Claude Donnay, enseignant, vit en Belgique dans la vallée de la Meuse. Auteur d’une douzaine de recueils de poésie, il a participé à la revue Regart de la regrettée Mimy Kinet et anime depuis 1999 la revue Bleu d’Encre, devenue également maison d'édition depuis 2011. | ||
Couverture : © Zoé Donnay, Aquarelle et technique numérique | Ressac Poésie Ces proses poétiques sont le douzième recueil d'un poète, revuiste et éditeur (la plupart publiés à L'Arbre à Paroles). ISBN: 978-2-8070-0065-0 56 pages 2016 – 13,00 EUR | |
8,49 EUR |
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Extrait Ressac
de la mer et du temps, ressac de la vie qui se bat les flancs, ressac
de l’amour et de la solitude, de l’abandon et des retrouvailles, ressac
de la joie et de l’amertume… Que dire quand « même la vie se
défile dans le vent » ? * Tout se prend de vert. Du tendre presque jaune au foncé de gris et de bleu. Un pinceau retouche le jour. Une main repeint une vie endormie. Le printemps s’invente-t-il dans le désir de vivre ? Ou est-il cadeau à la terre en bout de sommeil ? Ou présent d’utopie coulant dans les veines jusqu’au sourire ? L’intime se pare de lumière. Je me coupe la langue pour écrire le rêve qui m’habite. * Que dire du jour qui dérive fugace dans les jambes des passantes pressées ? Quel fou furieux brasse la vie au long des rues blanches de printemps ? Les robes que les femmes portent à l’entame des beaux jours ravivent les mots engourdis. Tout perd mémoire. Et nous recousons le poème dans la nudité d’un tissu qui s’essouffle. | ||
Ce qu'ils en ont dit Claude Donnay tutoie la femme, le silence, la nature, le temps de la maturité. Ressac comporte 51 poèmes en prose qui relatent ce qu’est la vie poétique d’un homme, ouvert à la vie, à l’image de ses vers-phrases qui viennent « d’un même pays, d’une même source, d’un même ventre . Il s’agit d’énoncer la lumière, le jour « qui dérive fugace », le « temps (qui) clapote contre une coque en cale sèche », le « parfum de café (qui) réveille d’un sommeil sans faille les amants ». Une science des instants à sauver parcourt le cœur, le corps de ce poète (né en 1958), fidèle à des thèmes qui coulent de source : le fleuve proche, la femme aimée, l’érosion des jours, l’espoir d’en connaître encore, dans ce flux de prose qui est aussi symbole de fluidité, de « joie », à l’instar du « vélo (qui l’) allège », à l’aune des « attaches de la terre et les ailes battantes du ciel ». L’on sent l’énergie battante : les poèmes se suivent, s’engendrent, reflètent un tempérament apte à saisir « toute une vie en filigrane », cette « ivresse » de la liberté. Mais, sans tomber dans une langue naïve, le poète repère les failles, les coupes, les nuages gris, les hésitations. Et c’est ce qui donne son prix à cette poésie très fluide, très personnelle, axée sur le regard, la musique « d’une voix dans l’oreille », forcément partageable : La mer porte mon âme, la mer porte mon ombre dans un sac d’écume. … Le voyageur se fie à ses sandales pour trouver le chemin. … On lance des mots pour en entendre l’écho au fond du ventre. Ce livre décrit bien l’itinéraire de patience d’un écrivain discret, passé maître dans l‘énonciation de ses ferveurs, de ses craintes , et sa modeste présence : « L’homme qui sait ralentit le pas pour que la lumière touche son épaule » Philippe Leuckx, Les Belles Phrases * Je revois le fracas des vagues sur le rocher ° Pour ceux qui connaissent Claude Donnay, ils s’accorderont à dire qu’il fait partie de ces auteurs qui écrivent partout et tout le temps. Ayant une dizaine de publications à son actif, essentiellement parues aux éditions de l’Arbre à Paroles, il écrit et publie de la poésie, mais il s’adonne aussi à la composition de nouvelles et travaille actuellement à un roman. Toujours actif en tant que professeur de français à Ciney, il est également revuiste et éditeur pour Bleu d’Encre. Ce nouveau livre, Ressac, paru cette fois-ci aux éditions M.E.O., a été écrit d’une traite, en l’espace de quelques mois. Le point de départ était l’idée du mouvement, d’un va-et-vient permanent des choses dans le cours de la vie. Le ressac des vagues caractérise parfaitement cette idée, et place d’emblée la mer au coeur du l’ouvrage. Dès les premières pages, on peut y lire : La mer porte mon âme, la mer porte mon ombre dans un sac d’écume. […] La mer porte mes mots vers ton rivage d’anis et de jasmin. Nulle arme ne tue le vent. Nulle bombe n’arrête les vagues. La mer, source d’inspiration véritable, est malheureusement contrainte par le vent, les bombes, les vagues. Connecté au monde, Claude Donnay est perméable à l’actualité, marqué par les différents drames qui secouent la planète. Quelque peu désillusionné, ce monde-ci ne porte pas toujours vers le bleu tant aimé du poète. Cette couleur fait écho à la mer et au ciel, mais n’est pas forcément synonyme de gaîté : La mer n’est pas bleue, on le sait. Ni le ciel. Mais tout ce bleu habille l’été, comme les yeux même quand les larmes tapissent les murs. On y croit – ou feint d’y croire-encore. Cette certitude d’avancer et de reculer se poursuit au gré d’une cinquantaine de fragments courts en prose poétique. On ressent son besoin de solitude et l’on devine qu’il aime se retirer du monde, en créant une bulle tranquille, propice à la création et à la respiration. Dans l’écriture, il lâche totalement prise, accueille le silence, s’abandonne pour toucher au vrai, à l’essentiel. Il y creuse les thèmes de l’amour, de la mémoire, de l’oubli, du temps qui passe, des traces qu’on laisse et qui disparaissent : Les robes que les femmes portent à l’entame des beaux jours ravivent les mots engourdis. Tout perd mémoire. Et nous recousons le poème dans la nudité d’un tissu qui s’essouffle. Associée à cette notion du mouvement, on trouve la marche bien entendu, mais aussi, plus singulièrement, la pratique du vélo et le besoin de se dépenser tout en laissant, toujours, de l’espace pour penser et vivre sa poésie: Le vélo actionne mon coeur. Je pistonne des jambes et le sang afflue chargé d’amour et me maintient en vie. En équilibre entre les attaches de la terre et les ailes battantes du ciel. Mélanie GODIN, Le Carnet et les Instants °Mimy KINET, Poésie complète, Amay, L’Arbre à Paroles, 1997, p. 21. * Je lis Ressac, du poète Claude Donnay, un pays. Flux, l'écriture est ronde, suave, parfumée, amoureuse, chargée d’épices, allègre, l'homme savoure le monde, le hume, en éprouve la soie, les velours noirs. J’entends parfois la lyre éluardienne, caressante et libre. Avec des coulées savoureuses, agréables, parfumées. Le poète, - en la singularisant, en la mettant en musique, en la peignant et en la laissant percoler en lui -, communie à la beauté des choses. Recueillie, alchimisée, la beauté forme une étoile intérieure. L'intime se pare de lumière Les choses sont subtiles dans le domaine du poéte. Les liens entre elles sont ténus, ourlés d'un fil fragile : invention, désir, état du rêve, utopie, vrai. Un pinceau retouche le jour. (...) Une main repeint une vie endormie. Reflux. Le poète n'est pas dupe. A l'arrivée, au flux du train, son bouquet de désespoir n'est pas reçu. Au reflux du train, le poète n'embarque pas, il n'est pas de ce voyage. Il est autre, seul. Mais cette solitude est traversée par un regard, par la grâce de l'évocation, par la grâce alchimique de transmuer le désespoir en lueur, le réel en art. Dehors la lune arrondit son masque vénitien sur le mur clair de l'oubli. Le poète n'orchestre pas. Il ne dirige pas. Dans un grenier de toiles et de livres, revêtu de mon manteau de cendres, à cultiver une solitude lumineuse entre les parenthèses d’un temps qui lance les dés à mon insu. Mais il produit une note bleue, elle n’appartient qu’à lui, si le poète n’existe pas, cette note n’entend jamais le jour, n’atteint jamais l’oreille de personne. Le poète est un prodige infime. Le beau recueil de Claude me fait songer au dernier film de Fellini, La Vocce de la Luna, au portrait du poète Ivo Salvini que propose le cinéaste italien. C’est un genre de beau Salvini, céleste avec la lune et profond dans les voix souterraines qu’il perçoit, que le recueil de Claude Donnay donne à voir, à percevoir, à sentir, à entendre. Autre regard, autre façon d’éprouver, de produire de la lumière, d’être sensible au monde, de créer des chœurs dans les mots et les sensations, d’aimer, d’être seul, de faire silence (la poésie peut être une forme noble, élevée du silence), d’entendre des voix inouïes, de passer le monde au tamis de son âme, de sentir le mouvement (sac, ressac, bas, haut, solitude et nombre, lucidité, espérance). Autre manière d’attendre, de se souvenir, de se consumer. Avec ce petit plus, cette étincelle dans la nuit. C’est un portrait passionnant, tout en nuance, en subtilité, en élégance du poète que propose Claude Donnay. Son poème exalte cet état de lucidité hallucinée qui hante et anime la poésie. Le balancement poétique est là, physique et sonore : plainte, bercement, silence, chant, avancée, recul, sensualité, mélancolie, oscillations de l’arbre au vent, de l’oiseau au ciel, de l’être entre son rêve et sa clairvoyance, mouvement vital de l’homme attentif aux injonctions de son océan intérieur, oscillation du pont de cordes qui relie les pouls distincts du jardin secret et du verger blessé du monde. Ce Ressac est encore un chant d’amour et d’estime consacré à l’espace insulaire original, unique, de l’être posé dans les houles, les fracas ou l’huile paisible du monde et une célébration de la liberté indispensable, fût-elle douloureuse, cette liberté de créer, d’absorber et de restituer, d’inventer les instants de la vie. Claude jette, comme un filet sur quelques mètres de la mer immense, un filigrane poétique si précieux dans la chair sourde et aveugle de l’absurdité du monde. Quand je regarde dans la fenêtre, c’est toi que je vois, pas le ciel, pas le soleil, pas même l’oiseau sur la branche. Je t’écris le silence qui m’habite, une parole blanche de patience et de retenue. Je t’écris le silence d’une musique en équilibre sur le bord de mes oreilles. Elle hésite à s’envoler. L’air qui tremble dans le matin peut-il la porter ? Rien n’est impossible, chante l’oiseau sur la branche, mais la musique sait qu’elle n’est pas un oiseau, juste un silence qui se cherche des ailes. Quand je regarde dans la fenêtre, c’est toi que je vois et ces mots silencieux posés sur tes épaules comme des oiseaux ou des anges tombés du jour. Denys-Louis Colaux, blog. * Le glaneur de lueurs Cinquante textes de prose comme on l’aime, riche en images et en lignes de fuite poétiques. Court tout au long de l’ouvrage l’idée que la lumière est ce qui permet le regard. Non seulement la lumière physique, faite de photons ou de corpuscules, mais la lumière qui atteint l’essence des choses et donne sens à l’existence. Le soleil est au cœur de l’ombre. Toute une vie en filigrane qu’il nous appartient de mettre en lumière. Dans cet ordre d’idée d’une lumière vivifiante, souhaitée, recherchée, la nuit figure le temps suspendu, le rappel de la mortalité, ce qui est privé de reflets. La mer est le lieu de l’opacité, du repli et de la germination, du sommeil et du rêve. Et le corps habite un soleil nourri de tous les cris de notre âme. La mer est en communication directe avec le ciel, qu’elle reflète à sa surface : mer et ciel partagent des circuits secrets de visibilité, des espaces enchantés. Peut-on choisir sa patrie dans le chant d’un oiseau ? Le ressac, c’est aussi bien ce que la vie, la lumière donne et reprend, ce qu’il en reste en termes de traces. Dans cette cosmologie, Claude Donnay relève ce qui est animé, pourvu d’une âme et de mouvement, dans cet incessant flux et de reflux entre ce qui vient au jour puis s’en va. Il est le poète des jeux, souvent tragiques, entre le jour et la nuit, entre ténèbres et flamboiement, le recueilleur d’écume, le glaneur de lueurs, l’analyste éclairé des ombres portées. La mer porte mon âme, la mer porte mon ombre dans un sac d’écume. Le son, le toucher, les autres sens sont davantage sollicités en l’absence de lumière, pour rendre conte de ce qui est caché, replié, momentanément ombragée avant d’advenir à nouveau, de revenir sous les feux du jour ou d’un regard. Tout renaît dans le regard posé, qui lave et ressuscite. Ceci est une lecture, un chemin de lecture parmi un labyrinthe de possibles interprétations de l’ouvrage. Chacun, à lire Ressac, tracera son propre parcours, y trouvera sens, bienfaits multiples et réconfort, à n’en pas douter. On marche pour sortir du puits où on une main aveugle nous a jetés. … Et on avance (…) jusqu’à l’aube d’un regard. L'illustration de couverture est de Zoé Donnay. Éric Allard, Les Belles Phrases * Ce recueil d’une cinquantaine de vignettes nous propose un parcours agréable dans la lumière quotidienne des jours depuis l’aube où « Tout renait dans le regard posé, qui lave et ressuscite », après une nuit où « l’âme se confond avec le désir ». Les lieux et les hommes échangent leurs mots dans « un silence vivant, charnel, un appel à boire le jour qui vit », le long de la mer qui « porte mon âme », où « la mer retient mes chevilles de marin sans attaches ». En arrière-plan de cette quiétude quotidienne des jours, à plusieurs reprises le poète évoque « la mort au-delà de l’horizon », « dans les yeux d’enfants inconnus que le chant d’un oiseau distrait un instant de la peur des bombes ». « Et la mer recule, la mer avance, toujours plus bleue du ciel ». Ce modeste volume invite davantage à une réflexion sur la fragilité de la vie, sur l’injuste répartition des chances, que bien des essais abstraits. Michèle Duclos, Temporel * Dans « Ressac », Claude Donnay évoque le réel à l’état brut avec son cortège de petits miracles quotidiens et de détresse. Mais s’il prend un malin plaisir à stigmatiser la cruelle absurdité précaire de l’existence, il ne manque pas également de faire l’éloge, au détour de chaque page, de tout ce qui ne reste en vie que par fièvre. C’est ainsi que s’il reconnait la difficulté d’être dans un monde au sein duquel notre destinée nous échappe, il ne nous dit pas moins en substance, et c’est le paradoxe du recueil, qu’il n’y a de vraie joie que dans notre présence au monde, dans la saisie de tout ce qui est encore vivant, puissant, persévérant même au cœur du malheur. Porté par la houle d’une écriture aussi généreuse qu’inventive, « Ressac » est un recueil à travers lequel Claude Donnay nous invite à saisir non pas tant l’impossible que ce qui est là, à portée de main et de cœur Le soleil est au cœur de l’ombre. Toute une vie en filigrane qu’il nous appartient de mettre en lumière. Ton ombre danses sur le mur que le soleil dévore, présente dans le mouvement d’un corps invisible. Tapie dans l’absence, tu incarnes une espérance au-delà des certitudes. Et l’ombre qui abreuve le mur, c’est ton corps qu’habite un soleil nourri de tous les cris de ton âme. Pierre Schroven, Francophonie vivante * La nature est magnifiée, et prise à témoin en quelque sorte de notre humaine condition. Cette poésie est attachante, en recherche, la ville apparaît, changeante et insaisissable, l'amour l'accompagne avec ses émois et ses incertitudes. « La vie, dis-tu, est un pétale qu'on serre entre les lèvres quand la nuit se refuse à l'amour et qu'on ose à peine espérer vieillir un jour. » Bien sûr, comme dans toute poésie essentielle, c'est un questionnement sans réponse sur la condition humaine. « Ressac de la mer et du temps, ressac de l'amour qui se bat les flancs... » Le temps aussi est sans réponse. Maurice Cury, La Revue du Sens. | ||
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