Né à Nova Gradiška (République de Croatie) en 1945, Tomislav Dretar est titulaire d’un diplôme de la Faculté pédagogique de Rijeka et d’un troisième cycle à l’Université de Sarajevo. Il sera professeur à l’Université de Bihać (Bosnie-Herzégovine) jusqu’à l’éclatement de la guerre en 1992. Par ailleurs, poète et critique, il a publié une dizaine de recueils, dont des extraits figurent dans plusieurs anthologies bosniennes, ainsi que de nombreux articles en journaux et revues. Forcé de fuir la Bosnie durant la guerre, il s'est réfugié en Belgique oùil vit depuis lors et a obtenu la nationalité belge. Il y a étudié le français, traduit en croate un recueil de poèmes de Monique Thomassettie, un récit de François Emmanuel et des nouvelles de Michel Lambert. Il a également traduit des textes de Charles Baudelaire, Georges Perec, Jean Cayrol, Xavier Deutsh, William Cliff, Paul Celan, Marc Quaghebeur, Carl Guesmer… Il a enfin traduit (à partir du français) la Bible (version œcuménique) et le Coran, publiés sur le net. Il collabore avec Gérard Adam à la traduction en français d’auteurs croates et bosniens (Admiral Mahić, Dražen Katunarić, Lana Derkač, Karmen Media, Žarko Milenić…) | ||||
Tableau de couverture : © Monique Thomassettie "Chant" (volet droit d'un triptyque) | Parole, mon logement social Poèmes, 2010 98 pages. ISBN: 978-2-930333-34-2 15 EUR Traduit du croate par l'auteur et Gérard Adam Les poèmes du présent recueil, pétris d’humour et de nostalgie, d’autodérision, de philosophie et d’amertume, sont l’œuvre de l’exilé venu d’un pays éclaté se réfugier dans un pays en perpétuelle menace d’éclatement et qui déambule dans les rues de Bruxelles, observant sa terre d’accueil avec reconnaissance et perplexité, ainsi que de l’ex-professeur d’université émargeant au CPAS avant de se faire jardinier puis de se reconvertir en ce qu’on nomme pudiquement “laborantin” ou “technicien de surface” à… l’Université Catholique de Louvain-la-Neuve. | |||
7,99 EUR |
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SDF de la poésie belge Bruciël tournoie comme dans le tonneau une goutte de bière Je suis un SDF de la poésie belge Et ne puis donc légaliser mes paroles Logement social de l’art poétique Sur la liste policière des habitants Lestes comme la pirouette d’une rivière ivre Dans la lumière de la solitude Je n’habite que le rythme N’allume ma poitrine avide Qu’aux seins de la jeune femme Qui peuple les romans à 5 cents Bon Dieu comme je voudrais lui faire danser l’amour Ne fût-ce que d’une syllabe slave Sans arracher nos pieds du sol Nous volerions là-bas Et sans réveiller les gouffres celtiques Érigerions des menhirs dans nos coïts cathartiques De plus je n’ai pas de chauffage central Fonctionnant au pétrole arabe J’illumine le ciel francophone d’iris croates Et d’Uvae ursi folium 1 Le cœur ne peut se réchauffer Aussi suis-je le seul occupant De ce vieil autobus sans chauffeur ni passagers | ||||
Ultime
paysage Du val à la montagne le chemin longe la rivière Avec lui je serpente dans broussailles ou sablières Vers la lande proche où les spectres s’évanouissent Et les pavots dominent l’enrouement du sumac Le garçon qui m’accompagne et me guide tend l’index À l’horizon devant nous vers la pente du ciel Je manque de lumière pour éclairer le sol Et trébuche sur une roche guettant dans la pénombre Mon pas imprudent continue d’hésiter Entre départ et retour sans le moindre but Pas même comme il se doit au début du chemin Sans soleil pour m’éclairer parmi les branches de myrrhe Les douceurs de l’enfance quittées à jamais Trop tôt se sont éteintes au carrefour du Foyer De la voix de ma mère l’écho sonore et chaud Plus jamais n’apaisera les orages de mon âme Arrivant harassé au sommet de la montagne Je m'arrête et de mon œil vieilli regarde ma vallée Un dernier rayon d’enfance y pénètre en secret Fond en une ombre ultime la vallée du souvenir | ||||
Ce qu'ils en ont dit | ||||
Le 2 novembre 2010, Guy Stuckens lisait sur Radio Air-Libre, dans son émission "Cocktail Nouvelle Vague", un poème tiré du recueil. | ||||
Le 28 novembre 2010, Tomislav Dretar était interviewé à la Foire du Livre Belge d'Uccle par Madame Jacqueline Rousseaux, présidente de la Foire, à l'occasion de la parution de son nouveau recueil. | ||||
* Le Non-Dit N° 90 « Je suis allé à la ville de Bruxelles / Demander un logement social / Ils m'ont donné leur parole / Et depuis j'habite la parole… » Ainsi commence le nouveau recueil de Tomislav Dretar. L'auteur interrompt la reconstitution de son œuvre éparpillée durant la guerre en Bosnie pour nous offrir ces poèmes écrits dans un Bruxelles qui, de lieu d'exil, devient sa deuxième patrie. Le demandeur d'asile émargeant au CPAS, l'ex-professeur à l'université de Bihać devenu technicien de surface à Louvain-la-Neuve, arpente sa nouvelle ville et sa nouvelle vie, détaille les lieux et les rivages avec reconnaissance, perplexité, angoisse parfois (« Je verse des larmes sur mon pauvre Bruxelles, / Mais elle n'en verse plus sur moi, / Elle m'a envoyé une convocation / Grosse de l'éternelle angoisse / Qu'à l'heure dite au guichet je recevrai / L'ordre d'expulsion des personnes / Sans permis de séjour en règle. ») II s'étonne comme un faux Candide, s'amuse quelquefois : « Le vicomte Christian de Duve dans La poussière de la vie / N'a trouvé que des bactéries / Et une pelisse en chinchilla pour sa femme / Lors d'une merveilleuse journée à Stockolm / À voir la lumière polaire se réveiller très loin / De l'existence de Dieu. » Il philosophe, cultive l'autodérision « Le 2 mars chaussée de Boondael / Le soleil avait les dents coupantes et l'œil inquisiteur / Pour fixer sans pitié mon gargouillant estomac / Et fouiller ma poche en quête d'une thune et de deux trous. / Le froid claquait des dents entre la caserne / De gendarmerie et mon cher CPAS / En ce jour où travaillant au noir j'avais accompli l'exploit / De mener à terme cinquante années d'une vie tortueuse... » Et il refoule sa nostalgie en lisant en catimini « Le Pain quotidien » de William Cliff. Chaleureux, drôle, émouvant. Michel Joiret. * Traversées N° 62 Né à Nova Gradiška (Croatie), Tomislav Dretar était professeur à l'université de Bihać (Bosnie-Herzégovine), ainsi qu'un poète reconnu, quand la guerre a bouleversé sa vie. Menacé de mort par les ultranationalistes pour sa fidélité au gouvernement bosnien, il a obtenu l'asile politique en Belgique, puis la nationalité belge... Voilà ce qu'on peut lire en quatrième de couverture à propos d'un poète, que j'avais eu le plaisir de présenter à Namur (en 2008) lors du Festival International de Poésie Wallonie-Bruxelles. Il reste à ajouter à cela que Dretar est également traducteur (traduction du français en croate et du croate en bosniaque ou français : Michel Lambert, William Cliff, Monique Thomassettie, François Emmanuel, Admiral Mahić, Dražen Katunarić...) J'ai mon chemin dont l'asile est Jésus-Christ Je suis taoïste j'adore les femmes et j'en ai deux la poésie comme explosion la solitude en guise d'orgie Je suis donc un bigame consacré pratiquant Vive la praxis contre la contemplation... Résidant aujourd'hui à Drogenbos, Dretar cultive le paradoxe d'avoir fui un pays éclaté par la guerre pour rejoindre un pays au bord de la scission. Ce paradoxe est d'ailleurs évoqué dans un recueil faisant la part belle à une ville de Bruxelles servant de prétexte à l'auteur pour dresser l'état du monde comme il va... Avec un humour caustique et un sens de l'autodérision saisissant, le poète narre avec jubilation les scènes d'une vie quotidienne dont il connaît les charmes mais aussi les dérives. Mais Dretar n'est pas pour autant un homme désabusé voire aigri et s'il n'hésite pas à fustiger les dérives d'un monde capturé par le capital, il s'extasie plus souvent qu'à son tour devant les forces et les « beaux fruits » de la vie. Je verse des larmes sur mon pauvre Bruxelles Mais elle n'en verse plus pour moi, Elle m'a envoyé une convocation Grosse de /'éternelle angoisse Qu'à l'heure dite au guichet je recevrai L'ordre d'expulsion des personnes Sans permis de séjour en règle Si, à l'instar du regretté Richard Brautigan, le poète prend ici un malin plaisir à tourner en dérision le moindre petit événement quotidien, il appréhende également ce même réel avec l'œil d'un philosophe. Parmi les thèmes évoqués citons : l'exil, la fuite du temps, l'exclusion sociale, le principe d'identité, le statut de la parole, du poète et de la poésie... Àtravers ce recueil, Dretar met finalement le monde en question et, pour notre plus grand plaisir, nous fait partager avec humour et sincérité sa foi inébranlable en une vie qu'il habille de son... désir sans fin. Et si la Belgique se scindait ? Où s'installeraient les moules Et s'en raient les frites ? Vers où coulerait la bière Synthèse de la beauté belge ? | ||||
Présentation par le poète belge Claude Donnay à la librairie D-Livre de Dinant le 21 juin 2011. | ||||
Croate,
Belge, professeur à l'Université de Bihać (Bosnie-Herzégovine),
Tomislav Dretar est un poète qui se traduit en français, aidé de son
ami éditeur Gérard Adam, qui l'a fait connaître au public. Voici
"Parole, mon logement social", publié en octobre 2010 (98 grandes
pages, Ed. M.E.O.), après « Aux portes de l'inaccessible », ibid., 2009. L'humour, le naturalisme social, l'écriture baroque font de l'univers de Tomo un monde attentif aux fibres urbaines, aux reliefs nombreux de la ville, entre murs et consciences. Sa manière d'alléger le réel , qui lui a été si lourd, puisqu'il dut s'exiler ici, à Bruxelles, sous ces ciels de pluie et de brume, nous vaut des passages très poétiques autant qu'humains, pour qui veut lire en poésie autre chose que de la réalité plaquée et morne. Voilà un poète qui sait ce qu'écrire poésie veut dire. Il a du souffle, de l'inventivité, des ressources en dépit des grisailles : Le ciel est si généreux à Bruxelles chaque jour il le couvre de brume Lui lave le visage toute la nuit pour qu'il ait des pensées plus claires (…) La parole est mon logement social Je l'ai dit je suis poète Et il est naturel pour un poète d'habiter la parole Acide, notre auteur l'est. Ironique, certes. Voltairien, souvent. Humain, jusqu'à la lie : La tristesse bosnienne ne monte pas au ciel... (…) la Foire du Livre N'est qu'une cohue autour de livres au rabais On le comprend : qu'il n'aime pas la fausse littérature qui s'étale de nothomb en schmitt, cela va de soi, quoiqu'il faille des pages pour tous les yeux, n'empêche, sa poésie n'est pas au rabais, elle. Elle suscite, elle enfle, elle s'érotise, elle s'expose: Et moi je ne serais pas poète si une fille aux seins pointus Ne m'avait donné à sucer la différence de plaisir entre La catharsis de l'esprit et du purgatoire céleste un rien plus bas que le coeur Lecteur de Cliff, Brüciel, auteur entre autres de « L'iris audacieux » (1980), est aujourd'hui le récitant d'un Bruxelles, non idéalisé, dont seules les brocantes donnent l'illusion d'une vie peu chère. Bruxelles vu par un poète européen, qui a toujours le souci d'élever le débat ou la poésie au débat réflexif, sans tomber dans les niaiseries idéologiques qui s'entendent çà et là, ailleurs. Philippe Leuckx, Le Journal des Poètes. Retour au catalogue |