Extrait Depuis plusieurs années, j’ai envie d’écrire à propos de Pre. Si je me suis enfin décidé, c’est peut-être aussi pour raconter ma « grande aventure » de 2018. Oh, une équipée bien modeste, mais j’ai toujours cru, comme je ne sais qui le disait autrefois, que l’aventure commence au coin de la rue. Il a neigé, vous décidez d’aller courir au bois. Vous êtes le premier à fouler la neige vierge. Enfin, le premier humain, car mille petites empreintes vous révèlent un grouillement de vie. Dans le grand silence (la poudreuse gomme tous les bruits, et la ville est loin), seul le crissement de la neige fraîche sous vos pas. Vous prend parfois l’envie, comme autrefois, de façonner une boule, de la lancer au loin, dans le dos d’un pion imaginaire, voire d’y mordre, d’en sentir la fraîcheur vous brûler langue et palais, comme un granité. Et tout à coup, vous croisez un renard. Sur la couche blanche qui mange le paysage, son pelage roux. Vous vous regardez dans les yeux, juste un instant. Il fait volte-face, il a disparu. C’est une aventure, non ? […] À son arrivée au labo, Steve a lancé aux chercheurs : « Beaucoup de gens courent pour voir qui est le plus rapide. Moi, je cours d’abord pour voir qui a le plus de tripes. Votre truc, je l’attends de pied ferme ! » On lui explique le principe du test, on lui traduit les chiffres établis par les examens précédents : plus de 75, le seuil de l’élite mondiale, plus de 80, un résultat atteint seulement par quelques skieurs de fond, quelques grands marathoniens. Steve est bien décidé à exploser les records. Les conditions de réalisation du test sont une épreuve en elles-mêmes. Quand on aime la course en plein air, la piste, le cross, c’est peu attrayant de galoper torse nu sur un tapis de course, des électrodes sur la poitrine enregistrant le rythme cardiaque, un masque sur la bouche et le nez mesurant le taux de dioxyde de carbone expiré durant l’effort. Un astronaute s’entraînant en apesanteur ne serait pas harnaché plus inconfortablement. […] Courir sur tapis, j’ai essayé plusieurs fois, il faut s’accrocher. Quand on arrive – en tout cas moi – à quinze ou seize kilomètres à l’heure, l’essoufflement monte, la sueur commence à sourdre, le bruit de la machine perturbe presque autant que la peur de ne plus pouvoir suivre le rythme, de trébucher et se casser la figure. Quand on est au bord de l’explosion, on adresse un signe au technicien de laboratoire qui ralentit la cadence. Le test est terminé. En janvier 1975, Steve est monté à près de vingt-six kilomètres à l’heure ! Un bison chargeant, un éclair, un ouragan ! Shorter, qui assistait au test, m’a dit un jour : « Il avait du feu dans les yeux ! » Résultat, traduit en code VO2max : 84 (à côté, mes 46…) ! L’un des plus hauts scores jamais réalisés. |
L'auteur en pleine action |
Ce qu'ils en ont dit * C’est le souffle qui traverse ce livre et qui le fait vivre. Le souffle qui pousse le cri de la vie à l’instant de naître, fait jaillir l’écriture du magma du perçu, vécu, reçu, perdu… Le souffle qui arque le corps dans l’effort, la démesure de l’extrême, la rage de vaincre parfois jusqu’à en mourir. Bien sûr, la courte vie de Pre sera lue, à n’en pas douter, avec la curiosité et le plaisir que suscitera chez les lecteurs l’histoire d’une passion obsessionnelle au paroxysme de la volonté de vaincre. Ce qui me touche, […], c’est avant tout la façon de révéler l’authentique humanité de celui qui témoigne de tout ce qui fait la valeur d’un être : fidélité à l’enfance, le sens de l’amitié, la fraternité, l’amour et la peine qui n’a de résilience qu’en dépassement de soi; mais aussi la foi qui soulève le corps fourbu, l’âme blessée… le goût du partage, les balises des souvenirs et les petites allusions si essentielles à un écrivain coureur – ou l’inverse. Steve meurt à 25 ans. Peter lui survit et porte sur ses épaules le temps cumulé de leurs vies. Steve ne vieillira qu’à travers l’âge qui blanchira les cheveux de Peter ou de Bill et qui ralentira leur course, inéluctablement. Mais l'auteur l’écris dès la page 58: la vieillesse vous tombe dessus dès qu’on s’arrête de jouer… ou de courir. Vieillir, c'est cesser d’aimer, d'espérer, de penser, d’écrire… d’inspirer et d’expirer… C’est un livre d’amour que nous offre à lire Daniel Charneux, une ode à la beauté d’être. Françoise Houdart. *
Steve Prefontaine est toujours considéré comme l’un des plus grands coureurs de fond américains. Il possédait un style unique qui consistait à prendre la tête de la course pour ne jamais la lâcher. De la sorte, il a pu gagner cent vingt-huit des cent cinquante-trois courses auxquelles il a participé. Un accident de voiture, à l’âge de vingt-quatre ans, a mis un terme à son existence. Daniel Charneux revient sur ce sportif hors-norme par le biais de Pete Miller, un jogger vieillissant. Arrivé à l’heure de la retraite, ce dernier décide de consigner ses souvenirs par écrit et de raconter l’histoire des États-Unis, des eighties aux seventies, par le trou de la serrure et en suivant le parcours de celui que ses fans surnommaient Pre. Au fil des pages, on rencontre un homme simple, qui professait une haute opinion de sa discipline sportive. Selon Steve, gagner importait certes, mais tout dépendait de la manière. Un livre à la première personne, mené comme un journal intime et qui mélange la grande et la petite Histoire. Un récit qui plaira aux amateurs de sports autant qu’aux nostalgiques d’une époque que les moins de cinquante ans n’ont pas connue ! Daniel Bastié, Bruxelles-Culture *
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La course en tête
Une bonne part des écrits de Daniel Charneux est consacrée à des évocations biographiques aussi diverses que celles de la pathétique Marylin Monroe, de l’humaniste Thomas More ou de Jane Grey, la très éphémère reine d’Angleterre. Cette fois, c’est vers le sport que se porte son éclectisme. Et en particulier vers la course à pied qui est, bien entendu, le « roi des sports » ainsi que tout sportif le professe au crédit de sa propre discipline. Avec À propos de Pre, c’est une légende de l’athlétisme américain, le champion olympique Steve Prefontaine, que Charneux ressuscite en enfilant les baskets de son narrateur Pete Miller présenté comme l’ami du coureur depuis l’enfance. Et qui partageait avec lui une même passion pour ce sport exigeant quoiqu’avec moins de réussite. Natif de Coos-Bay dans l’Oregon, « Pre », comme Prefontaine n’aimait pas qu’on l’appelât, allait mourir dans un accident de la route à 24 ans alors qu’il affichait déjà un palmarès le plaçant parmi les plus grands. C’est parvenu à l’âge de la retraite que Miller entreprend ce récit qui intègre à la fois la vie et les exploits de son ami Steve, étroitement mêlés à la sienne, mais aussi, en toile de fond, les grands événements contemporains de l’Histoire américaine, depuis l’assassinat des deux Kennedy et de Martin Luther King ou la désastreuse guerre du Vietnam, jusqu’à l’extravagante affaire du Watergate et la démission de Richard Nixon. Point d’orgue sportif : les jeux olympiques de Munich en 1972, (théâtre par ailleurs du massacre des otages israéliens par le commando de Septembre Noir) où, aux 5000 mètres, Steve Prefontaine rate le podium d’une marche. Cette remarquable quatrième place, il la considère comme un échec et entend bien se rattraper quatre ans plus tard lors des J.O. de Montréal. C’était compter sans l’accident de bagnole qui lui coûtera la vie en 1975. Une vie dont Pete Miller et d’autres anciens amis vont, en 2018, célébrer la mémoire en engageant leurs vieux os dans le traditionnel jogging géant Hood to Coast Relay : une course relai par équipes de douze au cours de laquelle plusieurs milliers de participants couvrent au total 320 kilomètres à travers l’Oregon, entre le Mont Hood et la ville de Seaside sur la côte atlantique. C’est le journal détaillé de ce défi que Pete Miller conjugue à son ode à Prefontaine, avec la réussite finale de l’arrivée de ces vétérans à Seaside et le dépôt de la médaille commémorative sur la tombe du champion. Pour se divertir des nombreuses considérations techniques et de l’avalanche de chronos a priori ébouriffants qui émaillent cette épopée athlétique et feront certes vibrer les connaisseurs et autres aficionados, on découvre aussi, entre autres anecdotes, comment Bill Bowerman, un pote à Pete Miller et surtout grand ami et fidèle complice de Prefontaine, entra dans la légende. Il avait eu l’idée malodorante et presque suffocante de couler du caoutchouc dans le moule à gaufres emprunté à sa femme pour créer une semelle de compétition novatrice. Le résultat fut jugé concluant et pour produire son invention en quantité, Bowerman créa une petite entreprise qu’il baptisa d’un nom grec signifiant victoire. C’était bien vu. Prefontaine allait l’adopter à jamais et la semelle Nike allait faire un sacré bout de chemin sur les circuits et les trottoirs du monde… Ghislain Cotton, La Carnet et les Instants. *
À l'ombre d'un champion Cette lecture m’a rappelé ma première participation à des forums littéraires sur la Toile, je me souviens particulièrement de ce site Internet, désormais historique, sur lequel j’ai rencontré Daniel Charneux et des forums qu’il partageait avec quelques autres marathoniens pour évoquer leurs courses, leur préparation, leurs entraînements, leurs plus ou moins gros bobos et aussi bien évidemment leurs lectures. Je les lisais mais, étant un médiocre coureur à pied, je me tenais à l’écart de leurs discussions, préférant regarder le sport à la télévision. J’ai ainsi gardé le souvenir de beaucoup de coureurs, de courses, d’événements que Daniel raconte dans son livre dans lequel j’ai plongé avec une certaine délectation oubliant l’époque où j’avais l’impression que les lecteurs passionnés étaient tous des coureurs de fond et que, moi le sportif de télévision dans son fauteuil, j’étais un intrus dans le groupe. Le sport est ma passion, j’ai été un médiocre participant mais un dirigeant avisé et très investi, je connais presque tous les sportifs que cite Daniel Charneux mais Prefontaine, Pre pour ses amis, m’a échappé, je ne me souviens pas de lui, même si je me souviens de Bob Schul, celui qui a battu Michel Jazy aux Jeux Olympiques de Tokyo où il a terminé quatrième tout comme Prefontaine à Munich. Pour moi les Jeux Olympiques de Munich resteront à tout jamais ceux de l’horreur, ceux de l’abominable attentat qui a décimé la délégation israélienne. Pour la première fois on attaquait mortellement des sportifs s’affrontant pendant ce qui était dans l’Antiquité une parenthèse de paix entre les peuples. Merci Daniel de m’avoir rappelé cette période que ma mémoire a un peu occultée. Dans ce texte, Daniel Charneux a confié sa plume à Pete, un ami d’enfance de Pre, un gars qui à l’approche des soixante-dix ans court toujours, pour qu’il raconte ses souvenirs. Dans sa chronique Il évoque bien évidemment son enfance dans l’Oregon avec ce champion atypique bourré de talent, doté de capacités exceptionnelles, capable à l’entraînement de multiplier les efforts le plus épuisants mais un peu désinvolte et très soucieux de toujours déployer le maximum de panache, refusant les victoires de « comptables, ceux qui profitent des efforts des autres pour triompher ». Dans cette chronique, il raconte encore les courses qu’il effectue régulièrement avec ses amis du club de la petite ville de l’Oregon où il réside toujours et où est né Pre. Il décrit le plaisir de courir, la joie de raconter à ses amis du club des anecdotes sur la vie et les performances incroyables de son ami, son côté désinvolte, sa carrière inachevée. Et, il écrit « Comme chaque semaine ou presque, nous avons revécu le relais », le fameux relais, leur grand souvenir, leur épopée mythologique, leur participation à l’un de plus grands relais du monde le Hood to Coast Relay, environ trois-cent-vingt kilomètres km de course pour une équipe de douze relayeurs. Leur Graal, l’événement qui les a soudés à jamais par-dessus les générations, la différence entre femmes et hommes, leurs différences sociales et professionnelles autour de leur seul point commun : courir jusqu’au bout ! Pete, c’est un peu l’auteur ; comme lui, il court, il a un peu près le même âge, il est peut-être un peu plus seul, je ne connais pas suffisamment Daniel pour parler de sa vie privée pour savoir si elle pourrait ressembler à celle de Pete. Mais, Pete parle du monde qui va mal comme Daniel pourrait en parler sans ménager le Président des États-Unis, en dénonçant les règles absconses et les comportements irrespectueux de la nature, en élevant l’amitié au rang de vertu… Cette évocation de la course à pied dans la nature évoque pour moi la lecture très récente de Monsieur Minus, le dernier roman de Laurent Graff, qui narre comment un richissime héritier fuit sa fortune en parcourant les sentiers de grande randonnée. « … Il sentait sous ses pieds les reliefs du sol, les cailloux, les mottes, les brindilles, les coques, qui agissaient sur la plante de ses pieds comme des aiguilles d’acupuncture, qui semblaient activer des réseaux de sensations parcourant son corps… ». J’ai trouvé dans ces deux textes le même plaisir de parcourir la nature et aussi un style et une écriture qu’on croirait appris à la même école. J’aimerais à croire que ses deux auteurs courent un footing ensemble ou partagent un bout de sentiers de conserve en parlant de littérature. Et, si je n’avais pas seulement rêvé !… Débézed, critiqueslibres.com et mesimpressionsdelecture.unblog ! *
Daniel Charneux nous met en nage du début à la fin avec ce superbe roman, où la volonté d’aller plus loin, plus vite et l’amitié sans détours sont les thèmes-phares de cet opus. Pete Miller veut rendre hommage à son ami Steve Prefontaine, dit « Pre ». Plus de 40 ans après, il veut se souvenir de ce qu’était Pre, champion mondial de la course à pied ; il a côtoyé les grands, comme Puttemans ou Viren. Il faut avoir couru, comme je l’ai fait moi-même à un niveau amateur, entendons-nous, pour comprendre l’adrénaline qui nous pousse à vouloir davantage, dépasser celui qui était trop souvent devant soi, battre son propre chrono, savoir souffrir… Pete, sous forme de journal, raconte l’aventure sportive de son ami Pre, avec qui il courait dans les années 1970. Des années 50 à nos jours, sur fond d’histoire américaine, nous suivons une véritable épopée sportive. En parallèle, avec quelques amis, le narrateur nous relate une course relais « Hood to coast relay », qui compte 1050 équipes de 12 coureurs, soit 12 600 participants. En faveur de l’association pour le cancer, maladie fatale à l’épouse de Pete. Ce dernier et ses coéquipiers, hommes et femmes, s’y étaient engagés en 2018. Ce roman se lit avec plaisir et le lecteur souffre avec les coureurs, applaudit les performances et prend un fameux bol d’air. Des moments émouvants aussi ! Par exemple, quand Pete nous parle de la Saint-Valentin, nous retenons comme une boule dans le fond de la gorge. Daniel Charneux, en véritable conteur, sait nous captiver ! Difficile, voire impossible de ne pas lire ces 150 pages d’une traite. © Patrice Breno, Traversées *
Daniel Charneux signe ici l’un de ses meilleurs romans, pour moi, le plus charpenté : tout s’y déroule en comme sous l’effet d’un mécanisme bien huilé, d’un de ces instruments de haute précision qui permet aux coureurs de vérifier à chaque instant leur temps, leur rythme cardiaque. C’est en effet l’histoire d’un coureur de fond – ou plutôt, de deux coureurs, l’un, le héros, l’autre, le narrateur, son ami. Un héros doté d’une volonté hors de l’ordinaire, qui parvient à mener toute sa vie, beaucoup trop remplie, avec un courage et une volonté rares. Obligé de choisir de petits boulots, répétitifs et épuisants, mais qui lui permettent de garder du temps pour l’entraînement. Gros problème : les compétitions organisées par les fédérations officielles n’acceptent pas de coureurs professionnels, donc rémunérés… cela le condamne donc, pendant pas mal d’années, à ce que l’on pourrait appeler une vie au rabais. Un mécanisme bien huilé : le récit, fait à la première personne par Pete Miller, un jogger d’un certain âge déjà, se déroule au fil d’une course relais, entre la mer et la montagne, en Oregon. D’un relais à l’autre, viennent s’intercaler des retours sur leur vie d’étudiants, des souvenirs de sa vie de jeune marié, de jeune père, et puis, prenant de plus en plus de place, le récit des courses gagnées par son ami le champion, Steve Prefontaine. Chacune de ces courses, de ces victoires, est racontée sur un tempo haletant, et le suspense ne fait que grandir, de course en course, alors que, parallèlement, le narrateur, souffrant d’une blessure au pied, a beaucoup de peine à terminer les deux dernières manches de son relais. Bien sûr, je ne vais pas vous raconter la fin de l’histoire. Mais ce que je puis vous dire, c’est qu’avec toute la richesse à la fois et la légèreté de touche qui le caractérisent, Daniel Charneux nous a concocté là un récit vraiment haletant, avec des moyens très simples, sans effets de manche ni paroxysmes de style : c’est que le vrai romancier est, lui aussi, comme un coureur de fond, ménageant ses effets, surveillant sa technique et, oserai-je dire, le rythme cardiaque de ses lecteurs. Par ses réflexions sur l’histoire de la Famille Prefontaine, originaire de Beaumont-sur-Oise, sur la vie quotidienne à l’université ou ailleurs dans l’Oregon et dans les States, Daniel Charneux nous offre un tableau très vivant de la société américaine, sans oublier l’intermède tragi-comique de l’ère trumpienne. Les personnages secondaires sont très différenciés, très soigneusement traités. Et je vais quand même me permettre une courte citation, qui, en quelques lignes, est très révélatrice du caractère du héros (p.55, entretien avec soin entraîneur) : Sur ce point, ils n’ont jamais été d’accord. Selon Steve, l’important n’était pas la victoire, mais la manière. Gagner une course en la gérant, restant prudemment derrière pour démarrer dans le dernier tour, c’était bon pour les poules mouillées, pour les comptables. Ce n’était pas ainsi que lui, Steve Prefontaine, voyait la course. « Et comment la vois-tu, la course, toi, Plouc ? », avait demandé Bowerman. « Comme une œuvre d’art, coach, une œuvre d’art ! » Un maître livre, et un réel plaisir de lecture. Joseph Bodson, Reflets Wallonie-Bruxelles. *
Ce n’est pas la première fois que Daniel Charneux s’inspire d’un personnage bien réel pour écrire un de ses romans : dans Nuage et eau, il nous racontait l’histoire du moine bouddhiste Ryôkan. Ici c’est de l’athlète américain Steve Prefontaine (1951-1975) qu’il raconte le parcours : un coureur doué, obstiné, spécialisé dans les distances de 1500 à 10 000 mètres, qui a « profité » de ses études universitaires pour s’entraîner sérieusement et se faire connaître déjà au-delà de son état natal l’Oregon et des Etats-Unis et qui se préparait aux J.O. de Montréal quand il perdit brutalement la vie dans un accident de voiture. C’était un athlète particulier, qui préférait le style et le panache à la tactique : faire la course en tête du début à la fin, c’était son idée, comme prouver qu’un coureur issu d’un milieu modeste pouvait se hisser au rang des grands (au prix d’un courage et d’un travail acharnés). Daniel Charneux fait raconter ce destin par Pete Miller, un narrateur lui-même très amateur de jogging qui a été l’ami de celui qu’on appelait Pre. Veuf, vieillissant, Pete se souvient de celui qui a détenu de nombreux records des Etats-Unis au temps où il courait, mais aussi de sa propre femme morte d’un cancer et d’une course de relais ambitieuse à laquelle il a participé avec tout un groupe de copains quelques mois auparavant. C’est donc un roman qui parle de course à pieds, de performances, d’ambition mais aussi d’amitié, de deuil, de résilience, de mémoire. Le tout dans la langue fluide et élégante de Daniel Charneux. Bon, je n’ai pas été aussi séduite que le moine Ryôkan (je ne suis définitivement pas sportive) mais j’ai passé un bon moment en compagnie de Steve et de Pre. En toile de fond, l’Amérique des droits civiques, de la guerre au Vietnam, les Jeux olympiques de Munich en 1972 avec l’attentat palestinien, entre autres. De plus, le profane comme moi apprendra quelques anecdotes intéressantes sur l’entraînement et l’équipement des coureurs à pieds. Anne7500 in De la Belgitude *
Sous cet étrange titre, À propos de Pre, Daniel Charneux nous emmène en Oregon, aux Etats-Unis, et dans le milieu de la course. Pete Miller est le narrateur. Il a été l’ami de Steve Prefontaine, dit Pre, cette légende authentique du demi-fond américain, qui a vécu vite, très vite, a battu des tas de records, en voulait toujours davantage, se donnait complètement, jusqu’à la souffrance, et est mort bêtement, dans un accident de voiture, à 26 ans. Miller est lui-même un coureur et c’est à l’occasion d’une course relais par équipes qu’il se souvient de Pre. Daniel Charneux est lui-même joggeur et ancien marathonien. Il connaît bien le monde de la course, ses difficultés et ses joies, cette réalisation de soi qu’elle implique, le courage qu’il faut et la fierté qu’elle offre. Il écrit ici le journal de Pete Miller, rédigé un an après la fameuse course du Hood to Coast Relay, où il s’est inscrit à 69 ans, avec des amis aussi vétérans que lui. Le récit bascule sans cesse de la course elle-même aux souvenirs de Steve, alias Pre, via sa vie à lui, Pete, son mariage avec Elsie, le cancer et la mort d’Elsie, et avec l’histoire des Etats-Unis depuis 50 ans en toile de fond. Un récit très bien agencé, très stylé, qui fait découvrir un monde inconnu aux non-sportifs. Ces fous qui courent sur de si longues distances ne sont pas aussi dingues qu’on peut le croire : ils s’accomplissent en courant. Et comme le disait Pre, et c’est véridique : « La course est une œuvre d’art. » Jean-Claude Vantroyen, Le Soir *
Dans son journal intime, le narrateur consigne événements du quotidien et souvenirs. Ex gérant d'une entreprise de ferronnerie et grand amateur de course à pied, il évoque ses "proches" désormais éloignés de lui (géographiquement, ou par la maladie ou la mort). Parmi eux, son épouse décédée et le coureur de fond Steve Préfontaine. Ce personnage du roman a existé, né en 1951, il fut notamment entraîné par Bill Bowerman à l'université de l'Oregon de 1970 à 1975, l'un des fondateurs de la marque Nike. Durant sa courte carrière, Préfontaine a détenu tous les records des Etats-Unis du 2 000 m. (5 min 1 s 4) au 10 000 m. (27 min 43 s 6), en passant par les distances exprimées en miles (multiples de 1 609,34 m.) ; il remporta la médaille d'or du 5 000 mètres des Jeux panaméricains de Cali en 1971 (13 min 52 sec 53). Le narrateur nous fait partager sa passion pour la course à pied, qu'il pratique en amateur, et son admiration pour son ami Préfontaine, dont les stratégies de courses étaient simples : prendre la tête dès le début puis tenter de la conserver (souvent avec succès : 128 victoires sur 153 courses selon Wikipedia). En effet, connaissant ses limites relatives en tant que sprinter, Préfontaine préférait fatiguer ses adversaires sur tout le parcours, même s'il les protégeait ainsi de vents auxquels il s'exposait en première ligne. À travers les aventures du narrateur et de Préfontaine, nous parcourons des épisodes marquants de l'histoire des Etats-Unis et du monde, de la guerre du Viet-Nam à Donald Trump, en passant par l'affaire du Watergate et le conflit israëlo-palestinien. le guignol qui préside actuellement les États-Unis est égratigné, mais pas plus qu'il ne le mérite… Les magnifiques paysages de l'Orégon sont en outre mis en avant, la course à pied laissant à ses amateurs le temps de voir leur environnement. La fin du livre est plutôt « surprenante », surtout si vous évitez d'aller voir wikipedia avant de l'avoir terminé. Ce livre m'a fait penser à celui de Jean Hatzfeld intitulé "Deux mètres dix", un roman aussi construit à partir de l'histoire d'un champion. Ici, le jogging n'est cependant pas réservée à une élite, mais est présentée à juste titre comme une activité à laquelle beaucoup peuvent prendre plaisir, chacun à son propre niveau. Ce roman plaira certainement beaucoup à la plupart des pratiquants de la course à pieds ; je ne sais pas si les autres apprécieront autant. Apikrus, Babelio. *
Je remercie les éditions M.E.O. et Babelio de m'avoir permis de lire ce beau roman sportif. J'adresse un plus grand merci encore à Daniel Charneux pour m'avoir fait découvrir les détails de la vie sportive et personnelle de Steve Préfontaine, une icone de l'athlétisme américain très peu connue en France. Pour narrer cette vie très réelle d'un athlète surdoué, l'auteur a choisi un narrateur fictif situé à l'opposé, à savoir un athlète "monsieur tout le monde" comme ceux que les journalistes télévisés surnomment " les anonymes" dans les marathons. Un grand écart fort bien réussi avec comme lien la passion pour la course à pied avec ses valeurs, ses sacrifices, ses amitiés, ses déceptions et ses satisfactions. Deux vies, l'une très brève celle du champion, l'autre moins intense, celle du retraité, qui se croisent et se décroisent tout au long d'une histoire d'amitié qui traverse les péripéties de l'Histoire américaine de 1960 à nos jours et résiste à la mort prématuré de l'artiste. Steve Préfontaine disait en effe tconcevoir la course comme une oeuvre d'art. Coureur sexagénaire comme le narrateur, j'ai baigné dans les atmosphères de stades et courses mais aussi sociales et historiques que l'auteur a su décrire avec simplicité et précision; avec une palme pour les morceaux musicaux évoqués tout au long du livre. En conclusion, une biographie fort bien documentée d'un athlète à la "James Dean" mort lui aussi à 24 ans au volant de sa voiture de sport. Sporty, Babelio. *
« Pre, il n’aimait pas qu’on l’appelle ainsi… Son nom, c’était Steve Prefontaine. Et, bien sûr, il était d’origine française. » Pre, c’est cet athlète américain originaire de l’Oregon, Oregon qui viendrait peut être du mot français Ouragan. Steve Prefontaine est inclassable, il a marqué les mémoires par ses performances hors du commun et la brièveté de sa vie. Il est mort à 24 ans dans un accident de voiture, destin tragique pour celui pour qui la course était un art, qui s’entraînait dans des conditions drastiques, est-ce qu’inconsciemment il savait que chaque minute était précieuse ? Mort alors qu’il était au sommet de sa forme, ironie du destin. Steve Prefontaine va avoir comme entraîneur Bill Bowerman qui est à l’origine des chaussures Nike, j’ai adoré l’anecdote de la semelle en caoutchouc cuite dans le fer à gaufres de sa femme avec la promesse de lui en acheter un autre. Steve c’est le dépassement de soi, même blessé il continue à courir, c’est le côté noble du sport, dépasser ses limites, faire triompher le mental. 30 ans après sa mort, il est encore vénéré aux États-Unis, il est devenu une icône de la course à pied. Moi je n’en avais jamais entendu parler, je ne connais pas du tout le monde du jogging comme on dit aujourd’hui, j’ai pris un risque et j’ai été récompensée, l’écriture est très belle, l’histoire est passionnante, des références historiques, sans oublier l’éloge du rôle de l’amitié dans le sport. Mariech, Babelio. *
Daniel Charneux nous emmène sur les traces ou plutôt dans la foulée du champion américain Steve Prefontaine, à travers le récit d’un narrateur, Pete Miller, qui, arrivé à la fin de sa vie, éprouve le besoin d’évoquer la personnalité légendaire de son ami. Coureur lui-même, Pete Miller narre son présent, en 2019, son projet de courir une célèbre course relais à travers l’Oregon, et ses souvenirs du « Pre », comme tout le monde le surnommait. Steve Prefontaine était un phénomène, un athlète atypique, pour qui courir c’était vivre à un certain niveau d’humanité. Gagner une course ne suffisait pas, il fallait « la manière ». Pas question de se planquer et de se laisser tirer par un lièvre pour démarrer dans le dernier tour. Steve – Pre – avait le panache, comme Eddy Merckx l’avait sur un vélo. Daniel Charneux connaît bien le milieu de la course. Il nous promène sur les « miles » et autres « 5000 m », et parvient à nous faire percevoir ce que peut ressentir un athlète en plein effort comme un coureur lambda au cours d’un jogging entre amis. Ayant moi-même couru la plupart des courses sur route en Belgique durant les années 80-90, je reconnais l’ambiance du milieu athlétique, la fraternité, la solidarité entre les participants, et surtout cette joie qui anime les regards après la course ou l’entraînement. Inutile de dire que je recommande vivement la lecture de ce roman, qui outre la beauté du récit, vous séduira par la qualité de l’écriture. On sait que Daniel Charneux est un orfèvre en la matière, pensons seulement à quelques autres romans comme « Norma, roman », dans lequel il évoque Marilyn Monroe, ou « Nuage et eau », finaliste du prix Rossel 2008. Et même si la course à pied est un univers inconnu pour vous, vous serez séduit par les personnages, leur proximité, leur profondeur, et par les références à l’Amérique des Trente Glorieuses. Un tout bon livre à découvrir ! Claudoc, Babelio 06 octobre 2020. *
Daniel Charneux publie, en cette rentrée littéraire, un 9e roman qui conjugue ses deux passions pour l’écriture et pour la course à pied. Dans « À propos de Pre », le romancier raconte l’histoire d’un des plus grands coureurs de demi-fond du monde, l’Américain Steve Prefontaine. « Pre » a tout gagné, ou presque, il a battu tous les records US. Pour lui, la course à pied, c’était un art. En toile de fond, la course à pied de chez nous… Le récit commence un 30 janvier 2019. Il se terminera le 30 mars. Daniel Charneux a pris la plume presque au quotidien pour raconter l’histoire de Steve Prefontaine, un vrai de vrai de demi-fond à l’ancienne, un non-calculateur pour qui la course à pied « est un art ». Peter, 68 ans, coureur à pied dans l’âme, comme nous en connaissons beaucoup dans nos régions, continue à courir malgré son âge « pour se sentir vivant ». Il se lance dans le récit de la carrière de Steve Prefontaine, avec qui il a couru jadis. « Pre », comme on le surnommait, considérait que le plus important dans la course, ce n’était pas la victoire, mais la manière. Courir en « expert-comptable », ça ne l’intéressait pas. D’aucuns se demandent aujourd’hui encore, d’ailleurs, ce qu’aurait pu réaliser Prefontaine s’il avait couru en « gérant ». Le livre de Daniel Charneux plonge le lecteur dans la trame de l’Histoire des États-Unis des années 50 à nos jours : Luther King, Kennedy, Johnson, Dylan, le Black Power, le Vietnam, Trump… Au-delà de flashes historiques qui viennent s’accrocher au fil rouge de ce raid en relais auquel participent Pete et ses amis coureurs, le « Hood to Coast relay », surnommé « Mother of all relays ». La course est née en 192, l’édition 2021 se déroulera les 27 et 28 août. 320 kilomètres en équipes de 12, hommes, femmes, coureurs expérimentés ou moins. Au fil des pages, le profane en course à pied découvre. Le « coureur à pied » se reconnaît. « Le trio de vétérans dans l’équipe du relais évoque clairement Bruno Cougneau, Renild Thébaut et moi-même, un vrai trio de la vraie vie de la course à pied de chez nous. Nous avons fêté nos deux cents ans, à trois, en 2018 », a expliqué Daniel Charneux, qui a dédié son livre au regretté Bruno Cougneau, cent bornard, inépuisable source d’enthousiasme, notamment dans le monde des coureurs à pied, à Dour-sport à l’OBJ, au JC Quiévrain. « Bruno est tombé malade au moment où j’écrivais le livre et il a perdu son combat face au cancer. Dans le récit, j’évoque la mort d’Elsie, la femme de Peter, principal narrateur, qui elle aussi est décédée d’un cancer. » Le livre emmène son lecteur dans une aventure de « relais » au long cours. Le tout sur fond d’ambiance US, de l’Oregon, patrie de Steve Prefontaine. Les mots, les situations prennent une couleur américaine. « Mon idée de base vient de Prefontaine lui-même. J’avais vu un film il y a quelques années qui racontait son histoire. J’ai vu plus récemment “Free to run” qui évoque Prefontaine, l’esprit Spiridon. J’ai mis en scène Peter, qui a connu Pre, et qui vit sa petite vie de vieux coureur à pied du dimanche en pensant à Prefontaine. Ce que je dis de Prefontaine est basé sur la réalité. » « Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé est [presque] fortuite. » L’auteur, grand connaisseur de la course à pied et de l’athlétisme, évoque l’ambiance prenante des raids caritatifs que les membres de l’Olympic Blaugies Jogging (OBJ) ont connus. « J’ai participé à un de ces raids avec l’OBJ, il y a donc des références de chez nous dans mon livre, mais elles sont aussi valables partout. Le club dont je parle existe bien dans l’Oregon, mais il peut faire penser à un club de chez nous. J’ai réalisé un travail de romancier basé sur la réalité. C’est donc à la fois vrai et faux. Les coureurs de nos régions vont fatalement s’y reconnaître, ici ou là… » Daniel Charneux, en connaisseur, donne des références des temps de passage de « Pre » dans ses courses, des notions d’entraînement… avec son coach Steve Bowerman dont on évoque les débuts de la marque « Nike » (« Nikè », en grec ancien, « la victoire »). « J’ai voulu un livre à la fois pour tout public ainsi que pour les gens qui courent à pied, qui s’y connaissent et qui vont y prendre du plaisir, apprendre des choses. » L’auteur évoque Viren, champion olympique du 5.000 – 10.000 m en 1972 et 1976, soupçonné d’autotransfusion. « Contre lui, Prefontaine n’avait aucune chance. » Steve Prefontaine a connu quelques soucis avec la Fédération américaine d’Athlétisme, l’« Amateur Athletic Union », en dénonçant le système interdisant les primes d’engagement. « Pre », qui n’était pas fortuné, est néanmoins resté amateur, concentré sur son sport et ses objectifs. « Nous sommes en 1975, il est en pleine préparation pour les J.O. de Montréal. Son destin va basculer le 30 mai 1975, au volant de sa décapotable MGB, sur le Skyline Boulevard tout près du campus de l’université de l’Oregon. » Ivo Van Damme, un des plus grands demi-fondeurs belges, est décédé lui aussi dans un accident de la route le 29 décembre 196. Prefontaine, mort un an plus tôt, l’aurait-il rencontré au JO de Montréal où Van Damme avait décroché l’argent sur 800 – 1500 m ? Éric Cornu, La Province. *
Le litre de ce bouquin, À propos de Pre, paraîtra sûrement très mystérieux à l’immense majorité des lecteurs. Seuls les amoureux de la course à pied sauront à quoi il se rapporte. Et encore ! Il faudrait pour cela qu’ils aient atteint un certain âge et connaissent un peu l’histoire de ce sport. Car le diminutif auquel il est fait référence est évidemment celui de Steve Prefontaine, une légende du demi-fond américain dont on se contentera de dire, en guise de palmarès, qu’il a gagné 128 des 153 courses auxquelles il a participé au cours de sa courte carrière. Il faisait notamment partie du quintette magique composé du Finlandais Lasse Virén (premier), du Tunisien Mohammed Gammoudi (deuxième), du Britannique Ian Stewart (troisième) et du Belge Emiel Puttemans (cinquième) qui terminèrent dans cet ordre la finale olympique du 5000 mètres à Munich en 1972. Prefontaine a aussi détenu tous les records des États-Unis, du 1500 (3’38"11 ou 10.000 mètres (27'43''6). Il aurait vraisemblablement pu aller plus vite encore si cette vie flamboyante ne s’était pas terminée tragiquement dans un accident de décapotable durant la nuit du 30 ou 31 moi 1975. l’athlète était alors âgé d’à peine 24 ans. Pour son neuvième roman, Daniel Charneux continue donc de creuser son sillon d’excellence, le mariage entre la littérature et la course à pied, évoquant cette fois le charisme de ce coureur et la relation toute particulière qu’il entretenait avec son entraîneur Bill Bowerman dans l’équipe de Track and Field de l’Université d’Oregon. L’un était tout en exubérance. L’autre avait conservé de sa carrière militaire un esprit plus méthodique. Bowerman faisait preuve d’ingéniosité pour résoudre tous les problèmes rencontrés habituellement en cours de préparation. Ses nombreuses trouvailles expliquent les succès de Nike, dont il est le cofondateur. Qui n’a jamais entendu l’histoire du fameux gaufrier ? Daniel Charneux donne aussi la parole à Pete Miller pour qu’il décrive le caractère de son ami, Steve Prefontaine, et il parle donc avec tendresse de sa vie, de ses combats, de ses passions. En toile de fond, on découvre alors tous les événements qui ont fait des sixties et des seventies une période foisonnante dans l’histoire de la société nord-américaine. Miller évoque notamment l’esprit de fraîcheur et le sentiment de liberté qui régnaient au sein de ces groupes de coureurs dont le mode de vie était une façon de rompre avec les codes de la société consumériste et qui, par esprit du paradoxe, s’amusaient à définir la course à pied comme « la plus importante de toutes les choses futiles ». Sans véritablement se rendre compte de la transition, le lecteur se trouve petit à petit embarqué dans l’aventure d’une épreuve de relais appelé Hood to Coast Relay. Comme son nom l’indique, il s’agit de traverser l’Oregon depuis la montagne Hood, près de Portland, jusqu’à la côte de l’océan Pacifique dans le sud de l’État, soit 320 kilomètres plus bas. Elle se dispute par équipes de douze. Le nombre de ces équipes est limité à 1050, alors que les demandes de participation sont infiniment plus nombreuses. Tous les dossards partent en quelques heures dès le premier jour des inscriptions. L’auteur trouve le ton juste pour raconter cette course à nulle autre pareille, où se rencontrent des coureurs venus de plus de quarante pays. C’est si vivant et précis qu’on le soupçonne d’avoir déjà vécu des aventures similaires. Renseignement pris, c’est le cas. Daniel Charneux a effectivement participé à des courses-relais au long cours, comme en avril 2006 avec son club de l’Olympique Blaugies Jogging. Ils avaient alors fait l’aller-retour entre Dour en Belgique et Saas-Grund en Suisse, soit 1500 kilomètres par monts et par vaux. Bref, Charneux ne se contente pas d’écrire sur la course. li la pratique aussi avec passion. Et talent ! Il a couru son meilleur marathon en 2 heures 29 minutes et 25 secondes en 1987. À 65 ans, il continue de s’entraîner à raison de quatre à cinq sorties par semaine. Dommage qu’il n’existe pas de prix littéraires couplés à des performances sportives ! À côté du prix Goncourt, il y aurait le « prix qu’on court ». Et il lui serait sûrement promis chaque année ! Éric Cornu, Zatopek et La Dernière Heure. *
Le titre est d’autant plus énigmatique
qu’il nous semble familier. N’est-ce pas une locution communément
utilisée pour apporter un éclairage utile sur un sujet abordé, une
personne déjà connue ? Un bon titre donc ! Ce PRE, on devine qu’il est
le coureur aérien de la couverture, saisi en plein effort, par
l’objectif d’un photographe, sur un arrière-plan brumeux de montagnes.
Qui n’aurait pas envie d’en savoir plus « à son propos » ? C’est le
postulat dont est sans doute parti l’auteur. Et donc, à propos de PRE,
saviez-vous qu’il se nommait Steve Prefontaine et que sa mort
accidentelle au volant de sa voiture rapide en 1975 à 24 ans fit
de ce jeune athlète surdoué, acharné mais difficilement gérable,
surnommé « LE PRE », une légende de la course de fond ? PRE se voulait
un « artiste de la course à pied ». Daniel Charneux l’a d’autant bien
compris qu’il pratique ce sport lui-même depuis quelques décennies avec
la même passion, la même exigence d’excellence et de plaisir qui
sous-tendent son écriture ; le même souffle. C’est ce souffle qui
traverse son livre ; le souffle qui arque le corps dans l’effort comme
il porte l’écriture à jaillir de l’idée, à « chercher l’écart et la
trace ». Dans l’une de ses interviews, il évoquait l’image du métier à
tisser pour faire comprendre ce qu’est écrire. La plume va et vient sur
la page comme va et vient la navette entre les fils du métier jusqu’à
ce que l’ouvrage soit : le texte, le tissu. L’Ouvrage avec la
majuscule. C’est peut-être là que Daniel rejoint PRE, son
personnage : dans le désir commun de se vouloir artiste de leur
« métier ». […]Françoise Houdart extrait d'une étude sur Daniel Charneux pour l'Association Royale des Écrivains et artistes de Wallonie. *
Seuls les passionnés du demi-fond se
souviennent sans doute de Steve Prefontaine, surnommé « Pre », cet
incroyable coureur américain des années 60-70, décédé brutalement
à 24 ans. Dans ce roman, c’est Pete Miller, un ami d’enfance,
coureur lui-même, qui fait le récit – haletant – de la carrière
sportive de Pre, depuis la découverte à 14 ans de sa vocation,
jusqu’aux nombreux championnats remportés haut la main.Daniel Charneux a une très jolie plume et un talent certain pour raconter une histoire et captiver le lecteur en mettant en avant la personnalité attachante de ce sportif hors normes qui envisageait la course « comme une œuvre d’art » et ne laissait personne lui en dicter les règles, pas même son coach Bill Bowerman. Claudine Simart, Le quinzième jour. *
Un visiteur « inattendu » dans l’œuvre de Daniel CharneuxLes supporters de Steve Préfontaine, champion du demi-fond américain, celui qu’on surnommait « Pre », tragiquement disparu en 1975, apparaissent ici comme le parangon d’une épopée sportive exceptionnelle. Pete Miller, jogger vieillissant et ami de « Pre », relève, outre les aspects compétitifs d’une démarche inspirée par la passion et le plaisir, la volonté d’être « un artiste de la course à pied ». Daniel Charneux, lui-même coureur à pied depuis fort longtemps, ne pouvait qu’être séduit par l’application extrême de « la légende du demi-fond américain ». Dans l’excellent article1 qu’elle réserve au romancier de « À propos de Pre », Françoise Houdart évoque avec pertinence le « souffle » qui l’habite, la haute « exigence » qui est sienne et le souci d’« excellence » qui porte sa démarche d’écriture. Autant de comportements vitaux (essentiels) qu’on retrouve par exemple chez Guillaume le Blanc, philosophe et marathonien, professeur à l’Université Michel-de-Montaigne, puis à Paris-Créteil. Daniel Charneux ne pourrait que souscrire à l’association qu’il relève entre la course elle-même et les réflexions transversales sur le temps, le corps, l’esprit, la contrainte, la volonté… « Le vrai coureur court avec lui-même et non après quelque chose. C’est un apprentissage, car il est tout le temps en rapport à lui-même, dans une recherche de dialogue intérieur, et d’une connexion avec le monde extérieur ». Mais le parcours de Daniel Charneux s’immisce dans bien d’autres territoires de la réflexion (historiques, biographiques, artistiques, familiers), toujours habités par « l’humain » et comme soucieux de leur rapport avec la vulnérabilité des choses. Ainsi, « À propos de Pre » nous rend avec justesse le paysage des États-Unis, des années cinquante à nos jours. Les dialogues pris au plus vif nous invitent au quotidien de coureurs confrontés aux aléas de la compétition… Tour à tour prestigieuse ou décevante la réalité même se plie à la rigueur de la relation écrite. Minutieuse autant que ponctuelle, obéissante aux « questions premières », la plume de Charneux excelle dans l’exactitude. À cet égard, ses personnages-relais l’assistent pour développer l’obsessionnelle présence de la fiction dans un cadre de vie ; ainsi, Debbie qui, « depuis sa retraite de l’enseignement, a commencé à jeter sur le papier le roman qu’elle porte depuis toujours »… L’intervention subtile du narrateur porte l’empreinte du scripteur : « … l’inspiration, nous le savons bien grâce à la course, est inséparable de l’expiration. Ne s’agit-il pas pour l’écrivain d’aspirer la vie, de s’en nourrir, s’en imbiber comme de l’oxygène de l’air, puis de la rejeter sous une autre forme, oxyde de carbone, vapeur d’eau, mots ou phrase ? » Si pour la philosophe Isabelle Queval, la course oblige à se resynchroniser d’une autre façon que celle imposée par le travail, la vie quotidienne, toujours basée sur l’urgence3 , il semble que dans l’art subtil de Daniel Charneux (comme dans celui des coureurs authentiques), il convient aussi de se réapproprier son propre emploi du temps, de préserver son rythme biologique, qui est peut-être le plus sûr moyen de lutter contre la précipitation. Le romancier de « À propos de Pre » nous amène naturellement à dépasser son récit fictionnel et à réfléchir sur la prise en compte (sensorielle) de son propre espace de vie. Découvrir le monde qu’on n’aurait pu connaître en marchant… Et pouvoir écrire sur son épitaphe, comme le souhaitait l’écrivain japonais Haruki Murakami pour historier sa propre tombe : « Au moins, jusqu’au bout il n’aura pas marché ». Michel JOIRET, Le Non-Dit et Nos Lettres . |