Extrait Conditions
du Nord pour penser
C’est l’hiver c’est la mer c’est la nuit La longue digue s’étend, glacée Virtuel promontoire, brise-lame aigu Sur elle marche une silhouette obscure Un cerveau, d’ordre humain, un cerveau dans un corps mobile incrusté S’avance méthodique en droite ligne Larmoyant sous le vent qui lui siffle aux tympans Il entend des équipes d’âmes Éclairantes à force d’errance Sorties de ciels réputés trop vides Annonçant une exigeante mélodie, très spéciale Qui interdit la tranquillité d’esprit Mais empêche ici-bas, de mourir absolument Un galet luisant au plus noir du rivage Une norme polie dans le vent qui glace et viole La nuit déserte souligne l’immense mur, impavide parapet Et les disparitions : ô combien de marins, combien de capitaines… C’est l’hiver total avec son petit brillant lointain Le grand règne obscur où la plage inerte alors tremble de peur Et terrifie le petit cerveau méditant, qui l’observe aussi, seul Prisonnier d’elle autant que d’un corps froid Réputé humain – peut-être à tort ! Qui, le premier, voit le vent pousser son avantage ? C’est l’opaque océan, bientôt remué de glaciales passions Pour les éléments hostiles, l’obstacle se révèle : L’homme debout, arrêté de pied ferme à présent Majestueusement isolé pour ne penser à rien Et pour commencer de recevoir les neuves réflexions Quand brille toujours très loin la lueur irréelle Flottent les eaux sur le sombre Et réfléchissent les flots, qui s’animent sans lasser Passent les bataillons d’âmes anonymes Aussi vaincues que leurs musiques Soufflent et sifflent les rafales sur l’esprit suraigu Car la nuit veut encore plus de véhémence Et sans appel culmine son tourment LECTURE PAR JEAN
LOUBRY
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POSTMODERNITÉ Chanson dont le texte est adapté d'un poème extrait du recueil de Renaud Denuit "Histoires de la détermination. Adaptation du texte, mise en musique; enregistrement musical, scénario, tournage et montage par Bernard Denuit (NAO) avec la participation de Malick Ben-Geloune. Clip Video à but non lucratif. Certaines images sont issues des bandes de lancements de films "The age of stupid", "Home", "This is what democracy looks like". |
Ce qu'ils en ont dit *
Le numéro 96
(juillet 2012) de la revue Le
Non-Dit a été consacré
à Renaud Denuit, avec des articles de Michel Joiret,
Michel Theys,
Françoise Houdart, Jean Dumortier, Gérald Hayois et Joseph
Bodson.
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* Comme
l'écrit Michel Joiret, le poète entreprend un bien long
voyage, tout à
la fois découverte, somme, bilan d'une mobilité absolue
(...) Un homme
au cœur de son siècle et de sa culture (...) une
« poétique »
ouverte au monde.
Effectivement, il y a chez lui comme un écho – ou mieux une concordance d'inspiration – avec Victor Hugo, l'un des rares poètes qui osent ainsi prendre le monde et Dieu à bras le corps, et se mesurer avec eux. Il y a chez lui à la fois le sens de l'humour et de l'ironie, et une grande richesse verbale : les vocables, jusqu'aux plus rares, se convoquent parfois par analogie de sonorités. Il célèbre l'évolution, et tout cela est basé sur une culture philosophique et scientifique très sûre. Essayer l'homme, encore, encore... nous dit-il p.16. Renaud Denuit déteste les idées toutes faites, les certitudes acquises, la sphère repliée sur elle-même, cloîtrée et coincée en sa perfection factice. C'est l'homme du questionnement, de la quête qui n'a pas de fin. Une recherche qui pousse toujours vers l'avant, mais sans oublier le passé. La seule chose qui compte, c'est la progression, même si nous n'en voyons pas le terme, même si le terme, c'est Sisyphe : l'effort, la progression, portent en eux leur dynamique, et en cet effort qui peut paraître vain, c'est nous que nous tirons ainsi, c'est nous-même que nous tirons ainsi, c'est nous-même et ceux avec qui nous sommes en contact et que nous modifions sans même le savoir. Cette volonté de savoir, de comprendre porte en elle-même sa logique : connaître davantage pour aimer davantage. La seule fin de l'homme, dans tous les sens du terme, c'est l'amour. Rien d'étonnant donc si le livre se termine, p. 171, par un acte de foi en la poésie : Casser la baraque et prendre « Yes we can ! » au pied de la lettre Généraliser la fraternité républicaine Renouveler la face de la terre et dialoguer avec les étoiles Se faire une bonne parousie à l'échelle humaine La poésie peut le faire ! Joseph Bodson, Reflets Wallonie-Bruxelles * Voici 40 ans déjà que Renaud Denuit, fils de Marie-Claire d'Orbaix et petit-fils de Désiré-Joseph d'Orbaix, poètes, publiait à son tour ses premiers poèmes. Ressembler à l'homme (Maison internationale de la poésie, Bruxelles, 1972), recueil suivi de trois autres dans les années 70 et 80 jusqu'à ce que Ce qui est demeure du temps (Saint-Germain-des-Prés, Paris) mette fin à cette première période de publications poétiques pour faire place – comme l'y invitait sa vie professionnelle très remplie de journaliste politique et de fonctionnaire à la Commission européenne –, à des essais politiques et philosophiques. Une vie et des publications très diverses, mais témoignant que toujours et avant tout ont animé et inspiré Renaud Denuit la connaissance et l'étude du vivant, les Fondements, le présent, le devenir du vivant sur notre planète. Préoccupation essentielle qui se manifeste à nouveau avec force aujourd'hui dans cet extraordinaire recueil qu'est Histoires de la Détermination où, groupant des poèmes écrits entre 1985 et 2011, Renaud Denuit nous apporte 1a preuve – si besoin en était... – que son regard dans la vie et sur la vie n'a jamais au fil des années cessé d'être aussi le regard d'un poète ! Extraordinaire, comme nous l'écrivons plus haut, ce recueil l'est à plus d'un titre et nous dirions d'emblée que, tant sur le fond que sur 1a forme, nous n'en avons jamais lu qui lui ressemble. Et nous ne sommes pas la seule à le penser si l'on se réfère à la très belle préface que lui consacre Michel Joiret : (...) Le poète entreprend un bien long voyage, tout à la fois découverte, somme, bilan d'une mobilité absolue. La patine de tout un vécu a fait bien plus qu'un périple de Magellan ! Elle a fait œuvre d'orfèvre en distinguant une sorte de poème fondateur. Pas seulement l''organigramme d'un homme – dans tous ses états –, mais un homme au cœur de son siècle et de sa culture. (...) El pas seulement « l'organigramme d'un homme », mais l'organigramme de l'homme, son histoire depuis le tout début dans la Partie I, Poussières d'époque, son présent et son devenir dans II, Lignée de vie, et l'essence de sa pensée et de sa puissance dans III, Les fins dernières du cerveau. Histoires de la Détermination, c'est l'histoire, la science, la philosophie, la politique, l'éthique devenues poésie ! Avec des mots parlant à 1'esprit ou au cœur, aux sens ou aux tripes, des mots simples, beaux, vrais, qui éveillent, réchauffent, émeuvent, appellent, et des images neuves et superbes jaillissant de ces mots-là ! Et comment ne pas donner raison à Michel Joiret écrivant encore : Une telle œuvre est tueuse, de « natures mortes » comme de l'autocomplaisance. Elle fera douloureusement réfléchir les poètes au creux de toute inspiration, et les philosophes dépossédés de certitudes. Un livre que nous vous invitons à lire et à relire pour en découvrir, comme nous avons eu le bonheur de le faire, l'universelle, inépuisable, poétique et substantifique moelle ! France Bastia, La revue générale (oct. 2012) * Triptyque Renaud Denuit est un homme aux multiples activités, tant dans la sphère proressionnelle qu'artistique. Il a toujours écrit, mais semble opérer aujourd'hui un retour majeur à la poésie après de longues années passées dans l'ombre. L'anthologie qu'il propose de ses poèmes écrits entre 1985 et 2011 s'articule autour de trois thématiques centrales : l'origine et la création du monde, les mystères de la paternité et les liens filiaux qui en découlent ainsi que l'activité neurologique et l'avenir de l'homme dans les sciences. De sa place dans la ligne du temps, il observe le passé et le futur, laissant s exprimer tour à tour l'homme politique et démocrate, l'Européen, le père et le poète. Absorbé par le présent, le ton général des poèmes est plutôt pessimiste quant au devenir de ['Europe, « Trop nombreux, mon vieux, nous devenons beaucoup trop nombreux », et révolté par la violence perpétrée entre les êtres humains dans l'Histoire, « Atrocité, la chose la mieux partagée en ce bas monde... » Dans la dernière partie, l'auteur se montre également critique envers le caractère mécanique et réducteur des sciences : Couper dans le crâne, dans les méninges / Perforer les nerfs crâniens / Jusqu'au plus près de la conscience », la pensée se situant au-delà d'une myriade de neurones et de synapses. Les histoires révèlent un style hétérogène (poèmes en vers libre, textes courts en prose, saynètes sous forme de dialogues et aphorismes), mais la voix du poète, son intonation exaltée et verbale, traverse le recueil de bout en bout. Ouvrage étonnant tant pour les thèmes évoqués que dans la façon dont ceux-ci sont amenés. Il ne plaira pas à tous, mais en ravira certains. À signaler pour ceux qui désirent découvrir plus en profondeur la poésie et l'univers de Renaud Denuit que le dernier numéro de la revue Le Non-Dit lui est consacré. Mélanie Godin, Le Carnet et les Instants (oct. 2012) *
Le moins que l’on puisse dire est que cette somme surprend. Elle est le résultat d’une vie active particulièrement remplie et qui continue à une vitesse supersonique. Sont-ce vraiment ou seulement des poèmes ? Ne serait-ce pas, à travers ces messages versifiés, codifiés, de véritables crédos que le poète veut partager avec son lecteur ou sa lectrice ? L’orage de l’information passe à travers la décharge électrique de l’éclair et laisse dans votre cortex l’empreinte subliminale d’une conversation acceptée. Douce et virile à la fois, une poésie à découvrir. Le Bibliothécaire *
« Ainsi, passé, présent, futur, revisités à travers une poésie où l’émotion s’articule avec le jeu, l’esthétique avec la provocation, la tendresse avec le coup d’éclat, nous entraînent, dans une formidable invitation à bouger, penser, nous décaler, réfléchir, sentir, éprouver, désirer… j’aurais envie de dire : à oser visiter ou revisiter les questions de la vie et de la mort, à nous engager sur les registres existentiels dans un mouvement permanent et parfois déroutant entre intériorité et extériorité. Si la tonalité de départ nous invite souvent à la méditation ou l’envol en douceur, le poème se densifie et nous secoue en cours de chemin comme s’il voulait nous éveiller et nous mettre en mouvement. Le rythme s’accélère, les mots claquent, les images confrontent. La postmodernité s’affirme. » Extrait de la présentation faite par Annemarie Trekker le 16 janvier à la Soirée des Lettres Belges organisée par l’AEB à la Maison Camille Lemonnier. Rappelons que Renaud Denuit, issu d'une famille de poètes, a longtemps exercé des fonctions importantes à la Communauté européenne, après avoir été présentateur au JT. Annemarie Trekker a été frappée, à la lecture de ces poèmes, par l'importance qu'y revêtent les thèmes du lien et de la transmission, dans révolution humaine depuis la préhistoire (Poussières d'époque). dans la transmission plus proche, à travers la chaîne généalogique (Lignée de vie), et enfin, avec en perspective révolution future de l'être humain, par Les fins dernières du cerveau. Pourquoi le pluriel et la majuscule à Déterminations' ? L'écriture, la trace, la mémoire, ont une importance capitale. L'écriture est apparue avec une volonté personnelle d'invention, guidant le processus de vie sur la planète. Le poème marque la chaîne des générations. Le poète à la plume ferme interdit / De fuir ailleurs qu'au-delà. Le poète laisse place à l'homme d'action, avec des thèmes centrés sur le monde extérieur et les destins collectifs. Renaud insiste sur ce que représentent pour lui ses trois fils, la force, le défi qu'ils lui lançaient. Annemarie Trekker demande au poète de cerner sa figure : un révolté ? Un homme engagé ? Renaud cite en exemples Hölderlin, Rimbaud, Hugo, les poètes visionnaires qui préparent les générations futures. Il termine on notant que la poésie est le langage le plus libre, dans lequel tout est possible. Compte-rendu dans "Nos Lettres" de cette même présentation. *
Ce recueil regroupe en trois chapitres des textes plutôt épiques retraçant l'histoire de la création (« Poussières d'époques »), d'autres suivant le développement du vivant (« Lignée de vie »), d'autres, enfin, s'intéressant à l'activité cérébrale (« Les fins dernières du cerveau »). Tout ceci est intéressant, intelligent, souvent emporté et fougueux. Nous sommes aux confins des écritures : prose ou poésie ? Le nom de « poèmes » est revendiqué. Le Coin de Table (Revue de la Société des Poètes français) *
Le monde est-il déterminé ? L'univers est-il un songe ? Quels sont les bons choix dans la vie sociale et dans la vie intime ? Renaud Denuit pose ces questions dans sa poésie. On connaît l'homme comme ancien journaliste à la RTBF, comme fonctionnaire à la Commission européenne, comme enseignant à l'UCL et à l'ICHEC, mais on connaît moins l'écrivain. Ses textes poétiques aujourd'hui réunis mettent en valeur les interrogations qui le traversent : des réflexions philosophique, politique et individuelle, en évoquant l'origine de la vie et des civilisations, la construction européenne, la fascination pour le processus cérébral et de la pensée humaine, l'enfance et la paternité. Ou le pouvoir des mots, car "Amener à l'abreuvoir un cheval qui n'a pas soif / La poésie peut le faire". Florence Richter, Lectures. *
Il ne faut pas seulement se rappeler Vigny : Poésie, oh trésor, perle de la pensée, ou le très élégant Boileau, ou même un certain La Fontaine, ou Voltaire, ou bien Lamartine et Hugo, et plus près de nous : Bonnefoy ou Verhesen... la poésie donne à penser. Elle pense même quelquefois : frottant alors l'égarement des idées aux frontières des formes. Et, dans ce registre, il faut admettre que l'abandon de la versification régulière n'a pas simplifié la tâche des poètes-penseurs. L'émotion et l'abîme ne leur suffisent pas. Il leur faut aussi articuler un discours. Cela place leurs poèmes sur une corde raide : entre stupeur et maîtrise, la poésie philosophique se cherche encore, aujourd'hui. Renaud Denuit ne doute de rien. Il faut, pour rentrer dans ces poèmes aux allures austères (…) une sorte d'abandon. Ces vingt-six ans de poésie rappellent d'abord un parcours d'engagement intellectuel sérieux. On lit ici un bilan. Un bilan du monde, pas moins, auquel se mêle le bilan propre du poète, son expérience de la vie, de la mort, de la filiation. Cela se coupe dans des poèmes pensés (…), d'où émergent, comme chez Pierre Emmanuel, des fragments de vie (…) Lucien Noullez, Le Journal des Poètes. |
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