Claude Donnay, enseignant, est né à Ciney en 1958. En 1999, il fonde la revue Bleu d’Encre, qui paraît deux fois l’an aux solstices, et, en 2010, Bleu d’Encre Éditions pour faire connaître les poètes qu’il aime. À ce jour, il a publié 17 recueils de poèmes et participé à plusieurs anthologies. Il écrit aussi des nouvelles, dont certaines sont parues dans les revues Sol’Air, Nouvelle Donne ou RegART. Il a reçu le prix Emma Martin pour sa nouvelle Spartacus. La route des cendres est son premier roman. | ||
LA ROUTE DES CENDRES Roman, 2017 184 pages ISBN 978-2-8070-0105-3 (livre) 978-2-8070-0106-0 (PDF) – 978-2-8070-0107-7 (ePub) 17,00 EUR Un
matin de pluie, David ferme la porte de son pavillon de banlieue et, au
lieu de prendre le RER vers le dépôt pharmaceutique où il travaille, se
met en route, son sac bouclé sur le dos. Quel lourd passé fuit-il, le regard rivé sur l’horizon ? Pourquoi lui faut-il marcher vers le Nord, avec le vent et les mots de Kerouac dans la tête, et puis surtout ces images brûlantes de Serena pour lui mordre le ventre ?… Un peu de temps, juste un peu de temps, est-ce trop demander avant que la meute se lance sur sa piste ?… | ||
10,99 EUR |
||
EXTRAIT Trois
heures qu’il marche. Le soleil s’est bien installé dans le ciel. La
route étroite serpente dans la campagne. Il ne veut pas encore lever le
pouce, arrêter une voiture et tracer vers le nord. Il n’a plus de nom, ou alors il l’a oublié depuis longtemps. Si on le questionne, il prendra l’avis du vent. Si sa bouche souffle sur son épaule gauche, il répondra : Jack ! Si son haleine crapahute sur les haies à droite, il répondra : William ! Depuis ce matin, le vent lèche le plus souvent son flanc gauche. Il se prénomme donc Jack… Jack sur la route, comme le pote Kerouac, le « vagabond céleste », pense à l’autre voyage, celui qu’il lui faudra entreprendre un jour prochain, celui que nous devons tous entreprendre. Ah, la gueule de Charon, la même que celle d’Albert, le vieux pompiste de la station du Chinois. Un visage tout en plis, une chiffonnade de chair burinée saupoudrée de poils blancs. Charon fume-t-il lui aussi des Boule d’Or ? Ou une pipe en écume au fourneau sculpté en tête de marin ? Pour un bien étrange capitaine… Jack aime l’idée de partir en barque dans la brume du petit matin. Le clapotis lancinant de la perche du Passeur… Le bruit de soie froissée de l’eau sur la coque de l’embarcation. On se laisse aller, on s’abandonne, on meurt presque avant de toucher le rivage. Ah, putain, la mort est-elle la fin du voyage ou le début de la Grande Transhumance qui ne mène nulle part qu’à elle-même ? Et Serena a-t-elle débarqué sur un rivage fleuri ? A-t-elle trouvé enfin le remède à l’angoisse qui la minait ?… Jack ferme les yeux pour éteindre la douleur à l’affût. Adossé à un arbre, il hume des parfums qui échauffent le ventre, ramènent à la vie. Dans son sac, une bouteille de Coca zéro dort enroulée dans une serviette de bain. Il n’aurait pas craché sur un bon vieux whisky vieilli en fût de chêne – ou même pas vieux du tout – mais la marche ne s’accommode pas de l’alcool. Et puis l’alcool, ça fait ressurgir les fantômes… | ||
CE QU'ILS EN ONT DIT * La
route des cendres, le premier
roman de ClaudeDonnay paraît, pour le
grand public, le 1er mars aux éditions M.E.O., une maison d'éditions
de Bruxelles. Cette route des cendres ne figure sur aucune carte et
aucun GPS ne pourra vous la renseigner. L'auteur laisse donc planer le
mystère, dès le titre. Le lecteur se demandera quelle est cette route
des cendres et la question lui servira de fil d'Ariane.Le roman, 18o pages de très bonne facture, raconte, en fait, l'histoire d'un homme qui, un matin, quitte son pavillon dans la région parisienne et prend la route avec son sac sur le dos. Il marche vers le nord, c'est tout ce qu'on sait. Au fur et à mesure qu'il avance, on apprend bribe par bribe l'histoire de Serena et… avec Serena. Il a décidé de s'appeler William-Jack, en référence aux écrivains américains de la Beat Generation, Jack Kerouac et William Burroughs, qui ont voyagé à travers les États-Unis à la fin des années 50. William-Jack donne le sentiment d'être suivi par un policier, mais on ne sait trop si c'est le cas ou si cela se passe dans sa tête seulement. Il fait différentes rencontres sur la route. Ce n'est qu'à la fin que le lecteur comprendra la raison de ce road movie. Michel MOTTE, L’Avenir. | ||
* Le
premier roman de Claude Donnay (1958) – auteur par ailleurs d’une
quinzaine de livres de poèmes – s’apparente à un road movie qui doit
beaucoup à la « route » de Kerouac et à la littérature
d’errance de la beat generation.Le personnage central, David, décidé, dès qu’il prend la route, à s’appeler William Jack, entreprend de rejoindre le Nord, prêt à tout quitter, chargé de son sac à dos. De France à la Hollande, le vagabond marche, fait du stop, se donne quelques rencontres, et tout en voyageant, rappelle le souvenir de Serena, qu’il a aimée, qui l’a trompé avec Jasper, et dont le lecteur connaîtra le vrai destin. Cette femme était malade, souffrait d’anorexie et David a décidé de se séparer d’elle. Le roman – qui cite souvent ses références, London, Kerouac, Burroughs, propose un parcours atypique, saisi psychologiquement dans toutes ses nuances. L’antihéros est en quête de lui-même, de sa vie, et en même temps responsable d’une mission qu’il se doit de réussir. Les paysages et les êtres défilent, les scènes se densifient, et la rencontre sur une péniche d’un couple homosexuel de mariniers est une amorce d’apaisement, tout au bout de l’errance. Donnay donne poids et vérité à son personnage – qui se croit poursuivi par un inspecteur, Tavianucci, - sorte de réincarnation d’un vagabond céleste, sans attaches, rompant les amarres. Premier roman, bien écrit, bien observé, au rythme subtil de scènes passées et présentes. La construction en quarante-trois chapitres, alternant les scènes avec Serena et celles de l’errance, offre suffisamment de légèreté pour ménager au lecteur quelques surprises, qui ne soient pas uniquement d’ordre policier. On retrouve, avec intérêt, les thèmes que Donnay poète traite : celui de la nature, de la passion amoureuse , de la quête personnelle. Une belle réussite. Philippe LEUCKX, AREAW. | ||
*
À bientôt
quarante ans, David Guesdon franchit la barrière de bois de son
domicile sans se retourner. Mais, contrairement aux autres jours, il ne
se rend pas à la gare de Bobigny pour aller au boulot ;
il enjambe les rails pour se diriger vers la Nationale et faire du
stop. Que fuit David qui prend comme avatar William Jack, formé
des prénoms des écrivains emblématiques de la Beat generation? Et
qu’emporte-t-il dans son sac qui lui casse le dos ?
En se dirigeant vers le Nord, un peu à la façon du McCandless d’Into the wild (vers le blanc, le froid, l’effacement, le recouvrement du passé ?) à pied, en voiture et même en péniche, jusqu’aux Pays Bas en traversant la Belgique, il va faire des rencontres remarquables (surtout des femmes, ces « inconnues au regard qui encensent ta journée ») qui seront autant de stations dans sa fuite en avant et sa marche du souvenir. Car il se remémore Séréna, la femme qu’il a laissée et sans doute assassinée après cinq ans de vie commune, en des fragments qui composent un portrait attachant d’une femme insaisissable qui se sentait mal aimée. En la racontant, il dévoile aussi bien des pans de son enfance auprès d’une mère qui lui a toujours préféré son frère et l’a programmé à devenir un handicapé du cœur, un fuyard de ses propres sentiments... Autant William Jack est avide de moments de vive émotion sensorielle « où l’on se sent vraiment vivant », autant on le sent incapable de se donner entièrement et exclusivement à un être, délaissant en permanence le sujet de son affection pour une quête impossible, préférant la perfection du rêve à l’imparfait du réel. David Guesdon possède une mentalité de voyeur même si celle-ci n’exclut pas des plongées dans la pure sensualité mais des immersions ponctuelles qui ne modifient pas en profondeur sa structure mentale et affective. « William Jack ne s’aime pas, mais le plus grave, il le sait maintenant, c’est qu’il ne peut aimer vraiment. Cette faille, ce vertige, ce vide qui sourd de lui, Séréna l’a perçu avec sa sensibilité de femme rompue à toutes les fragilités, à toutes les délicatesses. » Plus loin, on lit que « Séréna en avait pris conscience très tôt et ce que William Jack prenait pour une froideur de son être n’était qu’une protection contre le sentiment que William Jack ne pourrait véritablement l’aimer. » Jan et Dries, un couple de Hollandais qui l’embarquent sur leur péniche descendant vers Rotterdam, représentent pour l’homme rompu, le vagabond céleste qu’est David/William, le couple rêvé, rassurant, qui respire la complicité amoureuse. Un roman juste et beau (à l’image du titre et du final) écrit dans une langue fluide qui fait le partage entre le récit et des moments de pure poésie. Le genre du road-trip, parfaitement maîtrisé, est le prétexte à relater une cavale, reflet d'une fuite intérieure, mais aussi à raconter un amour impossible et qui puise dans la conscience de cette impossibilité sa grandeur. La route des cendres est aussi bien (parmi d’autres interprétations) un roman sur la lumière qui éblouit sans nourrir et l’attente de l’ombre, sur l’impossible enracinement et la vanité du voyage, sur la difficulté à vivre ici et maintenant en regard du bleu rêvé du ciel et de l’amour des femmes… Éric ALLARD, blog "Les Belles Phrases" |
||
*
Partir
et tout quitter. Voilà le choix que David vient de poser en refusant
d’emprunter le R.E.R. et en allant à l’aventure avec son sac à dos.
Est-il en train de fuir un passé qui le tenaille ou un danger encore
plus pressant ? Il marche à travers une nature sauvage, le regard tendu
vers l’horizon. Quel lourd secret porte-t-il en lui ? Un noeud épais
comme un poing l’empêche de respirer et de vivre pleinement. Le temps
se roule en boule tel un chat ou un serpent qui se mord la queue. Son
ventre est serré et son esprit ne cesse de songer à Selena, un visage
qui surgit incessamment alors qu’il aimerait le rayer.
Claude Donnay vit aujourd’hui à Dinant et est féru de poésie. Créateur des éditions Bleu d’Encre, il a à ce jour rédigé dix-sept recueils de poèmes et a participé à de nombreuses anthologies. En abordant l’univers du roman, il change de registre et aborde un récit sur la longueur, permettant aux idées de se développer amplement et de décrire le mental du protagoniste, lui-même nourri de beaux textes littéraires. Evidemment, un roman écrit par un poète se singularise par une écriture peufinée et des images volontairement métaphoriques. Quête de soi, recherche de valeurs loin du ronron, reprise de son existence qu’on refuse de laisser moisir sous un meuble et bouillonnement interne, voilà les boussoles qui permettent de se mettre en mouvement ! Daniel BASTIÉ, Bruxelles Culture. | ||
*
William Jack est sur la route avec une urne de cendres dans ses bagages.
David Guesdon se met en route vers le Nord. Une fuite pour réaliser son destin. Sa vie vient de basculer. Serena, l'amour de sa vie, vient de mourir. Une mort pas naturelle. Leur vie n'a pu s'épanouir. Elle s'est fânée peu à peu ; anorexie d'un côté, jalousie d'un autre. David Guesdon se métamorphose en William Jack, au fil des jours de sa cavale. Sur le chemin, de nouvelles rencontres échelonnent le quotidien mais aussi le souvenir d'une vie où le bonheur ne s'écrit pas à chaque page. Claude Donnay a la plume poétique. Cela se ressent dans son écriture romanesque, au plus grand plaisir du lecteur. Cet écrivain est sublime dans ses descriptions de la nature. Il la ressent viscéralement et la transmet en des termes imagés qui épanouissent le lecteur. Didier D'HALLUIN, Babelio. | ||
*
Petite fugue funéraire
Il est des récits qui vous embarquent sans précaution inutile, sans que soit mis le contexte et le décor planté. Et ce n’est pas plus mal car nous apprenons le nécessaire en route. Au petit matin, David s’apprête à quitter sa maison de la banlieue de Paris et avec son départ s’ouvre le récit. Il prend le chemin de la gare comme il le fait chaque jour, pour rejoindre son travail. Sauf que cette fois, il ne s’y arrête pas. Il tient la direction du Nord, comme on prend la tangente, animé d’une force que rien n’arrête. La marche lui est bienfaisante, elle vient à point pour libérer son esprit, pour lui permettre de se vider de son passé, de se retrouver face à lui-même. En lui emboîtant le pas, nous saurons peu à peu ce qui a mis cet homme en mouvement, les raisons de sa fuite, les menaces qui pèsent désormais sur lui, la promesse qu’il veut accomplir. Très vite, à mesure que les kilomètres défilent, une figure s’impose au doux nom de Serena, sa compagne. D’elle, nous saurons la sensualité et son plaisir de vivre avant que s’amoncellent les nuages, qu’elle s’amourache de cet enfoiré de voisin, qu’elle vive une passion torride avec lui et que l’envie de manger la quitte, jusqu’à ce qu’elle ne soit plus que l’ombre d’elle-même. David nous dira sa douleur vive avant de nous livrer la lourde vérité. Entretemps, il nous entretiendra de Kerouac auquel le mouvement de la marche le relie et surtout de ses rencontres au fil du chemin. Le marcheur solitaire occupe un poste d’observation idéal des mœurs humaine : il est tantôt malmené, tantôt accueilli, et au mieux câliné par celles qu’il croise et qui parfois lui offrent le gîte. Au terme de son périple et de ses aveux, seul face à la mer d’une île hollandaise, il est prêt à assumer sa promesse, puis à reprendre pied dans sa propre vie et à régler ses comptes avec les lois des hommes. Ce récit bien rythmé et intense est l’œuvre d’un auteur familier du monde de la poésie, art dans lequel il est actif depuis plus de vingt ans et au sein duquel son savoir-faire est reconnu. Après quelques nouvelles remarquées, il a fait le grand saut vers le roman, fort de sa maîtrise évidente de l’écriture. Il en résulte une œuvre riche en images et à la dense musicalité, qualités qui finissent de conférer une intensité digne non dénuée de charme à la confession d’un homme meurtri. Thierry DETIENNE, Le Carnet et les Instants | ||
*
Le
jour où David se met en route, vers le nord, il devient William Jack,
associant Burroughs et Kerouac à son errance. Celle-ci n'est pas tout
à fait sans but, sa fuite est aussi un hommage à Serena, la femme qu'il
aimait et qui le trompait. Tout s'expliquera : la culpabilité, les
désirs inassouvis, la direction d'un voyage commencé à pied et
poursuivi par différents moyens de transport. Le vagabond a une âme,
et elle est belle.
P.My, LE SOIR | ||
*
Claude Donnay a une vraiment belle plume , mêlant réalisme , envolées lyriques , et un brin d'érotisme.
David part sans se retourner afin de mener une quête personnelle et faire face à ses démons.Sa relation avec Serena n'a pas été un long fleuve tranquille , elle qui souffrait d'anorexie et préférait ses projections éthérées à l'ancrage d'un quotidien. Elle n'est plus... Et sur toute cette route , on se demande s'il l'a réellement aidée à voler vers le néant , ou si c'est une image. Babelio Une aventure, plusieurs thématiques abordées... je dois dire que ce premier roman est, au niveau de l'écriture, un vrai régal. . Babelio *
Superbe photo de couverture, qui m'inspire de
prime abord un long chemin chaotique ! Cette flaque ? Peut-être le
pseudo néant vers lequel se dirige le protagoniste de l'histoire... Le style littéraire est très particulier, je n'ai pas l'habitude de ce style, concis, rapide, très imagé et empli de poésie. Les chapitres sont très très courts (deux ou trois pages maximum), la lecture est d'abord surprenante, j'ai eu besoin de calme pour entrer dans le livre, besoin de l'apprivoiser je crois aussi ! David fuit un matin comme les autres, il emprunte un chemin comme les autres, il emprunte un pseudonyme qu'il a du mal à choisir ! William ? Pour Burroughs, écrivain aux romans hallucinés ou Jack ? Pour Kerouac, maître de la beat generation et instigateur des roads movies littéraires entre autres ! Il choisira William Jack finalement, pour ne froisser personne peut être ? Il part donc sur les routes vers le Nord, le froid, comme pour anesthésier ses tourments passés et sa vie d'avant. Il fait de nombreuses rencontres, féminines la plupart du temps, comme si ces rencontres lui permettaient de se souvenir de Serena, sa femme, qu'il a laissée derrière lui dans une bien mauvaise posture... Trompée, délaissée, Seule ou Trépassée ? Ne comptez pas sur moi pour vous le dire ! Les chapitres s'égrainent et je vais de découvertes en rencontre, je monte avec lui dans la péniche de ce couple de néerlandais qui l'aide dans sa quête. Une quête qui se terminera comme un feu d'artifice, comme un accomplissement insoupçonné du début à la fin du roman. Une surprise si bien amenée que je m'attendais à tout sauf à ça... Finalement dans ce livre, il existe un savant mélange d'amour, de promesses, d'amitié, mais aussi de difficultés à dévoiler ses sentiments, de peur aussi mais rien qui ne pourra le faire dévier de son objectif que l'on ne découvre vraiment que sur le tout dernier chapitre. Un roman haletant, William Jack, on l'aime et on le déteste, on se dit aussi qu'il n'a pas eu beaucoup de chance, que son "coeur" ne sait pas aimer ou mal aimer peut être. Le feu d'artifice final est une preuve d'amour extrême qui a fait se mouiller mes yeux ! Un roman surprenant par son écriture et son déroulé qui finalement m'a emporté dans cette folie qui se termine ici, c'est tout ce que je peux vous dire. Les gazouillis de Nathalie *
La longue marche de William JackClaude Donnay signe ici son premier roman. Haletant, plein de rebondissements inattendus, chargé de « vraies » découvertes, durement conquises et ouvertes aux sens comme un fruit défendu. William Jack prend la route avec rage, affranchi d’une existence blessée qui va donner sens à un parcours dont les haltes sont gorgées de saveurs, de violence et de sensualité : « Il a franchi la barrière de bois au bleu écaillé – il ne se rappelait pas l’avoir jamais repeinte – et il a saisi la bête par les cornes, pour ne pas se retourner et voir les larmes sur les fenêtres, ne pas entendre la souffrance sourdre des murs rougis de vigne. » Il s’agit bel et bien d’une fuite en avant, et la détermination avec laquelle William Jack avale les kilomètres qui l’éloignent de son passé en dit long sur la rigueur et la fermeté de sa cavale. On comprend bien vite que l’obstinato repetuum ne doit sa course qu’à sa seule réalité et que le marcheur obstiné n’attendra rien d’autre de ses haltes que l’écho de la violence et de la sensualité d’antan. Entre deux arrêts sur image, le profil d’une femme, Serena, victime et coupable à la fois, dont la disparition infère, sans aucun doute, la culpabilité de William Jack. Mais le propos reste volontairement évasif, comme si le cours initiatique de la marche forcée restait à découvrir… Le récit s’attache moins à une simple cavale qu’aux chicanes d’une vie contrariée. Entre le Paris-Texas de Wim Wenders et le Nord Michigan de Jim Harrison, on pourrait situer l’imagerie et le script d’un thriller américain. Mais Claude Donnay élude le propos en réservant à la poésie une place de choix. Certes, son personnage « aurait pu être le Baudelaire du quartier résidentiel », mais son créateur entend garder la maîtrise de ses effets : « Quand je serai grand, pense William Jack, je brûlerai ma vie comme une phalène affolée à la lampe posée sur la table du jardin au cœur de la nuit d’été, lorsque l’odeur des prés se fait si prégnante qu’on voudrait mourir ou se rouler dans les draps du plaisir avec cette femme dont les yeux n’ont cessé de chanter toute la soirée. » ; ou encore : « La vie est une boule de glace qui fond lentement au soleil. Serena est une boule de glace. » ; ou encore : « La dame aux cheveux gris s’éclaire comme une lampe vénitienne. » William Jack ne peut vivre hors de la beauté ; Claude Donnay non plus. Et tout en s’en remettant à la valeur des mots, le personnage entend changer de statut. Fugitif certes, mais remué par quelques chatoyantes images de femmes témoins, comme des lampes qui éclairent le douloureux maquis : « Je suis fou, pense-t-il, ou alors cassé de l’intérieur… Des mots qui ne signifient rien, mais les mots souvent sont les seuls à apaiser quelque peu la souffrance… Les mots qui ne tuent pas résistent. » La chute sera à la hauteur du reste : incandescente, terrible et pathétique. Premier roman abouti, La route des cendres laisse au lecteur l’inconfort d’une véritable complicité. Et, en même temps, la caresse d’une réelle fluidité de langue… N’est-ce pas le secret d’une relation durable avec un auteur ? Michel JOIRET, Le Non-Dit. *
Livre au titre poétique et mystérieux dont on ne peut décrypter le sens avant de l’avoir lu jusqu’au bout. Une première piste s’offre à nous dans les mots (pp 11) de l’auteur sur son personnage, David Guesdon qui décide de s’appeler William Jack : « Il fuit pour ne pas croupir entre les murs qu’il s’est bâtis à force de grisaille ». Au fur et à mesure de la lecture on tente de deviner, on se dit : les hommes sont tous restés nomades. Dès qu’une prise de conscience les saisit ils ont déjà la main sur le bouton de la porte. C’est un livre que toutes les femmes devraient lire. Il leur rappelle que même les poètes s’en vont, qu’ils aiment sentir la terre rouler sous leurs pieds, droit vers l’horizon alors qu’elles cherchent un arbre en guise de toit, repoussent les cailloux pour se faire une place où s’asseoir et puis seulement après regarder l’horizon. Car les femmes ne partent pas, surtout pas la sienne, Serena, malgré « Une allergie… à l’immobilité de cette vie dans laquelle elle patauge sans passion ». Serena ne vole pas non plus, alors que Jack, déjà enfant, voulait suivre son cerf-volant dans le ciel. Elle ne mange pas non plus, elle se contente de se faire manger des yeux par les hommes. Alors que Jack, lui, sait, il l’a découvert à ses dépens : « la liberté commence par la solitude. Nulle remise en question possible si une présence humaine vous amarre au quai ». Mais lentement surgit d’entre les lignes une autre explication. Jack est en fuite, Jack est suivi, croit-il, espère-t-il. Par un renifleur. Un policier. Tavianucci. Est-ce un compagnon qu’il s’est créé ? Pour avoir à ses côtés un humain et pas seulement la pluie, l’horizon, le chemin sous ses pas ? Claude Donnay distille en poète les informations sur ce mystère. Il nous fait traverser des champs, des routes, la pluie, l’automne, la France puis la Belgique et les souvenirs s’invitent. Car, tandis que Jack poursuit son errance vers le Nord, il avance pareillement en lui-même de remord en lucidité, de désespoir en acceptation, laissant derrière lui un passé de raté, lavant sa blessure aux pluies d’automne, défaisant les défaites qui l’entravent, à commencer par le rejet de sa mère. Puis Serena, sa femme. « Il marche pour expier encore et encore une vie qui a dérapé » Mais franchement, quel est cet acte abominable que Jack fuit ainsi ? Puisqu’il sait que « la route ne mène nulle part qu’à elle-même. » Car progressivement la marche devient souffrance « on ne s’habitue pas à la pluie. On supporte sa compagnie importune, le cou tassé dans les épaules, et on allonge le pas encore et encore » « la souffrance du marcheur dans sa peau, sa nuque, son cou. » Le hasard met sur la route du fugitif quelques hommes : un routier raciste, un conducteur de poids lourds accueillant, un fumeur de cigare à la main baladeuse, un couple d’homosexuels au bonheur plus éclatant que le soleil, mais aussi quelques femmes, Dolly à la poitrine généreuse, Sabine patronne de café, Hettie la rouquine accueillante, Jeanne la taxiwoman, Ida la fouineuse de poubelles et le petit chaperon bleu qui raconte ses peines à un érable. Tous sont des solitaires comme lui. Les solitaires sont-ils donc condamnés à ne rencontrer que des solitaires ? À dire vrai, Jack William n’est jamais seul, à ses côtés chemine la poésie, de page en page, de feuille en feuille puisque c’est l’automne dont elle tourne les feuilles en observant Jack abattre les kilomètres. La poésie est partout, dans sa tête comme sous ses pas qu’elle éclaire de sa beauté « avec des mots coupants comme des rasoirs », le long de « la route couturée de réverbères », ou encore sur « une plage de l’Atlantique bordé de dunes hirsutes », et aussi dans « le regarde avec son air buté, son air de falaise abrupte », ajoutons encore « La route lève des questions serrées comme des maïs au seuil de l’automne », et « L’amour dort dans son ventre au nord de son sexe brûlant » sans oublier qu’« ils s’aiment à en éblouir les étoiles ». Et au bout, quoi ? Que nous raconte Claude Donnay ? Carpe diem ! La vieille leçon, la grande leçon de toujours, quel que soit le récit de vie, banal comme celle d’un homme qui a tout perdu ou fécond comme celle du Français Macron : « Prend tout ce qui passe à ta portée, ne gaspille rien, ni l’appel de l’arbre dans le soleil, ni les confidences d’une rivière entre les galets, ni le regard d’une inconnue qui encense ta journée, rien, n’oublie rien de ce que tu vois et entends, enjoy, la vie est là et il t’appartient d’y jouer ta propre musique ». Isabelle Bielecki, blog. *
Le récit s’ouvre sur un premier chapitre énigmatique. On assiste au départ de David, à l’allure de Kérouac, sac au dos, mais on ignore sa destination et le contenu du sac qui a l’air précieux. Pourquoi tant de douleur, de larmes lors de cet arrachement qui semble définitif ? En parallèle, on fait connaissance avec Serena dont on ne déduit pas de suite le lien qui a pu exister entre eux. Serena, étrange « femme oiseau ». Claude Donnay retrace en parallèle deux destins. L’un au présent se déroule sous nos yeux, l’autre se réfère au passé. Des mots retiennent l’attention : « sacrifice ». Besoin de liberté ? Fuite ? Pourquoi semble-t-il à l’affût des infos à la radio ? Qu’a-t-il à craindre ? Nous voilà embarqués avec le narrateur, qui, depuis, a changé de nom, pris en charge par le routier Dumbo, « le nazi », qu’il préfère quitter dès la première halte. Cet homme, en cavale, William Jack, serait-il « un loup dangereux », plus qu’« un monstre en gestation » ? Peu de précisions géographiques, toutefois on le retrouve à Rethel, il est déposé à Charleville, son but est de passer la frontière, de rejoindre la Belgique. Des indices commencent à éveiller notre attention. Quelle peut être cette « affaire » à laquelle il fait allusion ? Cette dette à payer ? Mystère complet ! Voilà le mot « meurtre » lâché. Le suspense grandit. Des femmes jalonnent le récit : comme dans « On the road », l’amour, le sexe sont omniprésents. L’auteur décline une variation autour du verbe aimer. Il y a eu Sarah, « la Walkyrie teutonne » dont Serena découvre l’existence. Le « voyageur qui ne va nulle part », avec un sac à dos qui porte son passé, croise la route de nombreuses femmes. Celle du Blue Moon, la patronne d’un café, « oasis, un lieu où on parle des heures ». Puis Hettie, qui l’héberge une nuit à Charleville avant de reprendre la route. Il tombe ensuite sur Ida Tremblay, dans une « impasse étroite » qui cherche sa nourriture dans un conteneur, à la nuit tombante. Ils font un bout de chemin ensemble, se comprennent, partagent un repas, une soirée télé. Ce moment cadeau du ciel pour Ida lui permet de s’épancher, d’autant qu’Ida sait « décoder les âmes en détresse ». Sous la bénédiction de François d’Assise, qui « pourvoit au nécessaire de chaque jour », le fuyard va continuer sa progression vers le Nord, pris en charge par un camion de déménagement. C’est en reprenant la marche le long du canal qu’il avise une péniche hollandaise, descendant vers Rotterdam. Invité par le couple de mariniers à partager d’abord un café puis leur quotidien à bord, il « kiffe grave » cette vie. William Jack se sent hors de portée de ce limier à ses trousses. Pourtant il quitte à regret ses hôtes, unis par un amour exemplaire, aux environs de Molenstraat. Sa fuite en avant vers le Grand Nord, « vers le linceul blanc » dont Serena rêvait, est ponctuée d’arrêts, au hasard des rencontres, scandée par « DieuAllahYahvé » quand la chance lui sourit. Lors d’une halte dans un bistrot, la serveuse lui sert de GPS, ainsi le lecteur peut le géolocaliser : Boom, en direction d’Antwerpen. On subodore que William Jack n’a pas l’esprit tranquille pour compulser les gros titres du journal néerlandais. Les quelques nuits dans « un tunnel de béton », au froid, épuisent le marcheur. Des moments de découragement, de remords, l’assaillent, lorsqu’il prend conscience qu’il « n’a plus rien ». Va-t-il se laisser rattraper par le « renifleur » ? Le lecteur est dans l’expectative. Sa rencontre avec « le chaperon bleu » a quelque chose d’irréel. Que signifient ces messages dissimulés sous des cailloux ? Pourquoi une telle déférence envers les arbres ? Alors on pense au récit de Sylvain Tesson : Sur les chemins noirs, qui lui aussi connaît les secrets des arbres et le bienfait de la marche. Au bout de deux semaines d’errance, William Jack se résout enfin à gagner son but, après avoir été victime d’une agression, le voici perclus de douleurs. Par bribes, le passé sentimental du protagoniste est dévoilé, la trahison. On plonge dans ses pensées et on devine un esprit « cassé de l’intérieur ». Ce qui le taraude ? Le poids de la culpabilité concernant la mort de Serena. Le lecteur connaît maintenant la nature de l’objet qui ne quitte pas son sac. Serena nous apparaît à travers celui qui, en cavale, cherche à s’affranchir de son visage qui le hante. Le narrateur fait état de sa crise d’anorexie, sa liaison avec un gourou qui a tout fait basculer. Ce voyage n’est-il pas destiné à expier une faute ? Le roman se clôt sur un paysage maritime pittoresque, puis sur un tableau céleste touchant. Ce ballet de mouettes décrivant des arabesques, écrivant « comme un prénom » laisse le héros rasséréné. Le geste accompli renvoie au titre du roman. La ritournelle de Sylvain Tesson « Le passé m’oblige, le présent me guérit, je me fous de l’avenir » résumerait de façon idoine le parcours de David, alias William Jack. La plume de Claude Donnay poète se retrouve, souvent en début de chapitre : « L’aube dégouline des arbres » ou dans ses références : le Carpe diem, « enjoy » du professeur Keating, dans « Le cercle des poètes disparus ». Ses comparaisons sont souvent inattendues : « Le temps se roule en boule comme un chat endormi sous le poêle » ou « des rides profondes comme des ruisseaux au sec en été ». Claude Donnay signe un road book, nourri de rencontres, dont le titre s’éclaire sur la fin de cette course « funeste ». Premier roman troublant à souhait… © Nadine Doyen, Revue Traversées | ||
Retour au catalogue |