Un interlocuteur rare, qui m’attire par ses compétences, un humanisme, une ouverture. Qui permet aussi des découvertes, des éclosions. Michel Joiret, Le Carré d’or. Un récit doux-amer qui a un faux air de roman à la Francis Dannemark (FD qui me semble la plume la plus délicate et naturelle de nos lettres… quoique très loin, lui aussi, de mon sillon naturel). Bien écrit, se lisant aisément. On déambule dans Bruxelles, principalement du côté de la Place Poelaert et du Sablon, dans une grande rêverie nostalgique. Avec un personnage qui décroche et qui, du coup, flotte dans les interstices du temps, du souvenir, se glissant dans les plis d’autres générations, d’autres narrations et sensations. Un état d’esprit que nous avons tous connu mais souvent effleuré, rarement vécu avec autant d’abandon, d’émotion. Un Bruxelles-la-Morte, un peu, aussi, un récit qui charme, quasi au sens premier, avec ce mince regret d’une poignée de termes familiers, qui détonnent dans une atmosphère onirique. Contrepoint ? Philippe Remy-Wilkin, https://philipperemywilkin.wordpress.com/le-blog-de-phil-rw/a-propos-des-lettres-belges-2/ *
Veuf inconsolé, Maxime, avocat et grand consommateur d'Aberlour, marche à petits pas, autour du palais de justice, à la rencontre de ses souvenirs. Mais ceux-ci se noient dans les cataclysmes qui frappent la planète. Tempêtes, inondations et tremblements de terre effacent un à un les lieux du bonheur avec Hélène. Une existence prend une dimension tragique. Pierre Maury, Le Soir. *
UN SOLITAIRE EN QUÊTE DE DESTIN Bruxelles au cœur du récent livre de Michel Joiret. Sombre mais attachant. Deux personnages s'interpellent et se confondent dans le récent roman de Michel Joiret : Maxime, qui n'est pas sans affinités avec l’auteur, et Bruxelles – comme un cadeau au lecteur qui connaît bien la ville. Dans Bruxelles donc, où le vent et la pluie noient les rues, entravent la circulation et décapitent les réverbères, à l'instar du monde lui-même dévasté par une tempête générale, un homme confronte ses souvenirs d'un passé révolu et les désenchantements du temps où il vit... assez mal. C'est un solitaire, inconsolable de la mort de sa femme, qui puise un sursaut d'espérance à d'anciennes images et cherche dans sa profession d'avocat des raisons d'être et de faire auxquelles il ne croit plus guère. À coups d'un whisky rare, plus destructeur que grisant, dont il tente d'égayer ses humeurs noires, il pense, comme il le faisait déjà enfant ébranlé par le divorce de ses parents, que ça ira mieux demain. Son terrain d'exploration est circonscrit au Carré d'Or, lieu très défini de Bruxelles, limité par le palais de justice, l'avenue Louise, la Porte de Namur et le jardin caché du palais d'Egmont. Il y renoue avec les chemins de bonheur et les paysages aux nuances de feu et de sang qui furent autrefois ceux de son grand-père et de son père dont les notes manuscrites le persuadent peu à peu d'y adjoindre les siennes. Si cette promenade aux dérives multiples est un vrai charme du livre, l'homme dont le fils et la fille vivent au loin leur existence d'adultes ne s'y confine pas, mais y intègre les balises de ce qui sera finalement son destin. Il y inscrit ses nostalgies et ses rêves, mais aussi ses désillusions et ses tentatives de faire resurgir des amours enfouies, ses désirs de beauté, ses admirations littéraires, sa quête de lumière. Et de vie. Mais, en dépit des sollicitations de sa gouvernante, l'homme n'est pas – ou plus – vraiment doué pour les rires et les fêtes malgré quelques velléités vite abandonnées. Rien de ce qu'il voit ou de ce qui émerge des bonheurs anciens, traversés trop vite, ne lui fait miroiter un avenir serein. Michel Joiret, après une quarantaine de romans, essais, recueils de poésie, a écrit un livre attachant d'ambiance et de mémoire. Pourtant sombre et parfois ambigu, il explore le passé et le présent suivant la verticale du temps qui va et l'horizontale des lieux qui participent à ce que l'on est. En un contrepoint symbolique interfèrent les peurs, les effervescences et les désastres du monde. Le nôtre. Monique Verdussen, La Libre Belgique *
Poète, essayiste, commentateur de Proust, Michel Joiret livre ici un roman de mémoire et de vie. Son antihéros, Maxime Dubreuil, depuis la mort de son épouse Hélène, commence à voir sa vie stable filer un mauvais coton. Sa charge d’avocat, le souci de ses grands enfants, Louis et Sabine, qui ont leurs préoccupations, sa relation avec Lam, maigre consolation loin de valoir sa tendre Hélène, tout prend soudain une drôle de patine. C’est l’heure où refluent, avec une densité d’écolier devant son école et tous les souvenirs qui vont avec, les traces de son « Carré d’or », espace chéri entre Place Poelaert, Avenue Louise, Porte de Namur, en compagnie de son père Stéphane, ou de son grand-père Emile, dont il lit avec nostalgie le journal, refuge devant ce qui devient l’inanité de sa vie, entre Aberlour, dont il fait un usage intensif pour oublier ou mieux se rappeler ce temps béni d’Hélène. On a du mal à le reconnaître, lui le fameux avocat. Il peine, déçoit ses clients, est montré du doigt. Il n’attend qu’un moment, celui de rentrer chez lui, pour boire, pour prendre quelques nouvelles de ses enfants. Louis est au Mexique. Raymonde, qui travaille pour le couple depuis longtemps, passe faire le ménage et occupe un peu les pensées du veuf chagrin. Le délitement d’une vie, d’une carrière, d’un temps : Maxime sent de plus en plus l’emprise de l’avant, de ce passé avec Hélène, de leurs voyages, de leur amour. Qu’est-ce que le présent lui offre ? Le corps cède. Le temps est à la catastrophe, aux pluies incessantes, aux nouvelles désastreuses provenant de tous les coins du monde. En trois parties, le roman désigne et dessine une expérience qui chute. Hélène, le Palais, le mémorial. Autant de clés pour saisir un destin, tout à la fois lié à Bruxelles, à son évolution, et à celle de personnages d’une famille que l’on suit, au présent et au passé subjectif d’un journal du grand-père, écrin de mémoire. La beauté du roman tient, d’abord, dans une écriture précise qui souligne très bien l’ancrage dans la ville, les soucis lourds de Maxime, ses progressions urbaines, ses lieux de vie, ses amours, présentes, anciennes. Barbara, Antinéa, Hélène, Lam ne sont pas seulement des relations, mais des figures de l’existence, et les nœuds filiaux ajoutent à l’intérêt psychologique du roman, entre destin professionnel et exploration de soi et de son « petit monde », ce « carré des proches », quatre femmes, ce « carré des pères et fils » (Émile, Stéphane, Maxime, Louis). Ce jeu de symétries, loin d’être artificiel, densifie l’histoire, montre avec prégnance l’impact du passé et la douleur de vivre dans une époque où les eaux montent, comme la peur, la déglingue, peut-être même la fin d’un monde. D’un style qui laisse peu de place à l’approximation, d’une langue riche et féconde, le roman recèle nombre de séquences poignantes. Dès l’entame, pris dans un vertige entre présent et passé scolaire, Maxime reste hébété, presque fantomatique, devant les murs d’une école déjà peuplée de ses souvenirs. Il se sent se briser tout doucement, comme si l’effraction du présent par le passé lui nouait le cœur, l’emportait vers sa fin. De même, à la fin du livre, combien de scènes mettent Maxime sur le fil ténu des réminiscences. On sent combien Joiret, dans cette fiction assez apocalyptique (montée des eaux, déliquescence des structures), a donné beaucoup de lui-même, par l’examen attentif des strates d’une vie livrée à cette bascule des émotions et des autres. Les relations filiales, les annotations historiques autour d’un Bruxelles ancien, les références mythologiques à Orphée/Eurydice signant de parfaites correspondances avec le couple Maxime/Hélène : autant d’ouvertures offertes par ce roman, subtil, plus complexe qu’il n’y paraît, tant l’écriture aérienne et stylée allège son côté sombre. La légèreté procède aussi d’un beau découpage en chapitres, en trois parties mesurant exactement la progression dramatique d’une vie, de la naissance à la vieillesse annoncée. Un bien beau livre, proustien à plus d’un titre. Joiret a traité Bruxelles et son Carré d’Or comme Proust pose Illiers/Combray comme révélateur social et psychologique. Philippe Leuckx, Les Belles Phrases *
Le dernier roman de Michel Joiret est sûrement le plus intense de tous, et pourtant il y en tant d’autres, ainsi cet émouvant Madame Cléo, roman couronné en 2012 par le Prix du Parlement, et ses nombreuses autres œuvres si diverses et si chargées de poésie. Cependant, le Carré d’Or dépasse tous les autres, par l’émotion, l’urgence et la nécessité. Le plus poignant aussi, celui qui vous prend à la gorge dès les premières pages , qui ne lâche plus le lecteur terrifié, tentant de rester accroché au bastingage du rassurant réel, celui qui pour toujours lui restera en mémoire. On referme le livre anéanti par les cataclysmes qui balaient ses pages. Par le biais d’un personnage qui lui ressemble, un certain Maxime Dubreuil, avocat bruxellois, Michel Joiret ne fait pas que décrire la fin du monde, il la vit au plus profond de son être, de son passé, de ses souvenirs, abordant un avenir de plus en plus restreint , il propulse le lecteur par la seule force de son imaginaire dans un univers apocalyptique, la dévastation générale est immense et y garder le cap semble impossible. Entraîné par les bourrasques, les destructions massives, non seulement de Bruxelles mais de la terre entière, le lecteur n’a d’autre choix que de s’accrocher aux pages, tenter de rester vivant avant la chute finale. C’est un roman brillant et épouvantable, qui met en scène un homme ordinaire, un avocat meurtri par son récent veuvage, habitué à boire un savoureux whisky nommé Aberlour, presque un personnage à part entière de ce livre étonnant. Une histoire menaçante, convaincante qui, pour mieux laisser place au malaise, se passe à Bruxelles, dans des lieux connus et aimés, l’avenue Louise, la Place Poelaert, le Carré d’Or. On se souviendra longtemps de la chute du Palais de Justice, de ce déluge de fin du monde en direct. Alors, les culs-cousus, les faces de Carême, les coincés, les rabat-joie, les bonnets de nuit, holà ! Debout ! Faites vos jeux, rien ne va plus ! Allumez vos lustres sans économie, mangez le gras de la viande, faites grincer sommiers et matelas, et si vous ne pouvez plus, agitez l’apertintaille de vos souvenirs, ça fera un de ces boucans ! La fin du monde fini commence, disait Valéry. Alors célébrons-là dans une rivière d’Aberlour ! Chacun vit une fin du monde en vieillissant, assurait Julien Green, le roman éblouissant et prophétiques de Michel Joiret nous condamne à approcher le cauchemar de la fin d’un monde, notre propre fin, décrite ici dans un livre d’exception, peut être bien tout simplement le chef d’œuvre d’une vie d’auteur. Anne-Michèle Hamesse, Nos lettres. *
Le roman de Michel Joiret apparaît comme le portrait d’un avocat, tracé au moment où sévit sur notre planète une apocalypse écologique dans une atmosphère millénariste. Celui-ci « imagine le croisement du passé avec le présent, la combinaison grasse des archives et le nécessaire délitement de son existence ». L’homme, « ontologiquement seul », est un veuf qui ne s’est jamais remis de la mort de celle qu’il aimait. Entre un métier auquel – avec son « carnaval des audiences » – il croit de moins en moins, des enfants éloignés, une gouvernante attentionnée, de très épisodiques rencontres avec une jeune amante, il y a surtout beaucoup de place pour du whisky. Le héros ne cesse d’effectuer des navettes du présent au passé. Il accumule les phrases interrogatives à propos de lui, du monde, des fantômes qui l’entourent. Ses fantasmes croissent : « Trop saoul, trop seul, il use du virtuel pour exister ». Il traduit une part de son désarroi à travers de caustiques remarques au sujet des dérives des valeurs du monde actuel. Mais cette histoire est aussi le prétexte pour un citadin de parler de la ville qu’il aime : Bruxelles. Et ceci dans un style qui, parfois, « a conservé le goût des pompes et des fioritures ». C’est d’ailleurs à cette exploration qu’est redevable le titre du livre. En effet, « Le Carré d’Or » est une portion du territoire de la capitale de l’Europe, situé entre les portes de Namur et Louise, la place Poelaert et les palais d’Egmont et de Justice. L’auteur-narrateur alors se laisse aller, prolixe, à des descriptions, des anecdotes, des souvenirs, des digressions historiques. Son personnage continue à se demander quelles sont « les intentions secrètes de la destinée », lui qui se sent de plus en plus proche de la mort et se dit que c’est sans doute le moment de profiter de la vie une dernière fois. Surtout si elle a partiellement été vide. Tout cela se teinte de nostalgie et d’une pessimiste lucidité. Qui peut vraiment être satisfait de son existence ? Assurément une minorité, une infime minorité. Michel Voiturier, AREAW *
La mémoire-refuge face au monde en déroute Pour colorer, réchauffer « le silence de la vie », une vie qui lui glisse entre les doigts, vide de joie, d’émotions, de sens, depuis la mort d’Hélène, son épouse chérie, l’avocat Maxime Dubreuil s’enveloppe du souvenir des jours enfuis. Au-dehors, le sol tremble, la tempête se déchaîne. « Le ciel a tué ses étoiles et sorti ses crayons les plus noirs. » Vents sauvages, pluies diluviennes. Bruxelles ne compte plus les toits arrachés, les arbres déracinés, les statues fracassées, les rues inondées… Mais c’est à travers la terre entière que les éléments font rage ; le désastre balaie les frontières. Sa vie aussi est un désastre. En perdant Hélène, voici deux ans, Maxime Dubreuil a tout perdu. Elle était l’âme, la fée fine et rieuse de ses jours. Ils ont traversé plus de vingt années main dans la main, cœur à cœur. Désormais solitaire, il se retire du monde, s’absente. Ses enfants, Sabine et Louis, sont à l’étranger, et se contentent de lui faire signe de loin en loin. Les amis, d’abord empressés autour de lui, s’esquivent. « Parce que les amis, ça fonctionne à quatre, comme la belote. Vous en enlevez un et hop ! les autres s’en vont à cloche-pied… » Et le brillant plaideur qu’il était, d’une habileté redoutable, se surprend à préparer négligemment ses dossiers, défend sans conviction des causes qui lui semblent dérisoires. Au creux de la déréliction, que lui reste-t-il pour habiter sa solitude, rompre le profond désenchantement qui l’isole de la vie ? La mémoire. Maxime parcourt sans fin l’album d’images de sa jeunesse. L’écolier qui se tenait volontiers à l’écart, regardant jouer les autres enfants dans la cour de récréation sans se mêler à eux. Le Carré d’Or, ce quartier magique où il a grandi et auquel il est resté fidèle, cerné par la place Poelaert, l’avenue Louise, la porte de Namur et le Palais d’Egmont. Inséparable de son père, Stéphane, qui avait ainsi baptisé ces lieux qu’il a tant arpentés, la petite main de Maxime serrée dans la sienne. Il s’y sentait dans « son propre jardin », car il y retrouvait les traces du grand-père Émile, dont le Journal était pour lui un livre sacré : ce grand calepin noir qui garde vivant le Bruxelles d’autrefois… Et partout, toujours, Hélène. Son rire. Leur connivence passionnée. Le temps du bonheur… Les jeux sont-ils faits ? Ou le goût de vivre, d’aimer, peut-il renaître ? Le Carré d’Or, le dernier roman de Michel Joiret, déroule, dans un paysage apocalyptique, l’histoire intime d’un homme dont la vie s’est arrêtée deux ans plus tôt, indifférent au présent, n’attendant rien des lendemains. Peut-être aura-t-il des surprises… L’auteur, en tout cas, en réserve une, cinglante, au lecteur. Francine GHYSEN, Le Carnet et les Instants *
Le carré d’or, c’est l’histoire de Maxime Dubreuil, sa chute libre depuis la perte de sa femme. Dans un monde qui vole en éclats (tempête, ouragan), c’est la vie de Maxime qui suit le même chemin. Mais le carré d’or, c’est avant tout ses repères comme le Palais de justice, l’avenue Louise (l’histoire se déroule à Bruxelles). Depuis la mort de sa femme, Maxime n’a plus le goût de rien si ce n’est de se noyer dans l’Aberlour (whisky), plus le temps avance et plus Maxime se noie. Ses enfants sont pour l’un au Mexique, pour l’autre à New York, il ne lui reste plus que la dame qui fait son ménage ainsi que sa « régulière ». Autant dire que Maxime est seul, du moins c’est de cette manière qu’il voit sa vie qui ne tient plus vraiment à rien. C’est de cette manière que nous voyageons avec Maxime entre son présent et son passé. Nous allons avoir des morceaux de sa vie, ainsi que certains passages de son enfance avec ses parents ou son grand-père. Mais le plus gros manque de Maxime est celui de sa femme Hélène, c’est une vraie chute à laquelle nous assistons, complètement impuissants, même si parfois il nous prendrait l’envie de le secouer et de lui faire comprendre que la vie continue malgré tout. Lui faire comprendre qu’il n’est pas complètement seul. Un récit de vie qui nous montre l’effet que peut avoir la perte d’un être cher. C’est grâce à ce livre que je découvre la plume d’un auteur de grand talent dont je ne suis pas prête de me séparer et dont je suis vraiment curieuse de découvrir un autre livre. Brigitte Alouqua, http://chroniqueslivres.canalblog.com *
Présentation par Anne-Michèle Hamesse au cours
de la traditionnelle Soirée des Lettres de l'A.E.B. d'octobre
2015*
Chaleureux
et généreux, Michel Joiret est une personnalité incontournable
de la
vie littéraire belge. On lui doit deux « sommes »
essentielles à la connaissance de la littérature belge
d’expression
française : La
littérature belge de langue française (en
collaboration avec Marie-Ange Bernard) parue chez Didier
Hatier en 2000 et La poésie
française de Belgique, de 1880 à nos jours (en
collaboration avec Robert Frickx), publié par les éditions
Nathan & Labor dès 1977.Il est aussi l’âme de la revue Le Non-dit, l’une des plus anciennes revues littéraires belges qui, depuis sa fondation en 1988, défend les poètes et les dramaturges belges d’aujourd’hui et étudie le riche patrimoine littéraire nourri de la culture si particulière de « l’esprit belge ». Modeste, Michel Joiret ne peut pourtant cacher qu’il est aussi – et peut-être surtout – l’auteur d’une douzaine de romans, dont l’avant-dernier paru à ce jour, Madame Cléo (aux éditions M.E.O. en 2011), a été distingué par l’un des prix les plus prestigieux en Belgique francophone, le prix littéraire du parlement. Né en 1942, Michel Joiret nous donne aujourd’hui avec son dernier livre, Le Carré d’Or, (chez M.E.O. en 2015) ce que je n’hésite pas à qualifier de chef-d’œuvre de la littérature française (et pas seulement en Belgique). Je ne suis d’ailleurs pas le seul. Analyse du déclin de la vitalité, du rétrécissement de l’horizon et de la dilution des rapports sociaux et aussi familiaux) qui accompagnent « le vieillissement des artères » (dont on a quand même l’âge quoi qu’on prétende), ce n’est ni une consolation philosophique dans le genre des « éloges de la vieillesse » que l’on connaît depuis Sénèque – et qui consolent si peu – ni dans celui des « ars moriendi » fatalistes et nihilistes liés à la conscience du drame dans la culture chrétienne. L’avocat Maxime Dubreuil, veuf et dont les grands enfants vivent loin de lui, qui a épuisé toutes les joies de faire carrière, reconnaît que son passé est bien plus riche en intensité de vie que son présent et ce que l’avenir lui promet. Mais il vit pleinement ce qu’il tient encore de vie dans ses mains, usant de toutes les armes de conquête de l’espoir et du divertissement auxquelles son caractère lui donne accès, des proximités physiques avec des jeunes femmes de rencontre qui lui procurent l’illusion de la possibilité de nouveaux amours , à l’alcool. Au rythme de cette lutte le livre se déroule avec fluidité vers un dernier événement, attendu comme inéluctable et en préparation dès les premières lignes, la mort, latente dans tous les actes du personnage. Et nous regardons l’ombre qui accompagne les actes méthodiques du survivant, l’ombre qui grandit à ses pieds au fur et à mesure que l’on tourne les pages. Mais, nul désespoir ici, pas plus d’invites à la compassion que Dubreuil ne s’autorise de lamentations. Alors, comme lui on serre les dents… et on avance. S’agit-il d’un roman ? Je dirais plutôt une majestueuse ode à la vie et à ce qui en nous vit, notre volonté de vivre. Mais si on veut qualifier de roman toute œuvre en prose de grande ampleur connaissant des personnages et décrivant des situations, de quel roman alors s’agit-il ? L’œuvre de Michel Joiret transcende ici plusieurs genres. Intimiste, Le Carré d’Or l’est sans doute, se présentant tout entier centré autour du ressenti de Me Dubreuil. Mais cet intime est une part de l’universel car le drame de l’avocat intéresse et implique la création toute entière. La décadence physique et mentale de Dubreuil, qui est le thème central du Carré d’Or, est rythmée par celle de la planète : à chaque page du livre les intempéries et les cataclysmes se déchaînent. Pour Joiret semble-t-il, avec chacun de nous, ce n’est pas seulement notre corps, notre intelligence, nos goûts, même notre éventuelle sagesse, qui sont conduits dès la naissance et de plus en plus vite vers l’anéantissement. Car « ce qui est en bas est en haut ». C’est aussi la société et le monde dont nous avons fait l’expérience et que nous avons agrandi de celle-ci qui disparaît avec nous. Sans prétendre – heureusement – nous imposer une philosophie et une métaphysique, Joiret nous amène pourtant à nous poser des questions de ce type : n’y a-t-il pas une âme, une humanité collective ? Et la richesse psychologique dont nos proches et nos enfants ont pû prendre connaissance, voire d’autres contemporains, est-elle perdue à tout jamais avec notre mort ? Universel, la planète toute entière accompagnant l’avocat Dubreuil dans son déclin, Le Carré d’Or n’en est pas moins un écrit régionaliste. Les amoureux de Bruxelles – il y en a – le savent, le carré d’or est un quartier de Bruxelles compris entre la place Poelaert, le palais d’Egmont, la porte Louise et la porte de Namur (à vos guides !) Particulier en tout, dans ses repères, ses goûts, ses nostalgies, ses faiblesses, Me Dubreuil nous montre « en bas » ce qui est « en haut » : l’individu périssable créateur de mondes périssables. On veut croire qu’il a tort, que l’humain est un tout, et qu’il est en progrès ; que nous pouvons y contribuer. Même si ce n’est pas la thèse du livre – qui ne comprend heureusement aucune thèse –, Le Carré d’Or nous laisse avec la question. Que Michel Joiret en soit remercié. Mais une œuvre littéraire, c’est aussi un style. Celui qui se déploie dans Le Carré d’Or est éblouissant. La phrase est harmonieuse quoique sans recherche, précise et allusive à la fois. Le rythme est soutenu mais l’attention jamais fatiguée tant les bonheurs d’écriture nous poussent en permanence dans notre lecture (comme l’amour de la vie de Dubreuil le soutient), maintenant en nous une attention inquiète de retrouver tout de suite d’autres enchantements , de ceux que procurent l’intelligence de la langue nourrie de sensibilité. Un seul extrait pour permettre de juger de ma fascination : « Maxime Dubreuil dévale le long escalier du Palais, la robe d’avocat hâtivement pliée sur l’avant-bras gauche. Un vent décoiffant disperse les feuilles arrachées aux arbres, des bouts de papiers, des emballages usagés, et même des pages de journaux agitées comme des oiseaux fous….Maxime accélère le pas, pressé d’en découdre avec les salves mugissantes qui lui lacèrent la gabardine et lui plaquent le bas du pantalon sur la peau…. » Michel Stavaux, La Corne de Brume |
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