Extrait Je
ne bouge pas d'un poil. Je joue au bébé. D'ailleurs j'en suis un… Elle
a dégoté une bouteille d'eau et des mouchoirs dans le coffre. Je
perçois ses longs doigts, à travers le papier, sur mes mains, sur mes
poignets, ses gestes sont doux, je voudrais qu'ils soient tendres, la
tendresse bordel, si elle pouvait… Jette le mouchoir ! Que je
sente ta peau, en direct… Mais elle semble m’abandonner… Un autre
papier, encore plus épais, et à travers celui-ci, ses doigts lavent mon
front, je tressaille, enfin un petit geste de mère ? de vraie
mère ? pas ce glaçon d’Odile… Mais me concentrer sur l’instant,
sur ce tamponnement léger, entre les sourcils, elle insiste un peu,
voudrait peut-être effacer la double crevasse, à cause d’eux cette
horreur, fossés de tourments, mais savourer l’instant même si elle n’a
pas lâché ce fichu papier, ses doigts sur mes tempes, ils tracent des
ronds, ses doigts sur mes tempes, moi je ferme toujours les yeux, ses
doigts qui arpentent mon nez, qui s’attardent au-dessus de mes lèvres,
qui se promènent autour de ma bouche, soulignent les commissures,
atteignent le menton, je capte son souffle, elle a dû s’incliner
davantage, je voudrais mourir dans cette émotion, dans cette espèce de
joie, mais des cris, des martèlements, un groupe de scouts, calamité. |
Ce qu'ils en ont dit Souhaiter être dans une nacelle, c’est flotter dans l’air au-dessus de toute contingence terrestre. Le bleu turquoise ajoute une touche poétique. Evelyne Wilwerth nous lègue dans cet ouvrage trois nouvelles plutôt étendues. Chacune d’elles met en scène deux personnages : Yanaël et Angelika, Phil et Fred, Eglantine et Bérengère. Yanaël et Angelika : l’art tient une grande place et l’attrait vers le Nord pour l’un des personnages, le Sud pour l’autre. Phil et Fred : Phil, la jeune Philomène, fuit son milieu qui l’étouffe ; Fred, d’âge mûr, se retrouve à ses côtés. Des souvenirs les brisent, tous deux. Evelyne Wilwerth s’est astreinte à un travail particulièrement méticuleux et c’est une réussite. Des textes en italique donnent la progression des textes avec un minutage précis. Les textes en écriture normale apportent au lecteur le ressenti des interlocuteurs. Il s'en dégage une poésie bien agréable à suivre.. Ddh, critiqueslibres.com * Moins d'un an après nous avoir invité à visiter les chambres de son "Hôtel de la mer sensuelle", Évelyne Wilwerth publie un nouveau recueil de nouvelles, genre où l'auteure de "Miteux et magnifiques" se sent comme sirène dans l'eau : elle excelle pour suggérer, laissant aux lecteurs le soin de compléter à leur guise l'esquisse. "La nacelle turquoise" contient trois histoires d'apprivoisements. Ni noires ni à l'eau de rose, elles se parent des demi-teintes du vécu. Nous nous garderons de dévoiler l'intrigue de ces rencontres : la première conte d'inattendues retrouvailles ; aux côtés d'une cavaleuse et d'un marginal, la deuxième nous conduit dans des squats ; quant à déterminer qui, d'Églantine et de Bérengère, est la plus ténébreuse, à chacun de choisir. D'Évelyne Wilwerth, le pinceau est d'aquarelliste, pointilliste, sans mièvrerie. La nouvelliste de "Embrasser la vie sur la bouche" reprouve son empathie pour des écorchés promis à "une lueur, puis une lumière" salvatrice. D'inspiration généreuse, des pages qui tendent la main – ou qui ouvrent les bras – à ceux qu'on croise sans trop vouloir les voir. Des instantanés saisis au jour, à l'heure, à la minute même où ils ont lieu. Lisez-les-vous tout haut, tant ils semblent écrits pour la voix. Francis Matthijs, La Libre Belgique * Chez Évelyne Wilwerth, c'est toujours la vie qui l'emporte. On a beau se retrouver dans des situations inextricables, dans des lieux glauques, dans des impasses sordides, il y a toujours une lumière qui brille, là, quelque part. Loin parfois, mais elle existe. Et c'est encore le cas avec les trois couples qui jouent dans les trois nouvelles de ce recueil. Trois nouvelles dont les personnages sont différents mais qui se répondent, dont les structures sont identiques, dont les perspectives s'échappent en fin de compte vers les étoiles. Grâce à une nacelle rêvée. Trois couples aux pôles variés, aux préoccupations diverses. Des bourges, des marginaux, des voisines. Évelyne Wilwerth a l'art de plonger dans les esprits de ses personnages, d'être en empathie avec eux, de nous les rendre vivants, vrais, proches. Mais ici, sa structure est lourde. Dans chaque nouvelle, on est tour à tour dans l'esprit d'un des personnages, puis de l'autre, puis du narrateur. Et à part l'utilisation de l'italique pour le narrateur, on ne sait parfois plus qui parle, ça demande un effort de lecture, je 1'avoue, un peu vain. Et puis, les pensées de chaque personnage sont alourdies par un emploi particulièrement abusif des «...», qui plombe la lecture. Dommage. Jean-Claude Van Troyen, Le Soir * Dans ce livre, Evelyne nous propose trois nouvelles. Trois nouvelles totalement différentes et qui pourtant ont un point commun (mis à part l'auteure lol), c'est qu'elles vous procurent chacune un tas d'émotions. Pour la première, il s'agit d'un lien entre nos deux personnages, mais qui ne se devine pas dès le départ, l'auteure a réussi à nous dévoiler beaucoup de choses avant la révélation qui par moment pourrait se deviner et que pourtant je n'ai pas découvert avant de le lire. Ils ont eu chacun des parcours tourmentés et nous apprenons à les connaître au fur et à mesure que les pages se tournent. Des parcours qui font que ce lien n'est pas forcément une chose évidente à gérer. Pour la deuxième, je dirais que nous sommes dans deux univers que tout oppose et qui pourtant pourraient être liés de par les secrets que l'on garde au fond de soi mais qui peuvent parfois surgir sans que l'on s'y attende. Pour la troisième, eh bien là je ne vous dévoilerez rien, je vous laisse plutôt faire la découverte par vous-même. Un univers émotionnellement fort, voila ce que nous offre Evelyne avec ces trois nouvelles qui font chacune une cinquantaine de page. Alouqua, Babelio et blog « Le monde enchanté de mes lectures » * Écoutez un extrait lu par l'auteur sur Sonalitté http://www.sonalitte.be/index.php?id=144 * Histoires physiques Évelyne Wilwerth pratique une écriture véloce qui colle aux émotions de ses personnages. Et plus encore aux sensations qu’ils éprouvent. Car c’est d’une écriture très sensuelle qu'il s’agit, qui fait la part belle aux couleurs et aux parfums, notamment. Tout cela concourt à nous faire à la fois voir et vivement ressentir ce qui nous est raconté. Wilwerth adopte ici un dispositif singulier (comme d’ailleurs pour Hôtel de la mer sensuelle paru précédemment) pour conter les trois histoires de ce recueil qui racontent chacune une rencontre entre deux êtres qui se connaissent ou non mais auront à se voir pour se parler. Ils concourent l’un vers l’autre et, pour nous faire ressentir physiquement la rencontre, comme tout bon observateur de la chose sensible, l’auteure décrit les trajectoires conjointes, indications d’heures à l’appui, des personnages jusqu’au point d’impact puis, à la façon d’un choc de billes de billard, ce qui résulte de la collision. Les rapprochements et les éloignements, heure après heure, minute par minute, car ne il faut manquer aucun instant : pour comprendre l’enjeu de ce qui se joue, tout compte. Elle le fait par une succession de paragraphes qui épousent le point de vue de chacun des deux personnages et, sous un angle de vue surplombant, un commentaire marqué par des caractères en italiques. Puis il y a les histoires. Celles de la rencontre entre un homme et une femme dont on apprendra quel lien les relie. D’une ado fugueuse et d’un SDF. Enfin, la rencontre de deux voisines qui, par la force des choses, auraient dû se rencontrer plus tôt et ne le feront qu’à la veille du départ de l’une d’elles. Et toujours, cerise sur le gâteau de la rencontre providentielle, une sorte d’ascension, de mise en bulle, de petit éveil ou nirvana qui fait se (re)poser les protagonistes avant de repartir... « (…) je ressens une poussée légère, on va peu à peu monter vers le ciel, j’ai l’impression de me délester, de lâcher plein de saletés, ou de mesquineries, notre nacelle est la plus lumineuse, déjà le feuillage des arbres, c’est tout mon être qui est soulevé, enfin soulevé vers l’immensité, comment on appelle ça, une ascendance ? Une transcendance ? » Ces êtres que les circonstances de la vie mettent en relation ont un vif besoin de parler, de délier par la parole des nœuds de leur existence, de justement se délester... Ce point de jonction était primordial à leur survie. Au point de rencontre de deux êtres, il y a toujours un centre de paroles, une base relationnelle de (re)lancement dans l’existence, semble nous dire Wilwerth. Dans son histoire de la littérature récente, Olivier Cadiot écrit : Le plus difficile, cest de superposer l'histoire à la géographie. On peut dire sans se tromper que, par le contenu et la forme de sa matière verbale, Evelyne Wilwerth réussit ici à merveille ce défi. Éric Allard, Les belles phrases * Lorsque paraît un livre d'Evelyne Wilwerth, lorsque je l'ai dans les mains, il m'est difficile de résister et j'emmène le livre avec moi (lecture dans le train, dans un jardin, chez moi, ....) "La Nacelle turquoise" n'a pas échappé à la règle ... Ce livre m'a procuré un tas d'émotions archi fortes. Des questions sur la vie, l'espoir, les rencontres, le passé de chacun (et donc le mien!) Le livre d'Evelyne Wilwerth m'a bousculée, émue, touchée. Mais il m'a surtout donné encore plus de ... transcendance! Plus de plénitude et de bonheur de vivre. Dans la 1ère nouvelle, j'ai particulièrement aimé la rencontre entre Yanaël et Angelika parce que ce n'est que peu à peu que j'ai deviné le rapport entre eux (assez vite, cela dit). Je me suis surprise à imaginer la suite et les futures rencontres de ces deux êtres meurtris mais finalement en espérance... Phil et Fred? Ils m'ont bouleversée, chacun dans leur univers que, a priori, tout oppose. Mais quel espoir, à nouveau. Et quel cheminement jusqu'à la nacelle, couleur turquoise, en pensée profonde avec ces paumés que je rencontre à Nice ou ici, avec ces écorchés de la vie auxquels j'offre mon sourire, moi qui ai aujourd'hui la grande chance de construire (ou de reconstruire?) la nacelle de ma vie. Tourbillon de pensées, folle envie d'être autre quand je rencontre untel ou unetelle... Puis Eglantine et Bérangère. Univers aussi tellement différent . Fleuve refuge et aimé, blottie dans une barque, ou fleuve grisâtre et détesté. J'ai rigolé en repensant à une conversation que j'ai eue avec une voisine, à ce qu'elle m'a confié, simplement parce qu'elle savait que je quittais définitivement l'endroit où nous habitions, alors qu'avant, on se parlait à peine. Apprivoisement de l'autre. Acceptation. Et toujours, à la clé, au fil des dialogues et des partages, cette transcendance qui germe... Selon mon humble avis, en fin de lecture de "La Nacelle Turquoise", chacune et chacun est autre, grandi (e), en espérance et en cheminement profond et je recommande ce livre à tous les amoureux de la Vie ... et aux autres! Demida, babelio * Nouveaux départs à la lueur d’une étoile La nacelle turquoise est un recueil de trois nouvelles qui se déroulent le même jour. Il nous emmène à la rencontre de trois duos d’écorchés vifs, qu’un point commun va réunir. Nous découvrons ainsi Yanaël, un jeune homme bouleversé par la révélation d’un secret familial, qui espère trouver des réponses auprès de la mystérieuse Angelika. Obsédé à l’idée de comprendre son histoire familiale, il veut à tout prix rencontrer cette Polonaise pour connaître la vérité sur ses origines. J’en peux plus. Envie d’étrangler ce chaton, et elle aussi, envie de foutre le feu à cette ferme, envie de provoquer un tsunami, et je me lève, renverse ma chaise, jette mes clés de bagnole, jette mon foutu passé, je fonce vers la porte, porte claquée, et je cours, et je cours, et je voudrais hurler, mais aucun son, et cette pluie collante, collante comme leurs non-dits, bande de tarés, m’enfoncer dans la boue et tout oublier, ah je hurle enfin, hurlements de bête blessée, de bête qui va crever, enfin crever… Je m’effondre au pied d’un arbre, je ferme les yeux et une phrase me tombe dessus, coup de massue : « Je ne sais qu’une partie de la vérité ». Le deuxième duo est formé par Fred et Philomène, surnommée Phil. Fred est un SDF au cœur tendre, qui est arrivé dans sa situation à cause des ses faiblesses et maladresses. Secoué par la disparition de son chat Moka rencontré il y a 2-3 semaines, il parcourt en sens inverse tous les squats dans lesquels ils sont allés tous les deux afin de retrouver sa boule de poils. C’est dans sa quête fébrile qu’il rencontre Phil, cette ado de 11 ans avec ses cheveux acajou et son pantalon 3 fois trop grand pour elle, qui décampe dès qu’elle voit des policiers. Il remarque tout de suite à son désespoir et ses manières bourgeoises que c’est une petite nouvelle dans la catégorie des errants. Sentant que cet oisillon est emprisonné dans une histoire douloureuse, il tente de l’approcher à petits pas. L’oiseau qui a craché cette histoire d’oreiller. Histoire vraie ? On confond parfois le désir avec l’acte. Mais quel connard je suis. Déposer des fleurettes au lieu de l’apaiser, de lui offrir de la tendresse… Un connard de première classe. Depuis ma naissance. En plus, Phil a pu… après avoir expulsé ce… cet épisode, elle a pu détaler, perdre la tête, foncer dans une connerie fatale, et moi je suis ici comme un débile, un handicapé du cœur, une larve, jamais je ne… elle ne reviendra pas. Le dernier duo est celui de deux voisines quinquagénaires que tout oppose : Églantine et Bérengère. Églantine est une grande perche déjantée qui aime écouter de la musique fort et enchaîne les relations amoureuses foireuses avec des hommes aux cheveux flashy. Bérengère est une architecte brillante désormais pensionnée, attachée à son univers intérieur bien rangé et habitée par la violence de sa dernière rupture amoureuse. Églantine prépare son déménagement pour suivre le nouveau projet professionnel vague de son « chien fou » du moment, Bryan. Bérengère est soulagée par le départ de sa bruyante voisine. Cependant, toutes les deux sont mal dans leur peau. Toutes les deux ont besoin de parler. L’une a besoin de se poser, de s’ancrer ; l’autre a besoin de partir. Et ce n’est pas toujours celle que l’on croit… Je pousse la porte des toilettes du rez-de-chaussée et je me fige. Qu’est-ce que j’entends ? Des gloussements ? Encore cette poule qui… Non, pas des gloussements. Des pleurs. Par saccades. Des pleurs qui traversent le mur entre sa salle de bain et mes toilettes. Elle a dû trop boire, cette femelle. Vite, qu’elle déguerpisse à jamais. J’ai tellement envie de calme. Mais je reste figée comme un mannequin. À nouveau une salve, qui semble surgir du plus profond, des fibres du cœur, ou du ventre, ou de l’âme si elle en possède une. Je n’ai plus qu’un désir, monter dans ma salle de bain, or quelque chose me paralyse. Comme si ses larmes avaient atteint ma cuirasse… Comme si une de ses larmes s’infiltrait dans ma moelle. La particularité de La nacelle turquoise est que, dans chaque nouvelle, l’histoire avance dans l’ordre chronologique en alternant le point de vue de chaque personnage à la première personne du singulier et l’intervention à la troisième personne d’un narrateur externe. Cet enchevêtrement de courts monologues intérieurs composés de nombreuses phrases juxtaposées et de points de suspension donne un rythme haletant aux trois nouvelles, d’autant plus qu’il n’est pas directement expliqué au lecteur ce que vivent les personnages. C’est au fur et à mesure de la lecture que l’on est amené à assembler les pièces du puzzle afin de comprendre l’enjeu dramatique pour chaque héros, et d’aboutir à une fin juste pour ces personnages qui le sont tout autant. Séverine RADOUX, Le Carnet et les Instants *
Le 15 mars 2016, lecture d'un extrait par Guy Stuckens dans son émission "Cocktail Nouvelle Vague" sur Radio Air-Libre. * Vendredi 1er octobre. 17 heures 43. Une vieille camionnette s’ébranle sur l’étroit chemin qui longe le fleuve, à P. Une femme ne la quitte pas des yeux, au balcon de sa coquette maison 1900. Elle s’appelle Bérengère. Une autre femme s’est postée dans la loggia de la demeure voisine, elle allume une cigarette en suivant des yeux le véhicule sombre, elle respire trop vite, ouvre soudain la fenêtre et jette sa cigarette dans le parterre du jardinet. Elle s’appelle Églantine. [p. 103] LES TROIS NOUVELLES D’ÉVELYNE WILWERTH mettent en scène une rencontre entre deux personnes, ainsi que l’annoncent d’emblée les titres : Yanaël, Angelika ; Phil, Fred ; Églantine, Bérengère. Ces personnages sont tous torturés, rongés par un secret, que la rencontre éphémère les amènera à révéler pour, enfin, se libérer et entrevoir une lumière au bout du tunnel. Pour les personnages comme pour le lecteur, le cadre est posé dès le début : une réunion de quelques jours, d’une cinquantaine de pages, puis tous se sépareront, reprendront leur chemin. Ce cadre est rythmé précisément par Évelyne Wilwerth avec les jours et les heures, quelques mots sur la situation des personnages, qui viennent entrecouper leurs points de vue respectifs. Les narrations à la troisième et à la première personne du singulier sont ainsi alternées, dans un style assez oral, direct, au fil des pensées. Le lecteur accompagne véritablement ces narrateurs, se sent proche d’eux et développe de l’empathie à leur égard. Si les situations de ces rencontres peuvent sembler banales au premier abord, Évelyne Wilwerth sait en jouer et déjouer les attentes du lecteur, en particulier dans la première nouvelle : elle y crée de « mini-chutes » au sein de la nouvelle, laissant le lecteur deviner la situation, puis le détrompe abruptement. Les pensées sont souvent livrées de façon brute, comme autant d’indices et de pièces d’un puzzle à reconstituer. Le suspense des révélations progressives est bien ménagé, à la fois respectueux de la psychologie des personnages – pour qui il n’est pas facile de dire ou d’entendre de telles choses – et tatillon pour le lecteur. Je vais rentrer chez moi ce soir. Et, quoi qu’il arrive, construire la nacelle de ma vie. [p. 100] Des nouvelles de l’ombre à la lumière, vers l’espoir. Mina Merteuil, blog Mon salon Littéraire. * Trois
nouvelles composent le recueil. Six personnages l’habitent. Six
personnages en quête de hauteur, de transcendance, de renaissance.
Yanaël, Angelika, Phil, Fred, Eglantine et Bérangère. Les prénoms ne
sont pas choisis au hasard, ils ont chacun un accent particulier, un
genre qui fait qu’ils vont finir par s’associer et se reconnaître. Se
trouver bien plus que des affinités, une corde dure et forte que l’on
tire violemment de son côté pour gagner la partie, la gagner à deux et
faire pencher le destin, être avec quelqu’un, dans le même camp,
ensemble enfin. Conçu en une succession de monologues croisés avec
didascalies comme au théâtre car ici on se parle tout le temps, par
jets vifs, inquiets, entrecoupés de silences, de questions qui ont du
mal à être posées, le recueil de nouvelles d’Evelyne Wilwerth cherche
le nœud, le moment où les cœurs vont lâcher et se libérer, loin de la
routine, du refoulement, du vide. Mais l’ouverture est brève et
éphémère, l’épicentre est mouvant comme tout ce qui vit et change, le
noyau à atteindre est peut-être un éclair invisible dans le ciel, une
nacelle verte qui hésite entre les arbres et les oiseaux de passage,
entre le nid et le voyage…Taillant de petites phrases comme des planches de bouleau en y perçant des trous de suspension où se faufilent les mots de manque et de désir, l’auteur nous tient en haleine jusqu’au bout des ces histoires volantes et vagabondes. Il faudrait les lire à voix haute en jouant tous les rôles pour mieux sentir peut-être que notre voix chancelle ou prend de l’assurance selon les jours, les heures, les ombres des gens qui passent sous nos fenêtres et à qui l’on aimerait faire signe… Tout bouge, tout coule, comme le fleuve du philosophe Héraclite qui traverse la vie et le paysage d’Eglantine et de Bérangère. Tout tourne aussi comme cette Grande Roue des villes en fête où sont montés Phil et Fred. Et si elle s’arrêtait, ne fût-ce qu’un instant, pour nous permettre de faire le point et de nous exercer à vivre les choses d’un peu plus haut, en pleine lumière ?... Michel Ducobu, AREAW | ||