CE QU'ILS EN ONT DIT
Aurélien
Dony,
jeune poète et homme de théâtre d’Anseremme, sort un brillant
recueil de nouvelles. Son titre ? « Le Cœur en
Lesse ».
Écrire ses souvenirs à 26 ans, cela pourrait paraître prétentieux
ou,
pire, l’expression d’une certaine nostalgie sirupeuse. Et c’est
tout le
contraire. À l’image de la Lesse, les nouvelles qu’Aurélien Dony
dédie
à sa région natale sont vives, fraîches. Pour certaines, limpides
comme
l’eau et pour d’autres, tortueuses comme un torrent. Elles voguent
entre humour et tendresse, fable et satire, passé et présent. Les
souvenirs s’écoulent et le lecteur, ferré, ne peut détacher son
regard
de ces pages noircies avec un style traduisant une grande poésie.
Le choix de la nouvelle, genre inédit pour Aurélien Dony, n’est
pas
innocent. « La nouvelle permet beaucoup de choses. Ce recueil
se
compose de petits tableaux, en fait ». Et ce grand amateur de
Brel
de poursuivre, tout en se gardant de toute comparaison
audacieuse : « Autant les chansons de Brel transpirent
de
Belgique, autant ces nouvelles-là transpirent de Dinant, mais avec
plein d’autres petites choses, des choses qui sortent un peu de
l’aspect purement local et dans lesquelles chacun peut se
reconnaître ».
Et le lecteur s’y reconnaîtra. Les énumérations de lieux se
succèdent : la collégiale de Dinant, la croisette, le Rocher
Bayard, le pont Saint-Jean d’Anseremme, Freyr, les ruines de
Crèvecœur…
Autant d’endroits qui ne sont jamais évoqués par le prisme des
lieux
communs touristiques, mais auxquels Aurélien Dony rend hommage en
les
sortant de leur torpeur quotidienne pour en faire les écrins de
ses
souvenirs.
Des histoires qui parlent d’amitié, de transmission familiale, du
temps
perdu, des beautés d’une nature préservée. L’auteur y apportant
tantôt
une touche humoristique lorsqu’il fait parler, dans un monologue,
la
statue en dinanderie de Charles de Gaulle. Tantôt un peu
sarcastique
lorsqu’il prend les traits d’un laïc qui pénètre dans la
collégiale. Ou
encore affectueuse à travers cette leçon improvisée de wallon
donnée
par sa grand-mère.
L’écriture est fleurie, très imagée. Telles des notes, les mots
composent une musique douce qui transporte le lecteur dans cette
région
dinantaise à la fois personnelle et pourtant, de par les
situations
dépeintes, tellement universelle.
Ronald Pirlot, L’Avenir
*
Murmures, couleurs, lieux communs ou qui le sont
moins. Aurélien Dony, poète, comédien et musicien, nous invite à
une
balade à travers Dinant, cité flanquée en bord de Lesse et réputée
pour
son fameux Rocher, sa citadelle, le pont Saint-Jean et la légende
des
quatre fils Aymon chevauchant le cheval Bayard. On sait peut-être
beaucoup moins qu'Adolphe Sax y a mis au point son célèbre
instrument :
le saxophone. Ce recueil se gave d'impressions et de souvenirs
puisés
dans le terreau local. On y découvre également plusieurs visages
qui
jaillissent du passé familial de l'auteur. Jacques Brel avait
lancé en
interview : « On passe sa vie à compenser son enfance ».
Celle de l'auteur a été heureuse, choyée par l'amour des proches,
entre
la Collégiale, les bateaux-mouches, un patois savoureux, le jazz
et une
nature sauvage. Un cadre qui l'a aidé à grandir et à s'épanouir
sans
heurts. Sans autre prétention que celle de transmettre des
instants
précieux, l'écrivain refuse de s'établir comme donneur de leçons,
même
si cet ouvrage se veut le foyer d'un feu qui le maintient debout,
prêt
à chauffer l'autre dans la mesure de ses moyens, avec respect et
sensibilité. Une madeleine de Proust pour qui a vécu il y a
trente,
quarante ans ou davantage et qui a connu cette belle région.
Paul Huet, Bruxelles-Culture
*
Mon pays bien aimé
J’ai lu bien des auteurs qui racontent avec un réel amour, une
certaine
affection et même une pointe de chauvinisme, leur pays natal, la
terre
qui colle sous leurs semelles, les premières sensations qu’ils ont
éprouvées, mais je crois que c’est la première fois que je lis les
mots
d’un auteur aussi jeune communiant en une telle symbiose avec ses
origines. Aurélien semble bien jeune pour ressentir une telle
nostalgie
en retrouvant son pays après l’avoir quitté pour suivre quelques
études, mais, en rentrant chez lui, il redécouvre son enfance et
son
adolescence et tous les petits et grands bonheurs qu’elles
comportaient
mais aussi des souvenirs moins heureux. « Anseremme d’un côté, et
c’est
l’enfance ; Dinant de l’autre, et c’est l‘adolescence. Entre ces
eux
pôles, une infinité d’aventures banales qui ont façonné le cœur
que je
porte en dedans. »
Ainsi, il raconte, en une vingtaine de courtes nouvelles, ses
souvenirs
d’enfance et d’adolescence mais aussi le pays qu’il affectionne
tant.
La nature où il aimait se balader avec sa famille ou ses potes,
ses «
copères » comme on dit par là-bas, les rives et les flots de la
Lesse à
Anseremme, ceux de la Meuse à Dinant où un de ses personnages, son
père
ou son grand-père peut-être, faisait naviguer des bateaux pour les
touristes. Il décrit aussi avec enthousiasme Dinant avec sa
Citadelle
(avec une majuscule réclame-t-il), sa collégiale, ses maisons
alignées,
sa croisette. Il fait vivre ou revivre ceux qui habitent cette
ville,
sa famille, ses copains d’enfance et tous les personnages qui
donnent
un caractère si particulier à la ville mais aussi à la bourgade
d’Anseremme. Il ne faut surtout pas oublier les légendes notamment
celle des quatre frères Aymon dont le cheval Bayard a façonné le
rocher
qui donne un cachet si pittoresque à Dinant. Sans ses légendes, la
région serait banale, avec elle a un esprit, une âme, une
histoire,
elle s’inscrit dans le temps, le temps qui fait la nostalgie.
Cette poignée de nouvelles donnent envie de partir le plus vite
possible à la découverte de cette région que les guides
touristiques ne
référencent pas souvent mais qui, sous la plume d’Aurélien,
devient
brusquement attractive, pleine de charme, magique. On a envie de
chevaucher le cheval Bayard et de bondir sur les routes à la
découverte
de cette région qui semble enchanteresse sous la plume de
l’auteur. Je
savais qu’Aurélien avais du talent, j’ai déjà et lu et commenté
des
poèmes qu’il a publiés ailleurs, mais dans ce recueil, j’ai
découvert
qu’en plus de son talent littéraire, il a une énorme sensibilité
et une
affection débordante pour son pays natal. Son texte est plein
d’amour,
de sensibilité et de poésie, il dégage une empathie qui invite à
suivre
l’auteur dans ses lignes et sur les chemins de son enfance et de
son
adolescence. Surtout, s’il se fond dans le personnage de Tom. «
Tom
appartenait à la catégorie de jeunes hommes bercés par quelque
conte
d’enfance où les chevaliers terrassent les monstres, où le
sorciers
plient la fortune à leur nécessité, où la vertu est affaire de
lance et
de bouclier. »
Dinant, c’est peut-être le bout du mont comme le dit le père dans
une
nouvelle, « On est loin de tout. Pas un théâtre d’envergure,
aucune
maison de la poésie, pas d’offre culturelle – ou si peu ! ». Mais,
à
Dinant, il a une Citadelle, il a des légendes et peut-être aussi
une
certaine magie qui insuffle l’inspiration aux poètes, aux
dramaturges
et à toux ceux qui aiment écrire.
Denis Billamboz,
critiqueslibres.com et blog mesimpressionsdelecture.
*
Fresque de vies
dinantaises
Dans son recueil de nouvelles intitulé Le cœur en Lesse, Aurélien
Dony
nous promène dans Dinant et ses environs. « Fille de la Meuse »,
Dinant
emporte dans ses flots les rêves et les souvenirs des hommes qui
ont
croisé son chemin.
À Anseremme, sur le pont Saint-Jean, Léo enlace son frère disparu
depuis plusieurs années. Sous ses pieds, la Lesse se jette
également
dans les bras de la Meuse qui, renforcée par ce courant ardennais,
s’en
va lécher l’île de Moniat où Justine et Mathieu savourent leur
amour
d’adolescents. Près du viaduc Charlemagne, elle rencontrera
Camille, 26
ans, perchée au bord d’une balustrade qui fait face au vide d’une
vie
trop lisse. Elle passera ensuite sous l’ancien pont ferroviaire où
Émile Landermont se perd dans les souvenirs de sa vie de
contrôleur.
Elle continuera enfin sa route vers Dinant.
Dinant… ses falaises escarpées, sa vallée et sa Citadelle
centenaire
fortifiée ! C’est du haut des remparts de cette dernière qu’un
artiste
s’inspire de la ville avec son fils. En contrebas, il peut voir la
Collégiale Notre-Dame d’où sort Michel, venu prier pour sa mère
mourante. Non loin de là, dans la rue Adolphe Sax, Luc partage un
banc
avec son vieil ami saxophoniste. Sur la nouvelle Croisette, Albert
et
Maria mangent une couque de Dinant tel un couple marié depuis trop
longtemps. Plus au nord, sur les ruines du château de Crèvecoeur,
Loic
et Fred se disputent, quant à eux, le cœur d’une fille. Pendant ce
temps, sur la Meuse se trouve un pécheur pour qui le temps semble
suspendu…
Touche par touche, au travers des aventures d’hommes aux destins
banals
mais uniques, Aurélien Dony nous peint une touchante fresque
dinantaise
en hommage à ses souvenirs d’enfance et d’adolescence. Les
couleurs de
sa palette sont douces, variées et harmonieuses. Les coups de
pinceaux
sont nuancés et maitrisés. On reconnait derrière cet ouvrage la
patte
du poète et lauréat du prix Georges Lockem de l’Académie royale de
Langue et Littérature françaises de Belgique.
« J’ai rendu, comme je le pouvais, un hommage aux arbres, aux
oiseaux, aux amis qui m’ont donné à voir le monde dans la robe
d’un
paysage ourlé de perles d’eau, bordés de racines épaisses. »
Avoir arrêté le temps pour pouvoir observer, écouter, ressentir
des
bribes de vie, telle est la sensation qu’inspire la lecture de ce
livre. Notre seul regret est finalement d’avoir dû reprendre trop
rapidement le cours de nos propres vies une fois tournée la
dernière
page du livre.
Mélissa Rigot, Le Carnet et les
Instants
*
Ce
surdoué précoce des lettres belges (à vingt-six ans, sept livres)
est
tout à la fois poète et prosateur. Remarqué par plusieurs recueils
(primé par l’Académie pour le deuxième), il s’était déjà essayé
avec
succès à la prose (en complicité avec Claude Raucy pour un roman)
et le
voici avec de bonnes nouvelles toutes centrées sur sa ville,
Dinant, la
Lesse, les bords de Meuse.
La ville de Sax, les anonymes, les passants, les proches, les amis
traversent cette plume inspirée par l’histoire simple de gens que
« le cœur » croise en Lesse, et que la laisse de
l’écriture
accompagne. Avec bonheur, amitié et talent.
Certains de ces destins nous émeuvent, et comment oublier ce
couple de
vieilles gens ou ces amoureux du château ? Dony donne voix et
voie
à des statues. Il portraiture des marins de fleuve et l’ordinaire
de la
vie provinciale. Parfois, l’amitié trahie est un vrai
« Crèvecoeur »
L’art de Dony ressemble à une dentelle lentement cousue, de poésie
et
de réalité : parfois le monde, vu de la jeunesse, ressemble à
une
route ouverte où tout peut se produire, dans l’aire des
enchantements.
Enchantement de l’écriture, celle d’un vrai narrateur poète, qui
épingle çà et là les vraies richesses de sa cité et sa
trépidance : « Je sens dans ma poitrine un cœur battre.
Un
cœur tout neuf. Et le sang dans les veines qui coule un peu plus
vite.
Tout s’accélère. Tout tourne autour de moi. »
Un petit livre, plein d’attentions, de charmes. Nous en espérons
d’autres de cette qualité.
Philippe Leuxkx, Nos lettres.
*
Outre le souvenir d’enfance, par exemple, il est possible
de faire vivre l’idée humaine dans les ressources d’un paysage,
avec
aussi un esprit d’intégration : «
?J’ai
besoin d’espace, de ciel à travers les branches, de vent sur ma
peau.
J’ai besoin d’appartenir à l’écorce des bouleaux, aux plumes des
tourterelles, au cours d’eau. Je veux m’enraciner, devenir ce
tout dont
je suis?».
C’est qu’Aurélien maîtrise l’ambiance, scénarise tout ce qu’il
touche.
Touchante aventure à faire jaillir, parfois, le souvenir dans le
vieux
rêve d’autrui apportant une certaine consolation :
«?Il n’y a plus rien, Simone…
L’ombre du vieux couple, dans la lumière d’or d’une fin de jour
d’été,
se fond dans le décor. Simonne serre un peu plus la main d’Émile
entre
ses doigts.
Si, mon amour, regarde. Il y a
encore des papillons?».
D’une collégiale un peu vue autrement, dépouillée du tourisme
béat,
jusqu’au lieu-dit «?La Croisette?» en passant par l’évocation
d’une
adolescence à taquiner la truite, le monde se restructure autour
d’une
ambiance que l’auteur initie à autrui, démarche progressive
suivant le
cours de la Meuse ou de la Lesse.
On pourrait dire «?tourisme de proximité?», si ce n’est que le
souci du
détail qui touche à l’humain est rappelé in situ, telle
l’évocation de
gros travaux sur les rives dinantaises : «
?Désiré
a perdu un kilo pour chaque arbre abattu, a compté une ride de
plus à
chaque saignée de berge, a vu trembler ses mains à la fermeture
du
France où il buvait matin son café tiède?».
Quelques nouvelles, comme «?Dinanderie?», suggèrent davantage
qu’elles
ne disent. On peut y mettre son propre monde à moins d’aller voir
sur
place la statue qui se trouve à l’angle d’un pont. La force
tellurique
du paysage transcende l’émotion jusqu’au partage amoureux suggéré
dans
la force d’un lion avec pour décor le rocher du même nom.
Le décor nourrit les protagonistes dans leurs propres élans
psychologiques. L’auteur, bien souvent, met en scène son sujet à
travers l’instant historico-géographique, telle cette évocation
indirecte de Sax ou encore le rocher Bayard étrangement mis en
scène,
Aurélien ne dédaignant pas la touche fantastique ou l’instant de
philosophie à travers un acte de Meuse assez courant, la
pêche :
«?Ce vieil homme avait passé le temps des courses, le temps des
femmes
au corps languissant, le temps des drogues et des soirées
d’ivresse. Il
ne courait plus. Peut-être avait-il passé sa vie à courir après
on ne
sait quoi d’important, après un boulot, des enfants, une femme,
des
obligations, des enterrements ou des naissances, des amis dans
le
besoin… et quoi d’autre encore. Et aujourd’hui, sous le soleil
de mai,
il pêchait sur la Meuse, les yeux enfoncés dans leur orbite,
englobés
dans la graisse du visage. Tom emportait avec lui l’image du
temps qui
ne passe plus?».
Nous sommes en Wallonie et l’auteur fait une belle description de
la langue wallonne : «?
J’ai
toujours aimé le wallon. C’est une langue chantante. Elle chante
comme
chanterait un escargot sous la pluie. Ça craque, ça crisse, ça
claque,
ça glisse. Ça sent la terre et les foins, les rivières, les
forêts, les
pierres, les champs… ça parle de cœur à cœur?».
«?Todi Soçon?» (toujours amis)?? Certes?!
Ajoutons encore que l’humanité (cf. le texte «?le viaduc
Charlemagne?»)
ou l’humour ne sont pas absents de ces agréables nouvelles au ton
un
peu conteur rythmé par le cours de la Lesse et de la Meuse, deux
cours
d’eau qui ont inscrit la Wallonie dans son relief.
Patrick Devaux, Reflets
Wallonie-Bruxelles
*
Le Dinant
d’aujourd’hui se mire dans les eaux de la Meuse, telle une jeune
actrice sur les allées de Cannes. D’ailleurs, elle a désormais sa
Croisette, la ville, un redéploiement urbanistique qui n’a pas
manqué
de nourrir la critique, comme le raconte dans son recueil de
nouvelles
Le cœur en Lesse (chez M.E.O.) Aurélien Dony, un vrai copère
celui-là,
une plume terroir qui ne ne manque pas d’aplomb pour raconter le
pont
de Gaulle, la Citadelle, sans oublier Adolphe Sax. Dinant aimante,
Dinant inquiétante dans ses replis?; Anseremme, porte de
l’Ardenne,
laisse couler la Lesse sous le pont Saint-Jean. Le recueil
d’Aurélien
Dony est l’atout qu’il fallait à Dinant pour jouer dans la cour
des
grandes.
Guy Delhasse, Les Littérantes.
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