Extrait D'instinct,
il
a jeté dans le combat perdu le meilleur de ses forces,
celles que de
tout temps il réservait pour la charge glorieuse, et dont
il ne
suspectait ni la terrible fureur ni la fragilité.
Arc-bouté à la table, les mains glacées par le métal, il se redresse, corps frissonnant, jambes tremblant sous le poids insupportable. Vient l'instant où tout bascule ; il sent qu'il doit s'abandonner… Aspiration vertigineuse, glissade au gré d'images évanescentes… Massif d'hortensias malingres aux bleus précocement passés ; moutonnement de garrigues où se dressent les ruines d'un château fort ; sérénité de tours romanes au flanc d'une falaise où des vagues se brisent en tourbillons d'écume… Il part à la dérive, charrié par le fleuve de sa vie, ses eaux saumâtres au goût d'injustice, dans le sillage d'une vérité qui toujours se dérobe ; s'engouffre dans un tunnel obscur aux parois de lianes tissant leurs arabesques, fils d'Ariane enchevêtrés pour lui signifier l'absence d'issue au labyrinthe… Éternité de ténèbres étales… Soudain, ce disque d'or, éblouissant et doux, moyeu de l'univers. L'ange exterminateur à gauche, bloc érigé, impitoyable, paumes enserrant le pommeau d'une épée plantée entre ses pieds. À droite, en pose d'abandon, l'archange messagère, effleurant de sa joue le tendre flamboiement, que semble épandre l'éventail des ailes… Messagère qui est Lyudmilla et en même temps plus que Lyudmilla. Et lui sourit. Tout son être se projette. Désir incommensurable… Mais le cours se fige, le fleuve inverse sa crue. Il reste bras tendus vers la lumière qui peu à peu s'estompe, laissant dans son sillage un noir éblouissement. Il se retourne, vers un peuple de faces souffrantes qui l'appellent, incrédules, tourmentées, hagardes, révoltées, extasiées ; des noires, des blanches, partition d'une symphonie tragique. Et il rebrousse chemin. C'est alors qu'il se voit, tassé dans son fauteuil, le front contre la table d'aluminium où la lampe s'est renversée. Le flux se fait lent tourbillon, les bribes de mémoire sédimentent ; fragmentation, malaxage d'« il était une fois » en décomposition, humus où il s'enfouit, simple graine de lui-même, germe en suspens dans la matrice douillette… |
Ce qu'ils en ont dit *
Un roman tout à fait étonnant, qui ne ressemble à rien d'autre de connu, qui invente un genre nouveau, à mi-chemin entre la science-fiction et le roman fantastique, quelque chose comme la médecine-fiction, voire même la philosophie-fiction. Il y a aussi dans ses livres quelque chose de récurrent: l'omniprésence de l'Afrique. (Jean-Pol HECQ, RTB 1 - émission RENCONTRES) Un roman étrange et inquiétant (…) Il y a chez G. A. un rêve humaniste de perfectionnement, de progrès. Utopiste, la «Lumière de l'Archange est aussi volontariste; c'est la création d'un esprit complexe, idéaliste, spiritualiste, jusqu'à l'anéantissement, jusqu'à la résurrection. Nous allons entendre la réflexion d'un homme de notre temps, de cette fin de siècle, qui pense et qui écrit dans l'urgence (…) Un gros roman ambitieux où abondent les images, les rêves, les événements, les personnages, les raisonnements, les discussions… C'est à une lecture peu ordinaire que je vous invite, quelquefois âpre, mais stimulante pour l'esprit, et pas du tout décadente. (Anne-Marie LA FERE - RTB3 émission Écritures) La lumière de l'Archange a de la chair et de l'esprit à la manière d'un être humain. (…) On se laisse saisir par l'écriture, et le reste suit sans faiblir. Gérard Adam avait déjà prouvé, avec «L'Arbre Blanc dans la Forêt Noire» qu'il était capable d'amener un lecteur à tenir compagnie à ses personnages. Il fait encore mieux ici en touchant à ce que l'être humain a de plus caractéristique: la foi en l'avenir et la peur de la mort, qui transcendent tous deux le présent. (Pierre MAURY, LE SOIR) Le style est travail d'orfèvre. Mais un rythme cherchant «la musique avant toute chose» enveloppe les ciselures foisonnantes et colorées en lignes élégantes. (Monique THOMASSETTIE, KHEIROON et LE NON-DIT» On voit surgir là, sous le couvert du roman d’anticipation, les questions essentielles sur le sens de la vie. Gérard Adam a réussi là le plus difficile des cocktails?: celui qui parvient à mêler agrément et réflexion. (Henri-Charles Dahlem, COOPERATION, Lausanne.) Un ouvrage passionnant, où le suspense est maintenu d’un bout à l’autre (Jean MERGEAI, Vers l’Avenir, Namur.) Un bien curieux roman, dense et captivant. (…) Le livre de Gérard Adam ne se réduit pas à un simple exercice d'anticipation, aussi brillant soit-il; on en retiendra tout autant la longue et douloureuse interrogation sur le devenir, le brassage des symboles et des mythes, le mouvement et la richesse de la phrase. Et d'une telle profusion jaillira une lumière singulière, celle de notre double nature, ange et démon. (Dominique CRAHAY, LE CARNET ET LES INSTANTS) Un écrivain de classe, qui sait de quoi il parle, et qui sait le dire. (LE LIGUEUR) *
Interview par Willy Lefèvre https://www.facebook.com/willy.lefevre.3/videos/10222770676401456/ *
Annoncé en numérique au début du confinement, voilà « ?La lumière de l’archange?» réédité en version papier. Roman d’une brûlante actualité, puisqu’il parle du virus Ebola (qui a mis sens dessus dessous plusieurs régions d’Afrique centrale et qui, régulièrement, ressurgit pour frapper les populations locales). Immanquablement, on pense aux affres de la pandémie qui frappe aujourd’hui le monde. Gérard Adam en parle avec ces mots : «?En 1976, alors que j’allais quitter le Zaïre après trois ans de coopération, une nouvelle nous a sidérés : dans l’Est du pays, à Yambuku, et à quelque distance de là, au Soudan, une épidémie d’origine inconnue décime les patients et le personnel de deux hôpitaux de brousse. Quelques cas seront importés à Kinshasa après mon départ, puis l’épidémie s’arrêtera aussi soudainement qu’elle avait commencé. C’était la première manifestation d’Ebola, un virus mutant, qui réapparaîtra sporadiquement puis donnera, de plus en plus régulièrement, des épidémies en de nombreuses régions d’Afrique, en attendant, peut-être, sans doute, d’un jour se déverser dans le monde entier. Depuis lors m’a imprégné l’idée d’écrire un roman sur une pandémie mondiale. Je m’y suis attelé alors que mon premier roman, L ’Arbre blanc dans la Forêt noire, cherchait encore un éditeur.?» […] Ce roman, que d’aucuns ont qualifié de visionnaire, a été refusé par plus de soixante éditeurs (alors que l’ABFN, paru entre-temps à La Longue-Vue, avait obtenu le prix NCR) avant d’être accepté par Luce Wilquin. Le manuscrit avait mystérieusement disparu des éditions du Seuil, où aucune trace n’en a jamais été retrouvée. Peu après sa parution a été publiée sous la signature – je préfère ne pas dire «?la plume?» – d’un homme de médias parisien une œuvrette parisianiste à souhait, qui en pillait les idées et dont je préfère taire le titre. Le «?nègre?» de cet auteur avait su où trouver l’inspiration qui lui faisait défaut. Bien que finaliste du Prix Rossel, La Lumière de l’Archange a rencontré l’habituelle indifférence réservée aux ouvrages publiés dans notre communauté (200 exemplaires écoulés, quand son ersatz de resucée connaissait un certain succès). Sam Mas, Bruxelles-Culture |
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