CE
QU'ILS EN ONT DIT
*
Nathan
Rivière, le narrateur du quatrième roman de Claude Donnay
qui a une trentaine d’années, invoque un faux burn-out pour
prendre du recul et très vite rompre avec sa femme et son
travail.
Dans un ermitage, il fait la rencontre d’une femme
séduisante dont il apprendra qu’elle est éditrice. Le père
de Nathan, jeune retraité, lui confie par ailleurs le
manuscrit d’un premier roman qu’il a terminé et qui raconte
l’histoire d’un passeur de migrants dans le sud de la France
qui s’éprend d’une Syrienne mariée. Le Passeur,
titre provisoire de ce roman du père, avant qu’il s’appelle
L’Heure des olives, va bientôt imprégner, régler la
marche du récit.
Car ensuite va germer dans la tête de Nathan une idée
retorse pour se rapprocher de la femme qui le fascine sans
savoir dans quel parcours il s’engage… Plusieurs fois, il
s’accuse d’être un velléitaire, un menteur, de s’être trompé
et d’avoir trompé les autres sur ce qu’il est vraiment?;
bref, de ne jamais avoir pris ses responsabilités ni avoir
aimé.
L’Heure des olives, le roman du père, écrira le
narrateur, cela pourrait être l’heure où l’on secoue les
branches pour récolter les fruits en pluie dans les filets,
comme un miracle, mais cela pourrait aussi être l’heure des
décisions, des mots qui tombent des lèvres, des actes posés
avec leurs conséquences à venir…
Derrière l’histoire d’amour qui va attacher le narrateur à
l’éditrice se noue une autre relation, plus forte,
fondamentale, celle qui va réunir le père au fils via un
roman, objet du passage, du relais entre les deux hommes.
Souvent, quand un livre est évoqué dans un récit, c’est à
titre anecdotique. Outre la qualité évidente des passages
rapportés, le livre dont il est ici question est au cœur du
récit, il relie les protagonistes et devient moteur de leurs
actions.
Ce roman dans le roman qu’on lit va aussi permettre
l’épanouissement du narrateur. Mais par le dispositif mis en
place, il permet à l’auteur même de s’interroger, en y
mêlant le lecteur dans une forme de clin d’œil, sur sa
propre pratique romanesque (et celle de tout écrivain). La
mise en abîme se révèle donc un jeu de miroirs et d’échos à
plusieurs facettes.
Un roman beau et fort, qui provoque le frisson. Ancré,
engagé dans son époque, la nôtre, il pose de multiples
questions existentielles sans les résoudre toutes, de sorte
que le lecteur les prenne à son compte et prolonge ainsi sa
réflexion. Bien au-delà de la lecture du livre…
Éric Allard, Les Belles Phrases
*
Claude
Donnay signe ici un roman dont il a le secret, baladé par
des ondes raffinées, de jolis instants d’émotion et une
écriture qui doit énormément à son charme de poète. Avec
«?L’heure des olives?», il nous convie à connaître Nathan
Rivière, un homme qui simule un burn-out pour ne pas perdre
pied, se retrouver et fuir une société où il a de plus en
plus de difficultés à s’épanouir. Il part se ressourcer à
Saint-Walfroy. Là, il fait la connaissance d’une femme
mystérieuse et fascinante. Un de ces êtres qu’on ne croise
qu’une fois et avec lequel il importe de ne pas perdre le
contact. Une chose ne laissant guère de place aux
conjectures, il découvre que son père a rédigé le roman que
lui-même comptait écrire. Bousculé par des sentiments
contradictoires et des émotions intenses, il sait que ce
séjour sera pour lui un grand moment de transition, un temps
d’introspection. Sortira-t-il mûri de cette expérience et de
ses réflexions??
Sam Mas, Bruxelles-Culture
*
C’est
un très beau roman que signe ici l’écrivain belge Claude
Donnay.
D’emblée, le lecteur est embarqué dans l’univers
tragi-comique du narrateur, Nathan Rivière. Celui-ci se
définit lui-même?: «?J’ouvre un tiroir et le referme, un
autre et je le referme. Toujours à l’extérieur du meuble?».
À un tournant décisif de sa vie, ce personnage torturé et
attachant simule un burn-out afin de se délivrer de sa vie
maritale et professionnelle, toutes deux en déliquescence.
De fil en aiguille, il se retrouvera empêtré dans un autre
mensonge qu’il ne pourra plus maîtriser («?Comment ai-je
pu avoir une idée aussi tordue, et aussi dégueulasse?? …
Comment imaginer faire machine arrière, le processus était
enclenché…?»).
Fraîcheur, légèreté, gravité, profondeur, sensibilité et
humour («?ma conscience a la souplesse d’une jeune
prostate?») émaillent ce roman très réussi de Claude Donnay
(son quatrième).
L’écriture est savoureuse (tantôt comique, tantôt poétique)
et on peut dire que l’auteur a le sens de la formule
(«?comment douter de la plénitude du vide???»).
En prime, deux romans pour le prix d’un (vous comprendrez en
lisant le livre). Lumineux?! Et c’est du belge…
Leila Zer, FB.
*
Tout est bien qui finit bien…
« Les écrivains passent souvent pour des obsédés
sexuels, à tort ou à raison, mais moi je n’écris rien…
Je ne fais rien… je ne suis rien… Parfois je me demande
si mon faux burn out n’est pas en train de muter comme
un virus asiatique. » Tels sont les propos
désenchantés de Nathan Rivière, « héros » de L’heure des
olives, dernier roman de Claude Donnay.
En rupture de boulot suite à ce soi-disant burn out qu’il
simule avec maestria depuis trois mois, en rupture
d’épouse (ils vont divorcer par manque de cette
belle complicité si précieuse et nécessaire lorsque les
feux de l’amour risquent de se mettre en veilleuse)… En
rupture aussi de sa belle-famille (conservatrice, riche et
admiratrice inconditionnelle de Trump), que la nouvelle du
prochain divorce satisfait plutôt vu le manque d’envergure
que lui reproche aussi son ambitieuse (et provisoire)
épouse… En rupture encore de l’écrivain qu’il a pu rêver
d’être alors qu’il découvre un jour que son père vient de
terminer un livre, ce qu’il était à mille lieues
d’imaginer… alors que, mieux encore, la lecture du
manuscrit lui révèle un texte excellent qui marie
l’odyssée de migrants à la frontière franco-italienne avec
une intrigue sentimentale entre le passeur et une jeune
Irakienne…
C’est en acceptant un dérivatif proposé par sa sœur que
Nathan a rencontré une certaine Alex(andra) Rakine dans le
gîte-ermitage français de saint-Walfroy, proche d’Orval,
avec qui il noue une amitié bientôt transformée en
relation amoureuse au fil de rencontres ardennaises
épisodiques. Alex est une femme très secrète qui parait en
accord parfait avec la nature et avec ce lieu de
ressourcement. Mais Rivière finit par découvrir qu’elle
est aussi une menteuse à sa façon et qu’elle habite Paris
(et non pas Reims) où elle codirige une maison d’édition
en vogue, sous le pseudonyme passablement flamboyant, de
Pénélope Verdurin. (pseudo hérité à la fois de La
Recherche et non pas – précise l’auteur – d’Homère, mais
de Pénélope Jolicoeur, fringante héroïne des Fous du
volant, une série animée foldingue des années 1960).
Suite à un concours de circonstances qu’il contrôle mal,
il propose la lecture du manuscrit de son père à «
Pénélope/Alex » qui persuadée –sans être démentie – que
Rivière (fils) en est l’auteur, décide de le publier… Le
voilà donc prisonnier d’une chaîne de mensonges (à
commencer par le burn out) qui ne sont même pas le fait
d’un imposteur invétéré, mais plutôt celui d’un être
invertébré dont l’attitude justifie douloureusement le
désenchantement. Sans oublier un souvenir qu’il traîne
comme une vieille casserole : le débordement sexuel imposé
à sa sœur lors de vacances à Noirmoutier où les deux
adolescents partageaient le même lit. Souvenir d’autant
plus troublant que cette sœur qu’il aime sincèrement et
qui le lui rend bien, n’a jamais réagi ni fait allusion à
ce moment d’égarement dont il aurait aimé se faire
pardonner.
Son désarroi est à son comble lorsque son père lui apprend
qu’il a envoyé son manuscrit à un éditeur. Quant à Alex,
elle lui paraît de plus en plus détachée de lui…
Heureusement, la rencontre avec Ludmilla, une adorable et
généreuse lesbienne, amie de longue date d’Alex-Pénélope,
l’aidera à dénouer ce sac de nœuds. Ainsi viendra L’heure
des olives. Celle où – dit-on – elles sont mûres et
propres à une récolte, en l’occurrence plutôt miraculeuse…
Que demander de plus ? Si ce n’est déjà un peu trop… Mais
Claude Donnay est avant tout un poète dont la vision
positive des choses conditionne aussi le romancier.
Ghislain Cotton, Le Carnet et les Instants
*
L'auteur
a déjà publié pas mal de recueil de poèmes. Il est
d'ailleurs le fondateur de la revue et des éditions Bleu
d'Encre, consacrées à la poésie. L'heure des
olives est son quatrième roman.
Nathan Rivière, le héros et le narrateur de ce récit,
vit dans le mensonge. Il invente un burn out afin de
s'octroyer une longue pause et de, peut-être, quitter
son travail définitivement.
Son couple ne fonctionne plus. Ce n'est pas chez sa
femme qu'il trouvera des encouragements.
Sa sœur, Evelyne, l'emmène à Saint-Walfroy dans une
sorte de retraite où il rencontrera une femme un peu
mystérieuse qui ne tardera pas à le fasciner : Alex.
Quand il se rend compte que la jeune femme lui ment,
notamment sur son identité, il décide de lui rendre la
pareille et pose un acte qu'il regrettera toute sa vie.
Alexandra est, en fait, une éditrice très connue à Paris
et comme son père vient de lui confier un manuscrit
qu'il a écrit en secret, Nathan décide de se faire
passer pour l'auteur de ce manuscrit, un gros mensonge
qui bouleversera toute sa vie.
Les personnages de Claude Donnay sont bien campés. J'ai
beaucoup aimé vivre leur cheminement.
Le suspense est omniprésent. Je me suis demandé comment
Nathan allait bien pouvoir se dépêtrer de la mélasse
dans laquelle il s'est fourré.
Et puis, l'auteur a réussi la prouesse d'inclure un
roman dans le roman avec le manuscrit du père du héros,
manuscrit que Nathan recopie petit à petit dans un
carnet et qu'il distille, goutte à goutte, au lecteur
impatient de connaitre le fin mot de ces deux histoires.
Une belle réussite.
Philippe Dester, blog.
*
Très
beau roman à la fois touchant et prenant.
[…] Un livre très bien écrit au style sobre, précis et
sensible. Des thèmes comme l’immigration, le pardon, le
mensonge, la bienveillance, le chemin de vie. J’ai
beaucoup aimé la mise en abyme du roman du père de
Nathan qui répond au roman de Claude Donnay. Cela crée
un suspense et donne à voir au lecteur une forme
originale avec ces deux histoires intrinsèquement liées.
«?L’heure des olives?» aborde aussi l’identité,
les choix de vie, le mensonge dans toutes ses
dimensions. Claude Donnay a choisi de narrer des thèmes
qui font l’actualité, ancrés dans la réalité de tout
lecteur. La fin ouverte laisse place à l’imagination.
Une lecture que je conseille. (luciled18,
Babelio)
MAIS
AUSSI
J’aurais
aimé dire du bien de ce roman […], mais je n’en ai pas
trouvé. […] un narrateur sans aucune richesse ni
particularité (un peu comme George Clooney, mais sans la
beauté) […] le milieu de l’édition est décrit de manière
irréaliste voire cliché, ce qui pousse le héros à cette
mystification reste peu fouillé, voire illogique, et
surtout, la relation entre le père et le fils ne compose
qu’une infime partie, là encore très stéréotypée, du
roman […] La Littérature se doit en premier lieu
d’émouvoir. Elle y parvient par différents moyens, mais
ici, je n’ai trouvé aucun d’entre eux. […] Nathan
pourrait être mon voisin, et je me fiche bien de sa vie
inintéressante et de sa psychologie à deux sesterces […]
le milieu de l’édition est décrit de manière irréaliste
voire cliché […] les descriptions sont quasiment
absentes et manquent de vie, et le style est pauvre, à
la limite du cliché, surtout dans les dialogues qui ne
sonnent pas justes, et surtout sonnent tous de la même
manière?: les personnages ne sont pas caractérisés par
leur langage et ils pourraient aussi bien être
intervertis que ça ne changerait rien […] (mellemars,
Babelio)
Nous
avons choisi de montrer aussi cet avis négatifs assez
stupéfiant, tous les professionnels de la critique
ayant au contraire souligné la finesse d'une écriture
poétique. On aurait aimé un minimum d'argumentation,
notamment sur la psychologie à deux sesterces,
l'absence de descriptions (qui sont pourtant
magnifiques dans le roman du père et logiquement moins
développées dans la tête du fils noyé dans ses
problèmes existentiels "à deux sesterces", le milieu
de l'édition irréaliste voire cliché (alors que
l'auteur est aussi éditeur). Vous avez dit bizarre ?
L’écriture,
le style assez grossier, pas grandement de finesse dans
l’écriture…Mais au fil des pages, on se prend dans
l’histoire et on essaie de lire dans l’être profond de
Nathan Rivière?: ce burn-out, sa femme, son couple à la
dérive… il a l’air profondément malheureux en fait?!
Sous ces airs de «?bourru?», «?d’homme à femmes?», se
cache un réel mal-être. (vitamine68, Babelio)
*
Claude
Donnay se met à « L'Heure des olives »
[…]
L'histoire: un homme simule un burn-out puis s'empare du
manuscrit écrit par son père pour tenter de séduire une
femme étrange. Le roman se divise en 40 séquences et se
déroule d'avril 2018 à septembre 2019, débute à Waterloo
et se termine à Saint-Walfroy, pas très loin de Reims.
Le personnage principal évolue entre le Brabant wallon
et la France (Arcachon, Paris et Calais, avec une
incursion dans la vallée de la Roya, dans les Alpes
maritimes). Tous lieux qui permettent à l'auteur de se
lancer dans de belles descriptions paysagères, mais
aussi de faire vivre à ses personnages de grands moments
d'amour, de déception, d'altruisme et de solidarité.
Des lieux aussi qui lui permettent de jumeler quasiment
deux histoires: celle du narrateur et celle imaginée par
le père de celui-ci dans son roman, ce qui provoquera un
coup de théâtre assez hardi dont on ne livrera rien ici.
L'Heure des olives est un roman qui reflète
l'actualité, en l'effleurant (la politique belge, les
migrants de Calais) et qui propose aussi quelques
moments profonds de sensualité.
Michel MOTTE, L’Avenir
*
Nathan
simule un burn-out pour quitter son job et retrouver sa
liberté, sa femme est en train de le quitter, il se sent
un peu coupable. Il ne veut plus de cette vie avec une
belle famille qui ne connaît que deux préoccupations le
pouvoir et l’argent, une sœur qu’il ne voit presque plus
et un job qui ne le passionne nullement. Il rêve d’une
vie simple et authentique, il ne veut plus des faux
semblants et des artifices. Sa sœur réussit à l’emmener
à la campagne pour un week-end de détente où il
rencontre Alex, une femme plus âgée que lui qui l’attire
franchement, elle l’entraîne en balades dans la campagne
où ils finissent par se séduire mutuellement.
Il a menti à Alex, Alexandra, elle lui a menti elle
aussi, ils ont inventé des personnages compatibles pour
vivre une aventure en cachette, loin de leur monde
réciproque. Mais leur histoire bascule quand Nathan,
voulant en savoir plus sur sa belle, découvre qu’elle
est avec sa collègue une égérie du monde parisien de
l’édition, qu’elles font et défont les carrières
littéraires des plus grands auteurs. Alors pour l’épater
et redorer son image personnelle, il lui dit qu’il écrit
et le prouve en lui adressant, sous son nom, le
manuscrit que son père a écrit. Hélas, pour lui, ce
texte est très bon, il est promis à une belle carrière
éditoriale?! Nathan bascule alors totalement dans une
double vie, dans un imbroglio insoluble dont il ne
pourra sortir qu’à l’aide d’une écrivaine qui le confie
à son père.
Ce texte d’une très grande richesse comporte plusieurs
entrées, c’est tout d’abord une réflexion sur le
mensonge, le mensonge provoqué par les vices de notre
société où il faut souvent mentir pour ne pas perdre la
face et tout ce qui s’en suit. Nicole trompe Nathan qui
le quitte, Alex ment à Nathan sur sa double vie…, mais
c’est surtout Nathan qui ment à tout le monde
(employeur, épouse, famille…) en laissant croire qu’il
souffre d’un «?burn out?», mais aussi à son père à qui
il a volé son manuscrit pour le faire éditer sous son
pseudo personnel. L’auteur semble se demander comment
peut-on vivre dans notre monde en disant toujours la
vérité ? Est-elle seulement bonne à être toujours
dévoilée??
C’est aussi un livre militant où l’auteur à travers le
récit escroqué au père qu’il plonge en abyme dans
l’histoire de Nathan – ou peut-être est-ce l’histoire de
Nathan qui tombe en abyme dans le récit paternel?? –
défend farouchement la cause de ceux qui aident les
migrants à trouver une meilleure vie dans un monde où
ils sont contraints de se réfugier sans y être acceptés.
On peut y voir aussi une belle image de la femme
moderne, libre, indépendante, chargée de haute
responsabilité?: Nicole est une executive woman,
Pénélope et Jasmine règnent sur le monde littéraire
germanopratin, Pénélope et Nicole ont des amants de
passage, Ludmilla et Ingrid sont des artistes reconnues.
Toutes sont des femmes séduisantes et entreprenantes qui
n’hésitent pas à séduire quand elles en ont envie, ce
sont elles qui décident?! Ce livre est aussi un
«?témoignage?» sur l’écriture et le cahoteux parcourt
que doivent emprunter ceux qui veulent recevoir la
reconnaissance de l’édition qui n’est hélas, pour bon
nombre, qu’une illusion éphémère.
Mais, à mon avis, ce roman est avant tout un grand texte
sur l’amour, pas toujours possible, mais l’amour sous
toutes ses formes?: Nicole et Nathan aurait pu
construire un bon couple, mais la barre parentale était
trop haute, Pénélope a aimé John, Ludmilla aime Ingrid,
Côme tombe amoureux d’une migrante… Et l’amour n’est pas
que sexuel, il existe aussi entre le père et le fils, le
frère et la sœur et il peut se muer en amitié comme
entre Nathan et Anton. Mais ce roman est avant tout un
grand roman d’amour impossible, une histoire d’amour
comme il n’en existe que dans les grandes œuvres
littéraires qui surpassent les temps.
Denis Billamboz?; critiqueslibres.com et
mesimpressionsdelecture.unblog.
*
On
voyage beaucoup dans les romans de Donnay; c'était le
cas des deux derniers. Ce quatrième opus ne déroge pas à
la règle romanesque fixée.
Entre Ottignies, les Ardennes françaises
(Saint-Walfroy), Paris et la Roya, l'auteur nous invite
à prendre l'air. Son narrateur, Nathan Rivière, en a
bien besoin, simulant un burn-out qui lui donne de
nouvelles chances d'exister. Ce gars de trente-trois ans
est à l'heure des décisions difficiles à prendre :
quitter Nicole, avec qui plus rien ne se passe, rompre
avec son métier, prendre un peu de temps.
La rencontre avec Alex (Alexandra/ Pénélope Verdurin) va
être le point de départ d'une nouvelle aventure, le
temps de commettre des mensonges, de se brouiller avec
ses proches, de fuir, et peut-être de gagner "l'heure de
olives", celle à laquelle on ne peut échapper.
Dans l'entre-deux, un roman dans le roman, intitulé "Le
passeur" qui se déroule dans la vallée de la Roya. Livre
que son père a écrit sur les migrants.
Dans l'entre-deux, le romanesque prend tout son éclat,
comme toujours chez Donnay, avec des personnages
lumineux et solidaires comme Ludmilla et son père Anton,
fixé à Calais.
Le roman, qui adore les happy end, est d'une narration
enjouée, où le malheur trouve réponse et où les
personnages peuvent redevenir clairs. C'est le bonheur
de lire Donnay, c'est aussi peut-être sa limite : tout
ne se termine pas toujours aussi bien dans la vie.
L'écriture, chaleureuse, précise, épouse très clairement
les parcours des personnages et sert une description
réaliste des milieux entrevus.
Donnay ne démérite pas dans ce nouvel ouvrage, où sa
plume serre bien les réalités rencontrées : le monde du
burn-out, celui de l'édition, celui surtout des migrants
que le "roman enchâssé" (L'heure des olives) cerne bien.
A ce titre, le roman enchâssé vibre-t-il un peu plus que
l'histoire principale, sans doute le lecteur
trouvera-t-il plus prégnant le parcours de Côme et
d'Intisar.
Un beau roman.
Philippe Leuckx, Nos Lettres
*
Dans
ces deux romans de Claude DONNAY et de Catherine
DESCHEPPER, un des protagonistes majeurs de l’intrigue
est obsédé par son besoin de publier un livre soit
pour sauver sa face en même temps que son amour, soit
pour atteindre la notoriété à laquelle il rêve. Le
livre est encore un mythe qui fait fantasmer de
nombreux auteurs en puissance ou, plus souvent, dans
l’impuissance d’écrire quelques lignes simplement
correctes. En l’occurrence, je vous propose deux
livres de la meilleure écriture qui, eux, ont bien
mérité d’être publiés.
Nathan simule un burn-out pour quitter son job et
retrouver sa liberté, sa femme est en train de le
quitter, il se sent un peu coupable. Il ne veut plus de
cette vie avec une belle-famille qui ne connaît que deux
préoccupations, le pouvoir et l’argent, une sœur qu’il
ne voit presque plus et un job qui ne le passionne
nullement. Il rêve d’une vie simple et authentique, il
ne veut plus des faux-semblants et des artifices. Sa
sœur réussit à l’emmener à la campagne pour un week-end
de détente où il rencontre Alex, une femme plus âgée que
lui qui l’attire franchement, elle l’entraîne en balade
dans la campagne où ils finissent par se séduire
mutuellement.
Il a menti à Alex, Alexandra, elle lui a menti elle
aussi, ils ont inventé des personnages compatibles pour
vivre une aventure en cachette, loin de leur monde
réciproque. Mais leur histoire bascule quand Nathan,
voulant en savoir plus sur sa belle, découvre qu’elle
est avec sa collègue une égérie du monde parisien de
l’édition, qu’elles font et défont les carrières
littéraires des plus grands auteurs. Alors, pour
l’épater et redorer son image personnelle, il lui dit
qu’il écrit et le prouve en lui adressant, sous son nom,
le manuscrit que son père a écrit. Hélas, pour lui, ce
texte est très bon, il est promis à une belle carrière
éditoriale?! Nathan bascule alors totalement dans une
double vie, dans un imbroglio insoluble dont il ne
pourra sortir qu’à l’aide d’une écrivaine qui le confie
à son père.
Ce texte d’une très grande richesse comporte plusieurs
entrées, c’est tout d’abord une réflexion sur le
mensonge, le mensonge provoqué par les vices de notre
société où il faut souvent mentir pour ne pas perdre la
face et tout ce qui s’en suit. Nicole trompe Nathan qui
le quitte, Alex ment à Nathan sur sa double vie, mais
c’est surtout Nathan qui ment à tout le monde
(employeur, épouse, famille…) en laissant croire qu’il
souffre d’un «?burn out?», mais aussi à son père à qui
il a volé son manuscrit pour le faire éditer sous son
pseudo personnel. L’auteur semble se demander comment on
peut vivre dans notre monde en disant toujours la vérité
? Est-elle seulement bonne à être toujours dévoilée??
C’est aussi un livre militant où l’auteur, à travers le
récit escroqué au père qu’il plonge en abyme dans
l’histoire de Nathan – ou peut-être est-ce l’histoire de
Nathan qui tombe en abyme dans le récit paternel?? –
défend farouchement la cause de ceux qui aident les
migrants à trouver une meilleure vie dans un monde où
ils sont contraints de se réfugier sans y être acceptés.
On peut y voir aussi une belle image de la femme
moderne, libre, indépendante, chargée de hautes
responsabilités?: Nicole est une executive woman,
Pénélope et Jasmine règnent sur le monde littéraire
germanopratin, Pénélope et Nicole ont des amants de
passage, Ludmilla et Ingrid sont des artistes reconnues.
Toutes sont des femmes séduisantes et entreprenantes qui
n’hésitent pas à séduire quand elles en ont envie, ce
sont elles qui décident?! Ce livre est aussi un
«?témoignage?» sur l’écriture et le cahoteux parcours
que doivent emprunter ceux qui veulent recevoir la
reconnaissance de l’édition qui n’est hélas, pour bon
nombre, qu’une illusion éphémère.
Mais, à mon avis, ce roman est avant tout un grand texte
sur l’amour, pas toujours possible, mais l’amour sous
toutes ses formes?: Nicole et Nathan auraient pu
construire un bon couple, mais la barre parentale était
trop haute, Pénélope a aimé John, Ludmilla aime Ingrid,
Côme tombe amoureux d’une migrante… Et l’amour n’est pas
que sexuel, il existe aussi entre le père et le fils, le
frère et la sœur et il peut se muer en amitié comme
entre Nathan et Anton. Mais ce roman est avant tout un
grand roman d’amour impossible, une histoire d’amour
comme il n’en existe que dans les grandes œuvres
littéraires qui surpassent les temps.
Denis
Billamboz, Les Belles phrases.
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