Extrait Le
soleil
surgit entre Rocher de Naye et Dent de Jaman. Le ciel est
net
comme verre. Tout est givre, tout est immobile, comme si les
arbres
évitaient de gâcher l’instant. Sur le lac, quelques ridules
paisibles
du côté des pêcheries. Des nuages arrivent par le Jura et
une neige
tardive vient recouvrir le parvis. Sur le chemin, les
bottines
craquent. Le plaisir est bien là, celui de l’étrangeté, de
l’inouï.
Pour Steff et Anke, celui de crier très fort et d’en être
ébahi. Sur
les hauts de Lausanne, cette dernière neige fond vite en
ruisselets et
les primevères réapparaissent sur le sol nègre, une infinité
de points
jaunes. Aux versants les plus exposés, se devinent les
fleurs à venir
sur les cerisiers. Les derniers nuages défilent au bas de
Petite
Plaisance, l’un d’eux grimpe vers nous, il semble prendre
appui sur les
sapins, nous voici au milieu d’une ouate opaque, puis il
s’éloigne, ne
laissant qu’une eau légère sur les branches. Au-dessus du
pâturage, un
épervier tournoie. Les merles farfouillent au cœur du
feuillage. Comme
de juste, ce sont les pies-grièches qui s’arrogent les baies
d’hiver et
cela fait sourire John, auquel il vient une idée : et
si, l’hiver
prochain, nous allions, tous ensemble, rendre visite à mes
parents au
Locle ? Nous pourrions jouer une Nativité sur le perron
du temple.
Toi, René, tu serais le berger, le joueur de fifre ; je
serais
Joseph, et Léa Marie. Anke et Steff ? John réalise
qu’ils sont
bien grands déjà pour les associer à cette scène. Là-bas,
répète John –
qui parfois radote un peu –, on se dit bonjour comme au bon
vieux
temps, on traverse le village en tenant les enfants par la
main,
admirant les granges les plus fleuries, les guirlandes
d’impatiens
vivaces.
|
Ce qu'ils en ont dit |
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Dans
un récit dense, à l'écriture sans graisse aucune, Daniel
Soil (Délégué
de la Fédération Wallonie-Bruxelles à Rabat puis à Tunis
jusqu'en 2015)
esquisse les années 1945 à 1978 à travers quelques
personnages marqués
par l'Histoire. D'un immigré suisse fixé à Tirlemont,
John, militant
communiste que le Pacte de non-agression
germano-soviétique
d'août 1939 déboussola, de sa femme Léa, de leur fils
Steff et
d'Anke, la fille que John eut de sa maîtresse allemande
tuée lors d'un
bombardement au cœur de la Ruhr (la Dorly qu'il « a
dû vénérer, nue sous le soleil frais, couchée au naturel
sur une pierre polie par le flot »),
ces pages douces-amères suggèrent le cheminement – avec
nuances et une
sincère humanité. C'est le cinquième (attachant) roman de
Daniel Soil,
depuis « Vent
faste », prix Jean Muno 2001.
Fr. M., LA LIBRE BELGIQUE *
Voici un récit relativement touchant quand à la vie durant la guerre de 45. La déchéance, l'espoir, l'amour, l'amitié, l'implication, les choix, ce sont quelques unes des choses que nous pouvons retrouver dans Petites plaisance. La dure réalité de la guerre et de tout ce que cela implique dans nos vies, dans les choix que nous faisons sur le moment. Parfois des choix que l'on regrette en y repensant, mais sur le coup, cela semblait être la meilleure solution. Un récit dur par moments, léger par d'autres, mais qui sonne juste. En le terminant nous ne pouvons qu'être ému. Une belle histoire à lire sans hésiter. Alouqua, Le monde enchanté de mes lectures *
Un roman d’une seule coulée, qui arrive à rassembler en un ensemble étroitement lié les destins de plusieurs personnages en une période troublée s’il en fut, les années 1930-1950, en un style clair, limpide même, et sans fioritures : bref, un parcours sans faute pour Daniel Soil. L’intrigue se déroule en bonne partie à Tirlemont et à Petite Plaisance, entre le lac Léman et la haute montagne, non loin de Lausanne : un clin d’œil, au passage, à notre ami Alfred Herman. Le héros principal, John, est Suisse, originaire du Locle, dans le Jura suisse, une région qui fut l’un des berceaux de l’industrie horlogère, mais aussi de l’anarchie en tant que théorie politique. Et ce n’est que l’une des nombreuses contradictions qui vont le déchirer : son goût de l’ordre, de la justice sociale, sa pitié pour les humbles. Il aura parfois du mal à suivre les méandres de la politique du parti communiste, après s’y être rattaché, et finira par se laisser convaincre par la propagande nazie. Et ce sera le drame de ceux-là qui, nombreux, ont embrassé le national-socialisme par pure conviction, et qui, une fois la guerre finie, devront payer durement leur erreur. Cadre supérieur d’une firme allemande, il fera souvent le voyage entre Tirlemont et la Ruhr, et aura une liaison avec une jeune Allemande, qui périra dans un bombardement, et dont il recueillera la petite fille. Il sera beaucoup aidé par son épouse, une femme exceptionnelle par son charisme, et par un ami qui le soutiendra lors de son emprisonnement à Huy. Un drame humain – plusieurs drames, car chacun de ces personnages vivra ces péripéties, les intériorisera à sa manière, pour repartir dans la vie. Un livre captivant, par l’art du récit, sobre, clair, porté par un style d’une grande justesse. Et surtout, surtout, un livre porteur d’optimisme, sans aucun angélisme : rien que cette idée simple, que rien n’est jamais perdu, jusqu’à la fin. Un proverbe arabe dit que Dieu écrit droit avec des lignes courbes. Nous aussi, sans le savoir, parfois, nous nous efforçons d’écrire droit, même si notre ligne ressemble le plus souvent au vol d’une libellule au-dessus d’un étang. Au-delà de toutes les contraintes de lieu, d’époque, d’origine, il nous reste une part, si infime soit-elle, de liberté. Joseph Bodson, AREAW *
En couverture trois personnages me plongent dans le siècle précédent. Une femme, deux enfants. Tous les trois se tiennent par la main… Léa l’infirmière, fille de Tirlemont; Steff, le fils de Léa et John. John, l’émigré suisse. Anke, la fille de Dorby recueillie après la mort de sa mère Dorly, une allemande décédée en janvier 45 sous un déluge de feu des Alliés. Les aléas de la guerre, l’incarcération de John au Fort de Huy. La collaboration des uns, l’entrée en Résistance des autres. Des convictions politiques divergentes. L’après-guerre. Les rêves de John, et après… La Suisse… « Petite Plaisance » avec cette vue sublime depuis la terrasse, depuis les Dents du Midi jusqu’au jet d’eau de Genève. Daniel Soil, l’auteur de ce roman, fait vibrer en nous les vieux souvenirs racontés par nos parents. Une écriture sans précipitation, exigeante tout empreinte de l’Histoire décryptée avec enthousiasme. Les plaisirs de Marc Page *
Petits
arrangements de la vie quotidienneDivisé en trois parties, Petite plaisance est un court roman qui nous plonge dans l’univers de 3 personnages sortis groggy de la seconde guerre mondiale (« Il n’y a pas que mes machines qui sont sous séquestre. Mon esprit aussi. Mon crâne est comme bosselé. Je n’ai plus de tonus. J’ai quelques pertes de mémoire. Je ne puis mieux me comparer qu’à un ballon à la dérive. ») Nous découvrons ainsi Léa et la longue attente du retour de son mari pendant la guerre. Puis John, son époux, incarcéré au Fort de Huy à cause de sa récente sympathie pour le national-socialisme. Le quotidien de ce couple a priori banal est cependant plus subtil qu’il n’y paraît : René, ami et avocat de John, gravite en électron libre autour de Léa pour qui il a une grande affection réciproque. Quelques années après la guerre, les 3 amis vivent à Petite Plaisance, où « on annonce en français et on jure en allemand » et où la vue depuis la terrasse est sublime, entourés du fils de Léa et John, ainsi que de la fille de l’ex-maîtresse de John (oui, vous avez bien lu !). En Allemagne, Léa et moi [René] avions partagé la même chambre. Cette intimité a laissé quelques traces, une familiarité naturelle. John a compris, mais n’a rien dit. Juste Ah. Ce qu’il fallait traduire par : c’est comme ça. Lui, l’ami vacciné par la vie […] De leur côté, Léa et John font tout pour l’acclimater. Ils s’attachent à cette petite, à n’en pas douter. Chaque jour, ils imaginent une activité qui éduque ou divertit. Ils se révèlent même plus justes avec Anke qu’avec Steff, leur propre enfant. Le décor planté, nous faisons un rapide raccourci vers la configuration du film Jules et Jim. Mais l’auteur nous invite à briser l’écran du cliché et à explorer la manière plus subtile dont les êtres humains façonnent leur propre histoire à travers l’Histoire. Nous découvrons par exemple que les affinités national-socialistes de John ne sont pas mues par une croyance en une quelconque supériorité de race, mais par sa fascination pour l’ordre et ses compétences linguistiques. En découvrant la part d’humanité de John, le lecteur apprend à éprouver de l’empathie pour lui, même s’il ne partage pas les mêmes valeurs. À travers un style sobre et efficace, Daniel Soil lève le voile sur une amitié tendre et profonde, que les années n’altèrent pas, mais composent au gré des événements et des blessures de chacun. Léa vit couci-couça. Elle a un peu de mal quand elle remarque un souci sur le visage de John et cela arrive souvent. Pour ma part, je donne à la mine chafouine de mon ami des raisons qui tiennent plutôt à son itinéraire politique. Mais elle croit y percevoir des tristesses plus affectives, plus intimes. Dorly n’est plus là et pourtant elle est encore là. Le mutisme règne. Mais Léa reste solidaire de John. Quand je capte son regard, je le soutiens longtemps. Puis je lance un nouveau sujet, qui donne l’occasion de se détendre, de rire. Petite Plaisance est un récit qu’il est doux de lire pour se laisser bercer par la tendresse qui fait la richesse des rapports humains sincères. Une petite lueur d’espoir qui donne tout son sens à l’expression « même si ». Séverine RADOUX, Le Carnet et les Instants *
La
petite musique de nos existencesJohn Kopp, militant communiste polyglotte d’origine suisse envoyé à Tirlemont pour rallier à la cause les travailleurs étrangers, est accusé de sympathie avec le nazisme pour avoir fréquenté une Allemande lorsqu’il travaillait pendant la guerre pour les machines Singer et faisait alors l’aller-retour entre l’Allemagne et la Belgique. Nous sommes en 45 et il est enfermé au fort de Huy en attendant son procès pour collaborationnisme, quand Léa, sa femme, relate dans une manière de défense sa vie avec lui, et leur fils Steff né en 1939… De mars 1945 à octobre 78, quatre voix vont se succéder pour rendre compte de cette relation qui mêle aussi René, l’ami avocat du couple, auquel va s’ajouter à Steff, l’enfant de Léa et John, Anke, la fille de l’amie allemande morte dans un bombardement allié à la fin de la guerre. Il s’agit de quatre points de vue, un quatuor de voix, sur une relation singulière mais emblématique du XXème siècle qui réunit des êtres qu’au départ rien ne prédestinait à se faire rencontrer et qui vont composer avec ces facteurs leur petite musique et fonder bientôt une famille élargie, recomposée, dirait-on aujourd’hui, sur le territoire suisse. René, l’ami qui les accompagne à l'étranger, apporte de l’apaisement dans ses descriptions des paysages et le mode de vie des habitants. Et de la musique car René aime le bel canto ; c’est le poète, le bon génie de la villa Petite plaisance qui donne sur le lac Léman. Si John continue d’être le raisonneur, l’horloger, l’homme d’action, René est le modérateur, le commentateur bienveillant des faits et gestes des membres de la famille, leur guide dans les choix à opérer pour les faire s’épanouir. C’est un livre sur les grandes lignes de l’histoire qui embrouillent nos destinées, alors que nous aurions tendance à nous en croire les acteurs. Un livre aussi sur l’ambiguïté des choses et les interprétations abusives, qui tendent à simplifier la complexité, tant au niveau historique que dans les relations intimes entre les êtres. Au sortir de la guerre, l’opinion s’empresse d’accuser John de sympathie avec le nazisme alors que la réalité est plus subtile et moins définissable en termes manichéens. Sur le plan relationnel, au trio amoureux de départ, quand John pendant le conflit fréquente l’Allemande, va succéder un second trio lors de l’installation à Petite Plaisance en Suisse du couple et leurs enfants avec l’ami de la famille, le placide René. Sans que cela ne vire jamais au drame, avec beaucoup de pudeur, les différents protagonistes de cette histoire qu’on pourrait trouver troublée, écrivent leur relation singulière sur le blanc de la ville de Tirlemont et de la neige du paysage alpin. Ils instaurent une autre façon de vivre, qui n’a plus la nation comme visée, ni les relations conjugales classiques comme seul but ; ils défendent leurs opinions sans se préoccuper des frontières affectives classiques ou nationales. Ils ont appris au fil des générations et des coups de l’histoire à être davantage maîtres de leur destin, de leurs lignes de cœur. Un beau, un très beau roman ! Éric Allard, Les Belles Phrases *
Tout n'est pas simple Petite plaisance est le nom d'une maison. Un coin de bonheur, mais difficile d'y accéder pour les personnages qui apparaissent dans ce roman. John, en mars 45, est en prison à Huy. John ? Un personnage hors du commun : né en Suisse, militant communiste, a travaillé durant la guerre dans le commerce des machines à coudre Singer. Il faisait le passe-passe entre Herzfeld chez Singer et la Belgique et avait une admiration pour la rigueur du National-Socialisme ! Un ami de toujours ? René, avocat, qui le défendra bien pour une libération. Une femme Léa et un enfant, Steff. Une maîtresse aussi à Herzfeld, Dorly dont le mari est sur le front de l'Est et leur fille Anke. Ce sont plusieurs sujets délicats que l'auteur aborde : la collaboration, l'adultère, le mal-être, mais sans jamais de vulgarité ni de parti-pris. La charpente du roman est aussi originale : point de vue de Léa, puis de John, ensuite de René, avec celui de Steff en épilogue. Différents styles utilisés : épistolaire, récitatif ; de belles descriptions aussi. Ddh, Critiqueslibres.com *
La petite histoire traverse ici la grande. Plongée dans le Reich et une société au sein de laquelle le national-socialisme rencontre un écho grandissant. Jeune immigré suisse, John est éperdument épris de Dorly, une belle Allemande, au grand dam de Léa, son épouse. Autour d’eux gravite une sphère d’amis fidèles : l’avocat René, Anke la fille de Dorly, le fils de John et Léa. Avec un joli sens de la description, Daniel Soil raconte leur destin en couvrant un tiers de siècle, passant des années terribles à l’aube de 1970. Comment vivre avec ses idées lorsqu’on a connu l’impensable, lorsqu’on a survécu au mal ? Plutôt que de jouer avec la durée, l’auteur s’est attaché à l’essentiel, éliminant les détails inutiles, bondissant d’une décennie à la suivante pour s’attacher aux êtres et à leurs émotions Epais de moins de quatre-vingts pages, ce roman se lit d’une traite et sent bon la générosité et l’anecdote. Avec le Lac Léman pour panser les plaies, quel meilleur décor peut-on rêver ? Au fil des vicissitudes, l’amitié perdure, pudique et imputrescible. On achève ce livre caressé par une impression de bonheur contagieux. Daniel Bastié, Bruxelles Culture *
Daniel Soil, ou le lien, la passion et le goût des choses… À la manière d'un scénariste habile, Daniel Soil fixe ses personnages sur la toile du temps. On y découvre John, militant communiste, converti au national-socialisme par amour pour Dorly, rencontrée en Allemagne et « décédée le 4 janvier 1945 sous un déluge de feu allié » ; Léa, l'infirmière, son épouse, sensible et totalement séduite par la forte personnalité de John ; René, l'avocat, précieux compagnon dans la tourmente ; Stef, l'ébouriffé, fils de Léa et John ; Anke, la fille de Dorly qui rejoint la tribu de Petite Plaisance, un paradis naturel, un recours contre la dureté, la violence du monde. Le narrateur excelle à démonter le mécanisme des passions chahutées par les événements politiques auxquels nul ne peut se soustraire. Il ne se contente pas de plonger dans le passé, il en restitue l'argumentaire avec l'intelligence et le recul d'un journaliste d'investigation. Le personnage de John – entre spontanéité et ambiguïté – est ici un modèle du genre : « D'emblée il lui [Dorly] crie son enthousiasme sur cette unanimité qui s'exprime d'une manière si… horlogère. Et il n'est pas mécontent d'avoir trouvé cette métaphore, lui le Suisse, pour décrire ce qui le séduit dans l'Allemagne en liesse. » Même observation nuancée à propos de « ce maudit pacte [germano-soviétique] qui m’a tant dérouté. » Mais si la lucidité oriente – et parfois désoriente – le fléau subtil de la balance, la profonde humanité de Daniel Soil inspire chaque page d'un récit haletant, toujours sur la tranche du bien ou du mal, qui peut corrompre les humeurs mais pas les consciences. À cet égard, les passages qui brossent en parallèle les portraits de Stef et de Anke sont empreints de mille et une retouches, comme si l'âge des deux protagonistes exigeait une approche circonstanciée et prudente. On ne quitte pas réellement la Petite Plaisance, car elle nous visite au-delà de l'intrigue : « Brume de beau temps vers le Valais. Les cèdres roux donnent de l'ombre à la promenade, grâce à leurs lourdes branches. Sur le bateau, nous avons pris place à l'avant, côté bâbord, pour s'ébahir aux vignobles qui défilent, le Lavaux, le Dézaley et tutti quanti… » Entre les intermittents du paysage qui donnent le goût du bonheur et les affairistes du quotidien, la vie suit un cours sinueux qui n'épargne rien ni personne : René décédé, Anke infirmière à Kaboul, Léa qui vendrait bien le pays de sa jeunesse… La roue tourne et Petite Plaisance crie à qui veut l'entendre sa lumière et sa beauté : « Une fontaine attire les marcheurs qui longent le lac. On s'en approche, Anke et moi. De nos mains, nous formons chacun une coupelle pour nous abreuver. Cette eau qui vient de la montagne. Sa pureté laisse sans voix. » Le mot lâché s'écrit tout à la fin du roman et donne le la à cette pastorale improbable aux articulations meurtries par la guerre et le malentendu. Mais si voisine d'une espérance voilée… Michel JOIRET, Le Non-Dit. Ce
récit
grave et léger m’a traversé comme une caresse de
l’Histoire sur
des jours si troublés. John le Suisse, ancien
communiste passé à la
collaboration, incarcéré à la Libération, un homme
entre deux amours,
Dorly l’Allemande morte en 1945 sous les bombardements
alliés et Léa de
Tirlemont, qui lui restera malgré tout fidèle et lui a
donné un fils,
Steff. René, l’ami avocat, et Anke, la fille de Dorly,
qui soigne les
résistants afghans en 1978, complètent la scène
romanesque. Cinq
existences, complexes et subtiles, qui accompagnent
le poids des
évènements tragiques et trouvent quelques moments de
paix au bord du
lac, près de Genève, dans la villa Petite Plaisance.
Un refuge pour
oublier le fracas du monde. Daniel Soil tisse
avec une infinie
tendresse le fil de ces vies bouleversées par la
guerre et l’amour.
Une douce nostalgie qui nappe de quelques moments
intenses et émouvants
le déroulé tragique du siècle.
JC, Agir par la Culture *
Roman
publié en 2016 aux éditions M.E.O. Initialement créées
pour faire connaître la littérature bosniaque en
Belgique, cet éditeur a ensuite publié également des
écrivains francophones, comme Daniel Soil.
Il s’agit d’un petit livre de 78 pages (12 euros) avec en couverture la photo noir et blanc d’une femme à la mode des années cinquante, tenant par la main une petite fille et un petit garçon, qui évoque donc l’histoire que nous raconte Daniel Soil, celle de Léa, qui s’est occupée de son fils Steff, mais aussi de Anke, la petite fille que son mari, John, avait eue de sa maîtresse allemande, Dorly. Petite Plaisance, c’est le nom de la propriété, dans les hauts de Lausanne, où finiront par habiter dans les années 50-60, Léa, John, Steff, Anke, mais aussi René, l’ami de Léa et John, avocat de profession. Et Dieu sait que John en a eu besoin, d’un bon avocat… Initialement voué à la cause communiste, ce citoyen helvétique s’installe en Belgique dans les années trente, pour diffuser des journaux et faire de l’activisme auprès des ouvriers. Seulement voilà, John vient de Le Locle, village suisse où l’ont fabrique d’excellentes montres (comme Tissot) et ébauches. Il aime la rigueur, la précision, l’ordre et le socialisme. Insensiblement, il va se détacher du communisme et se laisser convaincre par le national-socialisme naissant, d’autant plus qu’il a créé un petit commerce lucratif consistant à importer en Belgique des machines à coudre Singer, fabriquées en Allemagne, à Herzfeld. Au cœur de la Ruhr. John a même été embauché par Singer en 1940. C’est là-bas qu’il fait la connaissance de Dorly. Dont le mari sera tué sur le front. Peut-être a-t-il dans sa tête d’établir un ménage à trois, avec Dorly et Léa, puisqu’il met assez vite Léa au courant de sa situation, et que sa femme l’accepte, par amour pour lui. Mais les choses vont se gâter pour John. Dorly est tuée dans un bombardement, et lui est incarcéré à la libération au fort de Huy, pour collaboration. Il supplie sa femme et René de se rendre en Allemagne pour rapatrier la petite Léa abandonnée. Je ne vous en dirai pas plus, mais ce petit roman, une novella, comme dirait les Anglais, est un petit bijou. Sans longueur inutile, comme dans certains romans américains, il ne sacrifie pas pour autant les descriptions de la nature et l’ambiguïté et la profondeur des sentiments des personnages : « Face au panorama à perdre pied qui se déploie depuis la terrasse de Petite Plaisance, je feuillette les premières pages de mon journal, entamé à notre arrivée en Suisse en 1946. Je lis un fragment, puis je lève les yeux et je parcours le lac, de St Gingolph à Thonon. L’air est si transparent ! On distingue chaque bâtisse sur la rive française et le rocher de Mémise, toujours aussi sombre se détache avec une netteté parfaite droit devant moi. Est-ce la lecture où la vue ? Un vertige me prend ». C’est l’ami René qui parle, lui qui s’est trouvé à partager une chambre avec Léa, en Allemagne, quand ils sont partis à la recherche d’Anke. Depuis les choses sont un peu plus compliquées que ce qu’avait prévu John. Y compris entre les deux enfants Steff et Anke… Le blog littéraire de Pierre Montbrand |
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