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Après une enfance africaine,
Liliane Schraûwen
a fait des études de lettres qui l’ont menée à l’enseignement et à l’écriture.
Elle est l’auteur de plusieurs romans et recueils de nouvelles publiés en France et en Belgique, ainsi que d’une enquête historique sur la mort mystérieuse du pape Jean-Paul Ier et d’un ouvrage consacré aux Grandes Affaires criminelles de Belgique, qui a connu un net succès.
Elle a également été directrice de collection aux éditions Marabout. Nègre et rewriter à l’occasion, elle s’occupe de coaching littéraire.
Elle a obtenu le Prix littéraire du Parlement de la Fédération Walonie-Bruxelles et le Prix Emma Martin.

Liliane Schraûwen

Ailleurs
Tablau de couverture :
© Charles Mutanganwa

AILLEURS

Nouvelles, 2015
En couverture : un tableau du peintre Charles Mutanganwa.
152 pages.
ISBN: 978-2-8070-0028-5
16 EUR


Ailleurs. De l’autre côté du miroir. Au-delà du temps, entre cauchemar et réalité, entre fantasme et folie. Là où tout est possible, aux frontières des certitudes. Au creux d’une grotte profonde ou d’une pyramide antique. Au seuil du mystère, en un lieu où la mort peut-être n’existe pas. Sous un ciel qui invite à l’envol. Les statues s’animent, les esprits délivrent aux vivants d’étranges messages, comme dans la nouvelle titre, inspirée d'une œuvre du peintre Charles Mutanganwa. C’est là, au cœur d’un rêve de peintre ou de poète, aux sources mêmes de l’imaginaire, que nous entraînent ces nouvelles aux couleurs fantastiques où pointe, par endroits, une angoisse indéfinissable.



e-book
10,99 EUR




Extrait


Quand le battant s’est ouvert dans un léger grincement, j’ai hésité.
Devant moi, il y avait cette porte en bois sombre, du chêne peut-être, je ne sais pas, je n’y connais pas grand-chose en ébénisterie. En tout cas, c’était un bois compact, massif, rugueux. Et la porte était immense. Beaucoup plus grande qu’une porte normale. J’avais l’impression d’être minuscule, perdue dans un univers trop vaste pour moi. Un peu comme Alice au Pays des Merveilles, je me souviens de ces images vues dans un livre quand j’étais enfant. Une toute petite fille devant des objets gigantesques. Ou le Petit Poucet. Ou la fée Clochette dans le film de Walt Disney. Les contes sont remplis de ces personnages fourvoyés dans un monde qui n’est pas à leur mesure. Quoi qu’il en soit, cette porte était trop grande pour moi, ou bien c’est moi qui étais trop petite.
À vrai dire, elle ne s’est pas vraiment ouverte. Tout juste entrebâillée. Je me souviens que j’ai pensé Je n’arriverai jamais à la pousser pour entrer. Elle est certainement trop lourde.
Je ne sais plus trop ce que je faisais là. Ni pourquoi j’avais besoin d’entrer… D’entrer ? Le mot est mal choisi. On entre dans une maison, dans une chambre, dans un lieu clos de murs. Si la porte est fermée, on n’entre pas, on reste à l’extérieur, on attend. Étais-je à l’extérieur, devant cette porte entrouverte ? À l’extérieur de quoi ? Et les murs, où donc étaient-ils ?




Ce qu'ils en ont dit


Ailleurs est le titre d’une des nouvelles de ce recueil. C’est aussi "ailleurs" que les nouvelles se passent : des lieux différents, du spatiotemporel surréaliste.
Liliane Schraûwen, enseignante, a écrit des romans et nouvelles. On retrouve ses chroniques dans divers journaux et revues. Belge née à Etterbeek, elle a passé son enfance au Congo belge. On y retrouve des traces dans ce présent recueil de nouvelles ainsi que celles de l’Academia Belgica à Rome où elle a résidé.
Quelques faits anodins sont le départ de toute une nouvelle. Le lecteur pénètre dans un univers qui dépasse son esprit cartésien. Toutefois, un esprit profondément humain se dégage de la plume de l’auteure. L’Afrique et son séjour à Rome illuminent les pages décrites avec beaucoup de précision. Des événements paranormaux désarçonnent agréablement le lecteur. Avec ces nouvelles, on appréhende délicieusement le surnaturel.
Une écriture élégante permet de suivre l’inspiration de l’auteure qui n’a pas peur de s’engager sur des chemins que l’on n’a pas souvent l’opportunité de suivre. Une grande limpidité permet au lecteur de vagabonder dans le surréel en partant de l’anodin qu’il nous sert en début de chaque nouvelle et qu’il enrichit au fil des pages.

Didier D’HALLUIN, critiqueslibres.com.



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D'un premier abord, cet ouvrage serait une invitation à un voyage dans l'imaginaire d'un auteur, aux confins d'un conte aux faux airs d'Alice au Pays des Merveilles. C'est d'ailleurs sur cet exemple que s'appuie le premier chapitre, lequel nous fait dériver, non sans un certain plaisir, dans un univers inconnu, sans nom et avec ce minimum de description qui accentue l'aura de mystère du décor. Grâce une narration interne, on vagabonde de questionnements en questionnements, d'ignorance en doute, d'incertitudes en embryon de folie… Où sommes-nous ? Que fais-je réellement ? Il y a-t-il un début et une fin à tout cela ? le temps est-il arrêté ?... Des questions aux allures philosophiques qui pleuvent à flot. Il y a de quoi en perdre son latin. Et pourtant… Liliane Schraûwen a ce don d'exprimer simplement des pensées intellectuelles et de dénoncer les incohérences et les injustices de ce monde avec un parfait aplomb. En toute circonstance, elle garde à l'esprit la présence de son lecteur et l'accompagne dans une sorte de voyage initiatique qui débute une fois le pas de la porte de notre conscience, de l'imaginaire et de la rationalité franchit. Maniant parfaitement le genre fantastique, à la manière d'un Guy de Maupassant, Liliane Schraûwen s'applique à créer des histoires ancrées dans la réalité mais relevées d'une pointe d'étrange, de mystère voire d'angoisse.
(…) Courtes histoires moralisatrices et dénonciatrices. Moralisatrices, elles le sont par les fins parfois tragiques des personnages, bien que non dénuées de magie et de beauté. Dénonciatrices, elles le sont par la portée philosophique, sociale et politique de leur discours. Ce dernier aspect est particulièrement omniprésent dans la nouvelle « La Conférence », où une dame âgée prend la parole sous le patronyme de Carla Marxi (petite exagération caricaturale qui ne doit rien au hasard) en décriant avec lucidité et un calme maîtrisé les erreurs de la société et revoit alors la notion de « travail ». Mais son discours est aussi une exhortation à la révolte face à cette volonté quelque peu abrupte de vouloir « changer le monde ». Un monde meilleur, c'est bien ce que recherche Liliane Schraûwen au travers de ses nouvelles. Un monde où l'harmonie serait maîtresse, où la magie de l'instant présent se révèlerait aux yeux de chacun, où le bonheur éphémère éclipserait les peurs (…)  Les situations sont toujours poétiquement décrites et les personnages savants, avec un brin de folie (…)
Parmi les quinze nouvelles, deux sont particulièrement mémorables (…) Il s'agit pour la première de l'envoûtant « L'Envol », une réécrite magique du conte de Peter Pan, mais destinée cette fois-ci à un public mature et averti. On plonge corps et âme dans une histoire charmante, un brin irréelle, où une femme tente de retrouver avec ferveur ce monde magique qu'elle a quitté une fois l'âge de l'enfance dépassé. Sa quête est celle alors d'une adulte confrontée à la dure réalité de la vie, nostalgique de l'insouciance enfantine qui rend le plaisir simple et le bonheur facile. Les phrases sont alors de petites envolées qui incitent à la liberté et, pour un court moment, notre esprit s'échappe au gré des fluctuations littéraires. A l'inverse, la nouvelle « Ailleurs », la plus longue du recueil et éponyme à celui-ci, est un mystère à elle  seule. (…) Cette nouvelle est à mettre en relation avec l'œuvre picturale qui orne la couverture du recueil et en parallèle de laquelle la nouvelle fut rédigée : un tableau de Charles Mutanganwa, peintre à l'inspiration contemporaine. En réalité, la nouvelle et le tableau ne peuvent exister l'un sans l'autre et sont parfaitement complémentaires, l'un étant l'image de l'autre et ce-dernier étant le son de ce premier. (…) Liliane Schraûwen s'immerge au cœur du tableau et peint à l'aide de mots et d'expressions ce que le peintre s'emploie à créer avec ses pinceaux. Les sensations sont mises en éveil et c'est une fresque de moka, de terre de sienne et de rouille qui prend vie sous nos yeux ébahis. Des formes à l'expression humaines naissent, se meuvent dans un océan de confusion, roulent sous une matière indescriptible pour se confondre avec leur milieu. À l'image d'une certaine grenouille, un corps de femme émerge, s'enfle, s'étire et se travaille pour finir par se dissoudre dans une palette de teintes brunes. La rage enflammée du peintre est décuplée par le style haletant de l'auteur qui saisit le moindre coup de crayon, le moindre geste fiévreux de pinceau, la moindre expression rageuse, le moindre mouvement de la gouache délayée qui transpire. C'est beau, c'est irréel et narcotique (…)
En définitive, cet ouvrage est à l'image de ces deux nouvelles : tantôt un petit bijou fantastique, tantôt une épreuve métaphysique et brumeuse. Tantôt on frissonne par le vent de magie qui émane de l'ambiance créée, tantôt on s'égare dans des méandres de réflexions immatérielles. À déguster donc, voire à dévorer pour certains passages (…)

Escapist, Babelio



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Voilà une vraie nouvelliste, qui sait piquer la curiosité du lecteur dès la première ligne et ménager le suspense jusqu’à un dénouement souvent surprenant. Et qui réussit à rendre crédible le fantastique ailleurs où elle nous plonge. D’une plume incisive et précise, elle nous peint à petites touches pittoresques des ambiances plutôt oppressantes, mais pas seulement, comme un peintre cerne petit à petit son sujet jusqu’à l’impression finale du tableau terminé. Tableau étrange, en vérité, à mi-chemin entre rêve et cauchemar, entre fantasme et réalité, voyage au pays de l’imaginaire. Derrière la porte, première nouvelle du livre, ouvre sur un monde inquiétant, où tout peut arriver.
 Mais ce fantastique est bien ancré dans la réalité et n’est pas vide de sens, simple amusement littéraire et distrayant. Il résonne d’une profonde réflexion sur le monde et sur ses contingences, et révèle une personne d’une grande sensibilité et d’une grande intelligence. Ainsi, dans la nouvelle La Conférence – publiée dans la revue Marginales n° 260, sur le thème « introuvable travail » –, Liliane Schraûwen livre des réflexions très intéressantes, tout en ménageant le suspense inhérent à une nouvelle. Dans la nouvelle L’Enquête – également publiée dans la revue Marginales –, elle met en scène une femme qui s’est mis en tête de rechercher la Lolita de Nabokov devenue quinquagénaire, et cette nouvelle m’a particulièrement frappée du fait que je suis justement en train de lire la Lolita de Nabokov en ce moment – il n’y a pas de hasard – et voir la narratrice suivre le parcours d’Humbert Humbert et de sa nymphette était particulièrement parlant pour moi. Quant au dénouement, il se comprend fort bien. Là plus de fantasme, la réalité nous rattrape, aigüe et cruelle.
 L’auteur explore ainsi à coups de mots enchanteurs et dans un langage coloré les champs broussailleux de la vie et de la mort (qui en est l’autre versant), les champs de la réalité et de l’imaginaire – où commence l’une, où finit l’autre ? Notre réalité, après tout, n’est jamais que perception de nos sens et interprétation de nos cerveaux… Chacun construit la sienne. Où est la frontière entre soi et l’autre, entre les jumeaux si semblables, entre la femme solitaire et l’homme si logiquement complémentaire trouvé sur internet, entre les morts et les vivants, entre soi et Dieu ? La solitude est souffrance, la relation est difficile. Et si tout se tenait, ne formait qu’un dans l’Univers ? On joue sur l’effet miroir, sur le concept de temps, de voyage hors du corps, de connaissance de soi, sur la complexité des relations… tout cela dans des anecdotes vibrant d’une vie intense et passionnée jusqu’à la mort terriblement présente, fatale ou apaisante.
 La première nouvelle ouvre sur le néant, la dernière se ferme sur le vide. Entre les deux, la vie. Belle quand même, et on la savoure au fil des récits.

Isabelle Fable, Reflets Wallonie-Bruxelles





3 sorties ce 16 février 2015, toutes fraîches donc, chez cet éditeur qui s’installe décidément fermement dans le paysage littéraire belge. Un éditeur dont les ouvrages n’appartiennent pas à mon sillon naturel, il faut l’avouer, car très marqués du sceau d’une littérature francophone (belge) qui ne me ressemble guère… tout en étant toujours de qualité (style et background de l’auteur). Mais. Un interlocuteur rare, qui m’attire par ses compétences, un humanisme, une ouverture. Qui permet aussi des découvertes, des éclosions.

Liliane Schraûwen, Ailleurs. Recueil de nouvelles. Hum. Voilà une auteure dont nous avons cru jadis qu’elle s’imposerait comme l’une de nos meilleures romancières. Belle plume. Narration fluide, agréable. Qui plus est, une dame de grand talent, particulièrement intelligente et érudite. Pleine d’humour dans la vie. On retrouve ces qualités ici. Quoique. Un peu diluées. Un peu décolorées par des invariants. Pour bien mesurer ce qu’un coach littéraire devrait insuffler à celle que je considère encore comme un espoir de nos lettres, je conseillerai de comparer Solution et Ailleurs. La dernière est superbement écrite et peu d’écrivains belges peuvent prétendre à cette envolée lyrique. Motivée par une collaboration avec un plasticien africain, Charles Mutanganwa, LS offre là un texte ciselé, qui justifierait à lui seul l’achat de l’ouvrage. Mais la première, a contrario, et comme d’autres, nous présente l’auteure cédant un peu négligemment à ses vieux démons, une certaine complaisance pour le désespoir et la solitude, une noirceur sans solution, sans rédemption.




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Il est encore des éditeurs qui se méfient de la nouvelle et préfèrent les romans, surtout les grosses briques censées se vendre mieux. Je les crois un peu sujets aux pubs et à la facilité de gagner de gros sous, car depuis Maupassant, Edgar Poe et bien d'autres, la nouvelle a gagné ses titres de noblesse, comme le conte. Heureusement il en est, de grands, de petits, commerciaux, associatifs ou nouveaux, qui n'hésitent pas à se risquer et tentent de publier des nouvelles en les présentant plus agréablement et même en les groupant en anthologies thématiques, linguistiques ou nationales, comme le firent abondamment le grand Patrice Laffont et dans une présentation reliée d'André Gérard, dans une collection commune Laffont-Marabout. Et ce fut un succès. Une récente tentative est le fait de deux amis qui viennent de se lancer dans l'édition, Monique Thomassettie et Gérard Adam, sous le nom de M.E.O., qui publient Liliane Schraûwen (que j'ai connue en directrice de collection chez Marabout précisément) et que je retrouve dans « Ailleurs », des nouvelles très proches du fantastique, après une enfance africaine qui lui reste très présente. Elle écrivit aussi une enquête historique sur la mort suspecte du pape de quelques semaines Jean-Paul 1er. Le recueil contient entre autres histoires parfaitement racontées un pastiche sérieux de Victor Hugo, tellement convaincant dans son humour et son style que l'on hésite à n'y pas croire. Avantage que d'avoir été enseignante et de bien connaître les styles. J'ai adoré, en particulier parce que l'auteure se livre dans ce livre à de brèves et multiples pseudo-confidences qui rendent le lecteur proche.

Paul Van Melle, Inédit nouveau.




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Si Victor Hugo revenait parmi nous sons la forme d'un esprit frappeur, dicterait-il des poèmes apocalyptiques ?   Liliane   Schraûwen l'imagine dans une de ses quinze nouvelles, pour l'essentiel des rêveries plus on moins conscientes qui tournent parfois au cauchemar. On est toujours, comme l'annonce le titre, Ailleurs : dans des situations inédites proposées comme des états naturels par lesquels nous passons malgré nous. Comme lorsqu'il s'agit d'ouvrir une porte au milieu de nulle part, sans rien savoir du chemin accompli pour arriver là, et moins encore ce qu'on trouvera derrière. La logique cède devant l'inconnu : toute maison a une porte, mais toute porte appartient-elle à une maison ? L'écrivaine déstabilise ses personnages et ses lecteurs sont entraînés dans des tourbillons dont il est malaisé de sortir. Dont, à la lisière du fantastique, ils n'auront pas envie de sortir.

Pierre Maury, Le Soir.




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C’est peu dire que ces nouvelles nous emportent ailleurs, elles nous emmènent en des lieux d’effroi, des paysages étranges où la mort rôde.
Ces nouvelles souvent glaçantes me font penser à cette attraction de la Foire du Midi où, cramponnés à la barre de fer d’une mini fourgonnette on parcourt sur des rails et à grand fracas, des lieux effrayants peuplés de squelettes agressifs et autres masques d’horreur.
Oui les nouvelles de Lilian Schraûwen dérangent, les certitudes, font place à l’inconnu, inquiètent le lecteur c’est même leur but et je soupçonne l’auteur de s’être fait peur à elle-même en les écrivant.
C’est là tout le plaisir .
On se prend au jeu, on se voit devant cette lourde porte entrebâillée dont on  ne se décide pas à franchir le seuil.
Peur de l’inconnu, réminiscence des lectures magiques de l’enfance, on a toutes quelque chose d’Alice au Pays des Merveilles.
Il y a des tueurs, des poseurs de bombes, qui rôdent au fil des pages, des chats aussi.
Et même Victor Hugo y est convoqué du moins son esprit, on se surprend à voler, comme redevenus enfants, sur les traces de Peter Pan.  On a toutes en nous quelque chose de la fée Clochette.
Les ailleurs fantasmés de Liliane Schraûwen nous emportent, escortés de nos angoisses communes vers des destinations inconnues.
Des nouvelles haletantes, écrites en symbiose parfois avec l’œuvre de Charles Mutanganwa, toute en terres brunes et chaudes.
Des ombres et des lumières alarmantes hantent le livre, Rome aussi et puis l’Egypte ancienne, ses ors et ses mystères.
L’écriture de Schraûwen, sinueuse et colorée, nous emmène aux portes du fantastique qui prend ici les couleurs des paysages d’Afrique, ceux de son enfance.

Anne-Michèle Hamesse, Nos lettres.

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Le 22 juin, Liliane Schraûwen ("Ailleurs") était interviewée par Michel Bouvier sur RCF Nord-France
dans son émission "Baraque à Livres"

"Liliane Schraûwen publie un recueil de nouvelles sur le thème de l'ailleurs. L'ailleurs dans l'espace, dans le temps, mais aussi en soi, dans la perception que l'on a du monde et des êtres. Des textes séduisants, poétiques, écrits avec subtilité."




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« Au fond l’humain n’est beau que parce qu’il est tragique. Il devient fascinant lorsque silencieux et en conscience il précipite son destin. Enfin, il est lumineux, lorsque au prix d’un dur travail au quotidien, il transcende sa condition et s’invente d’autres trajectoires ». (Alain Cadéo)

Ailleurs…
Derrière la porte, tout ce que je peux dire, c’est que j’avais peur. Alors pensez donc ! Me trouver à l’extérieur ou à l’intérieur de je-ne-sais-quoi, je-ne-sais-où, fuyant quelque chose ou quelqu’un…
La Solution, on la trouvera tous les deux, emmêlés, nus, recroquevillés, imbriqués l’un dans l’autre comme deux fœtus siamois…
La Grotte, le silence. Les cris montent dans l’air chaud. Brusquement, le silence. L’air tremble de chaleur. La sueur lui coule sur le visage, dans les yeux. Salée comme des larmes.
Le Brocanteur au regard transparent avait la pureté et la dureté du destin. Quoi qu’il en soit, vieux, blasé, usé par la vie, sourd et presque aveugle, je vis, je vis désespérément, je vis sans fin…
La Conférence rassemblait une foule, féminine, femelles de tous âges qui constituait l’essentiel de la meute en attente. Un homme était fasciné. La Conférencière lui ouvrait des horizons insoupçonnés… L’homme vit le visage de la Conférencière, comme en gros plan, dans le viseur. Il avait le doigt sur la gâchette de son arme. Et si…
L’Enquête. Cela m’a pris des années et, pour tout avouer, je n’avais plus vraiment d’espoir. Tant de temps s’était écoulé…
Même si tu ne viens pas… à jamais tu resteras…Le Messager me chuchotant des mots que jamais je n’avais entendu et que, pourtant, il me semble reconnaître…
L’Envol, un tout petit mouvement vers l’avant…. Oui je vole, et je m’enfonce dans l’immensité profonde et bleue… comme un oiseau fuyant Le Chat de Cestius.
La Prédiction, celle de L’Homme qui mesurait les nuages…
Au commencement, il y avait le silence. Le silence donc, rien d’autre. J’en étais là de mes réflexions quand, une fois encore, j’ai senti quelque chose se modifier autour de moi. Le silence a changé de texture. La lumière de la lampe s’est affaiblie… Le Cri !
Aveugle dans la nuit, muette. Lisse et dure comme un galet poli par le vent au bord d’une eau sans rides… Avancer seulement dans la cendre froide, laisser sur le sable une trace légère qu’effacera la brise…
Ailleurs
Des flèches de feu traversent le ciel… La terre se mourait, et avec elle…
La Fin de Dieu.

Liliane Schraûwen nous plonge là où tout est possible, aux frontières des certitudes… De l’autre côté du miroir de notre conscience. Là où les esprits délivrent d’étranges messages.

Willy Lefevre, le blog de Marc Page.



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Ailleurs. Un titre qui fait rêver. Loin d’ici, le ciel ne serait-il pas plus bleu, l’horizon plus vaste, appelant les découvertes, les hasards heureux, l’envol des possibles ?
Le dernier recueil de nouvelles de Liliane Schraûwen, dont on n’a pas oublié les romans, de La mer éclatée à Lignes de fuite, ni les nouvelles composant Instants de femmes, a choisi le mode grave, ourlé d’angoisse, parfois tragique, pour faire sourdre et palpiter les mystères tapis dans l’ombre. Tenter d’élucider une prédiction énigmatique, de déchiffrer une fatalité inexplicable. Sous l’exergue de Louis Calaferte : « Il n’y a d’ailleurs qu’en nous-mêmes ».
Dès le premier récit (Derrière la porte), le ton est donné. Que cache la haute porte inconnue qui vient de s’entrebâiller, avec un léger grincement, devant celle qui hésite à la franchir, pressentant un piège auquel elle ne pourra échapper ?
Le gris vire au noir dans La solution, le mot se révélant d’une ironie glaçante pour qualifier le dénouement de la relation inextricable entre deux frères jumeaux, Simon et Denis, irrémédiablement proches et différents, liés et séparés :
Nous ne sommes pas complémentaires, nous ne sommes pas les deux moitiés d’un seul être, nous sommes les deux côtés du miroir.
D’une histoire à l’autre, la mort rôde (La conférence, Le cri…) ; la folie guette, qui côtoie quelquefois la lucidité (La fin de Dieu) ; le fantastique se joue de la réalité, s’y mêle et la transcende (La grotte).
Ici, des amis s’aventurent joyeusement à faire tourner les tables, en l’occurrence un guéridon ancien (Esprit, es-tu là ?), mais les rires s’altèrent, la plaisanterie se noie dans le drame (Le messager).
Là, la magie – le mirage ? – d’une parfaite connivence amoureuse à distance fuit l’instant de vérité de la rencontre (Même si tu ne viens pas…).
L’écriture sobre et précise de Liliane Schraûwen, souvent couleur d’encre, s’offre une seule explosion de coloris chatoyants, vifs, profonds, avant le grand chaos, dans Ailleurs, un texte tour à tour poétique et oppressant, écrit en symbiose avec les œuvres du peintre Charles Mutanganwa.
Elle s’éclaire de tendresse quand l’auteur évoque les sortilèges d’une enfance africaine inoubliable, « mon pays d’or et de soleil », propice au don merveilleux de la petite fille qui s’envolait la nuit par la fenêtre pour rejoindre Peter Pan sous les étoiles. À force de le vouloir passionnément, de l’attendre sans faiblir, le miracle peut-il se reproduire, tant d’années après la fin de l’enfance et l’adieu à l’Afrique ?
Un soir, une nuit, je saurai que le don est revenu, intact. (L’envol)

Francine GHYSEN, Le Carnet et les Instants.








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