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Écrivain, poète, journaliste,, Noëlle Lans a collaboré (entre autres organes de presse) à la revue et au mouvement Fantasmagie. Elle a publié une quinzaine de recueils de poèmes et de nouvelles ainsi que des essais dont un consacré au grand peintre fantasmagique Aubin Pasque.
Ses œuvres ont obtenu plusieurs prix littéraires.
Plasticienne et photographe, Mireille Dabée est aussi journaliste et critique artistique dans plusieurs médias (notamment en collaboration avec Thomas Owen – Stéphane Rey).
Elle a illustré de nombreux ouvrages.


Noëlle Lans          Mireille Dabée

Noëlle Lans                                        Mireille Dabée

Instants révélés

Photo de couverture :
© Mireille Dabée

Instants révélés

Poésie

Illustrations (encres de Chine) de Mireille Dabée
Préface de Michel Joiret


56 pages – 9 illustrations n&b
ISBN papier : 978-2-8070-0089-6
ISBN e-book PDF :
978-2-8070-0090-2
ISBN ePub : 978-2-8070-0091-9
2016 – 12,00 EUR
e-books : 7,99 EUR


e-book
7,99 EUR


Extrait

Chaque jour, elle le cherchait parmi les visages anonymes.
Un jour, elle en fut certaine, le regard la cherchait aussi.
Elle se mit à l’associer à tout ce qu'elle faisait,
à l’attacher à chacun de ses gestes.
Au lieu de l’entraver, de l’intimider, cela l’exaltait.
Ils coexistaient à travers l’espace.
 
*
 
Ne pas lui écrire. Ne pas le dessiner. Ne pas le lui dire.
Ne pas laisser de traces. Ne pas le guetter. Ne pas se lever.
Ne pas aller à sa rencontre. Ne pas le regarder s’éloigner.
Ne pas, déjà, se remettre à l’attendre…
 
*
 
L’amour la rend plus légère, mais pas forcément plus gaie.
Elle songe à tous ses élans perdus.
Sont-ils sauvés quelque part ?

Ce qu'ils en ont dit


À se raconter « telle qu’elle est », à se « jouer le jeu de la vérité », à proposer au lecteur d’habiller cette image « nue » qu’elle précise, Noëlle Lans finit par écrire comme on s’ouvre les veines une
poésie vive, sans concession, dévastatrice et d’une incroyable vitalité.
Les encres de Chine de Mireille Dabée font mieux qu’illustrer une écriture ; elle s’imposent
et s’insinuent avec une force et une vérité peu communes.
L’ouvrage à quatre mains est remarquable et la complicité des outils saisissante.

(Michel Joiret, extraits de la préface)


*

Un livre-miroir, un livre-témoin, pour ceux qui connaissent un peu l’auteure. Ses caractéristiques ? Pas facile de faire le portrait de quelqu’un, que ce soit en prose ou en vers ; et les gens qui paraissent très simples, très « lisses » dans la vie quotidienne, révèlent bien souvent des profondeurs insoupçonnées. Elle le dit elle-même, en cette belle formule, p.13 : Elle s’habille de ceux qu’elle aime (…) Pas facile d’être soi du premier coup !/Et quand l’est-on ?/L’est-on jamais ? Peut-être est-ce par la bande, dans les propos de Michel Joiret, dans les encres de Mireille Dabée, qu’on la découvrirait le mieux. Mais c’est à elle, grandeur nature, que nous avons affaire. Et là, chaque question, chaque exclamation augmentent le doute, l’incertitude. p.14, à propos d’un regard qui était là : Ne pas lui écrire. Ne pas le dessiner. Ne pas lui dire./Ne pas laisser de traces. Ne pas le guetter. Ne pas se lever./Ne pas aller à sa rencontre.
Un sens aigu de l’improbable, du fugitif, de ce qui semble s’effacer tout en laissant les traces les plus vives et les plus profondes. Comme si la vie, soudain, d’horizontale et monotone qu’elle était, se creuse et s’élève à la verticale. Comme si la fuite du temps, incessante, inexorable, brusquement devient l’éternité d’un instant. Comme chez ces premiers philosophes, en Grèce, qui remettaient tout en doute, déroulaient la vie fugitive comme le cours d’un fleuve, et puis soudain la faisaient étinceler de lumière. Tout coule, tout nous dépasse, mais rien ne se perd. La vieillesse est en marche, nous dit-elle p.25. Et ce passage superbe : Elle est seule à tanguer doucement vers la mort/avec son poids d’égratignures et de racines.
Un ton à la fois familier, par son questionnement, et mystérieux par l’emploi constant de ce « Elle » – un « je », un « jeu » avec lequel on prend ses distances, une volonté de creuser, d’aller jusqu’au fond des choses, là où cela fait mal (car « je » est un autre, c’est un « je » qui n’a pas cessé de se modifier), et le refus de rester à la surface, de ne pas aller plus loin. Et les raisons de ce jeu sur le je ? Non, elle ne se désigne pas. Elle anticipe, simplement. C’est qu’elle voyage à l’intérieur d’elle-même.  Par ses illustrations, Mireille Dabée a merveilleusement saisi le sens du livre. Des branches qui ressemblent à des racines d’arbres, d’étranges tests de Rorschach entre extase et piétinement.
L’amour des commencements, mais, jusqu’au bout, la brûlure du désir. L’eau et le feu. Les contraires, bien sûr. Evoquant le début, on en revient à la fin. Dès qu’ils ont fleuri, les prunus prennent déjà des allures d’automne.
Fallait-il cette déchéance quasi immédiate de toutes choses belles, y compris celles qui sont en « elle », pour atteindre au vide absolu qui permet le surgissement d’une autre beauté, plus intrigante et solitaire ?
Peut-être est-ce dans l’invisible que tout est vrai ? nous dit-elle à la fin. Et, comme un écho répond la voix de Michel Joiret : En quoi la solitude ainsi révélée l’invite-t-elle, a contrario, au dialogue et au partage ? Et puis, un petit démon malin (un clin d’œil de Mireille ?) semble nous dire à la fin des fins, au bout de la plage et de la page : C’est elle, c’est bien elle, c’est toujours elle. Je l’ai reconnue à sa casquette.

Joseph Bodson, AREAW



*
Identification d’une femme

Dans Instants révélés, un recueil en six sections ponctué d’encres de Chine de Mireille Dabée, Noëlle Lans vise à travers des fragments qui sont autant d’épiphanies, à accéder à des moments de vérité, à l’autre en elle qui pourrait la dire plus justement. Elle sait qu’elle excède toute définition d’elle-même, renfermant un moi  plus riche et dense que celui qu’on lui prête ou qu’elle affiche. Et l’écriture lui permet d’apporter les incessantes corrections et retouches à l’image de soi.

Non apparence.
Instant privilégié.

Son moi est un laboratoire qui permet de mieux se circonscrire sans s’atteindre jamais car le moi est sans cesse changeant, fonction du temps, puzzle en construction.
Si elle parle d’elle, c’est peut-être pour en finir avec elle-même.

Elle a toujours guetté quelque chose – quoi ?
qui la définirait en la surprenant
lui offrirait un contour inattendu
la dessinerait de façon différente.

L’ultime échec serait pour elle de ne pas s’être bien connue et d’avoir vécu sur une erreur d’identification.
Elle n’a pas peur de mourir, mais d’avoir mal vécu.

Dans Identification d’une femme, un des derniers films d’Antonioni, un réalisateur désoeuvré recherchant un visage féminin idéal pour un prochain film déclare ne pas être avec les êtres du sexe opposé comme il est face à la nature. Sans les mots pour briser le charme, provoquer dispute et éloignement.
On retrouve dans ce recueil ce double sentiment, d’être en accord avec la nature et non avec les autres, toujours plus là pour juger des faits que pour accueillir une parole. Avec toujours cette espérance de quelqu’un à aimer autrement, en secret, de façon impalpable.

Elle rêve d’une promenade idéale
où chaque être croisé sourirait spontanément à l’autre

L’instant ne préjuge pas de tout le temps, il n’est de vérité que celle du moment auquel on accède et l’instant est le temps par excellence du poète. Il nous dit par intermittence sans nous assigner une vérité propre.
Des annotations la décrivent justement, dans ses doutes comme dans ses affirmations. Elle vit sur la pointe des pieds, se dit décollectionneuse de tout,  aimant les arbres, les aurores, les armures (sans les armées), la pierre, le vulgaire caillou, le chien (sans ses aboiements).

Née gauchère, elle refuse et rejette la ligne droite. Sans intérêt !

Un recueil qui interroge l’autre à travers soi et le monde et réciproquement dans lequel chacun se reconnaîtra peu ou prou, en découvrant une petite centaine de poèmes/fragments pour se mieux connaître et affronter la vie instant après instant.

Les encres de chine de Mireille Dabée représentent pour la plupart des corps portés par des traits d’encre, des traits comme des branches qui les portent aussi bien qu’ils les barrent, les écartèlent, figurant force et frein à la fois, élan et poutre… Des traits comme le verbe qui nous réunit et nous sépare des autres.

La préface est signée Michel Joiret qui souligne la complicité des deux femmes : « Voilà que les deux artistes trempent leurs mots, leurs signes et leurs couleurs dans le même bain. Rien ne les distingue, rien ne les distrait du thème initial, rien ne vient troubler le silence des feuilles écrites ou griffées…. »

Peut-être est-ce dans l’invisible que tout est vrai.

Éric Allard, Les Belles Phrases


*

Poésie à quatre mains

Les amateurs de poésie seront heureux d'apprendre la sortie de « Instants révélés », un recueil de poèmes qui associe deux talents ucclois: Noëlle Lans et Mireille Dabée. Écrivain, poète, journaliste, Noëlle Lans a publié une quinzaine de recueils de poèmes et de nouvelles ainsi que des essais dont un consacré au grand peintre fantasmagique Aubin Pasque. Ses œuvres ont obtenu plusieurs prix littéraires. Plasticienne et photographe, Mireille Dabée est aussi journaliste et critique artistique dans plusieurs médias (notamment en collaboration avec Thomas Owen - Stéphane Rey). Elle a illustré de nombreux ouvrages.
Dans sa préface, l'écrivain Michel Joiret parle d'une « poésie vive, sans concession, dévastatrice et d'une incroyable vitalité. Les encres de Chine de Mireille Dabée font mieux qu'illustrer une écriture; elles s'imposent et s'insinuent avec une force et une vérité peu communes. L'ouvrage à quatre mains est remarquable et la complicité des outils saisissante. »

WOLVENDAEL


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« Elle s'habille de ceux qu'elle aime »

Un regard sur « elle » qui ressemble à l'autre Noëlle, qui a pris le temps de se déterminer dans le labyrinthe des questions sans réponses ; un regard différent sur sa contemporaine : « En elle, en chaque parcelle de son tissu de femme, / la vieillesse est en marche. » Nouveau miroir, nouvelle femme : « Son visage lui semble nu, indécent, sans ses lunettes, / maigre déguisement derrière lequel se cacher. / Comme elle aurait du talent si elle portait un masque ! » Nous y voilà. Le divorce est consommé entre la femme qui écrit et son apparence. Se cacher à tout prix quand le miroir lui renvoie une image tronquée de son être profond… Mais cesser de se désunir quand le goût de vivre devient une injonction : « Elle se dénude pas à pas, elle se dénude dans l'instant. Sans tricher, elle raconte qui elle est. » Intants révélés sont autant de billets d'une solitude insigne. Le drame du quotidien, c'est évidemment le jour d'après qui occulte la moindre avancée d'une idée, d'une silhouette… Elle s'avancera dans le pays des mots avec circonspection, retenue, se réservant le droit de se détacher de « celle » qu'elle vient de saisir. Un déséquilibre permanent ? Pas sûr, car on parle d'elle, n'est-ce pas ? Et quelques instants jubilatoires peuvent lui chauffer les sangs, « exubérance », « fougue de centaure galopant » ; « elle » a décidément des pulsions de guerrière… Mais le feu s'éteint comme il a pu prendre, presque par inadvertance : « Apprendre l'indifférence au plus vite, devenir imperméable ». De son refuge illusoire, elle n'accède qu'à un glossaire d'interrogations. Pour ne pas en souffrir, griffonner son épitaphe comme un répertoire de modules : « Elle n'a pas peur de mourir, mais d'avoir mal vécu, / ou d'avoir déçu, ce qui est pire, ou de n'avoir rien fait, / ou si peu, ou de lavoir mal fait… ». Ce va-et-vient fondateur (et frondeur ?) offre l'accès à la mobilité, partant, à la fuite… « Pas facile d'être soi du premier coup ! / Et quand l'est-on ? / L'est-on jamais ? » Chaque fois que le poète parle de l'autre, « elle » s'intercale entre son être profond et l'inconnu, cet autre dont on ne peut rien attendre : « Les fragilités sont là autour de la table. Ce n'était pas prévu. / Sans honte, sans hâte, elles déclinent leurs noms, se regardent, / s'observent sans se juger. » À chaque vers, une pause, un prétexte : « “Je” n'existe pas dans celle qui apparaît dans mon écriture… ». Le lecteur entend le subterfuge et lit : « Tel Pessoa, elle navigue entre ses différents "moi " avec une acuité de regard peu commune et les pièces éparpillées sur la page se dissocient et s'assemblent au gré du temps qui passe ». Il serait hâtif de lire ces « instants » comme les minutes d'un dossier à charge. Certes : « Elle n'a jamais ce qu'il faut au moment adéquat », ou alors : « Ce n'est jamais elle que l'on regarde ou que l'on écoute ». Elle déplore par ailleurs son « peu d'ambition », « ses idées en matriochka » qui « l'entraînent loin. / Très loin. Au-delà d'elle-même ! » En réalité, l'horloge directrice de tous ces « instants » est parfaitement réglée. Noëlle Lans aiguise son angle de vue au fil des jours et donne sa propre lecture d'un mode accablé de certitudes et bouffi d'arrogance. Ses postures l'éloignent du commun mais la rapprochent d'une représentation affinée de la réalité. Même si « l'optimisme n'est pas son fort », l'argument poétique donne ses assises à une existence qui, sans lui, ne rendrait que le son du vide.
Une artiste amie lui donne la ligne exacte de ses portions de temps, posant ici et là un entrelacs d'encres de Chine saisissantes : Mireille Dabée développe en parallèle un graphisme dépouillé et suggestif qui conforte le cheminement du poète, un enveloppement tachiste ou linéaire – c'est selon –, d'une singulière beauté. Jouant de l'implicite à l'explicite, le trait se ramifie, ondule, rétrécit ou s'étale, à l'instar des « instants » protéiformes qui donnent du sens à la marche.
À cueillir avec soin et délicatesse dans la « réserve précieuse » de qui peut se taire en signifiant l'essentiel…

Michel Joiret, Le Non-Dit


Non-Dit






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