Extraits Équation Mode pupilles dilatées dans ce tramway mimosa aux crissantes antennes-cigale sous la pluie épandue en litres Le dessus d’horizon en bleu Klein sur l’allée jade ne retient pas un remugle de bataille d’entrailles avec une équation ramassée dans l’indistinct du Quelque part : Temps est égale racine place dans cœur Tandis que le déclin du jour flaire sa gerbe en acier de déjà-vu * Ils contemplent les spectacles de la mort au salon-tranquille-avec-pantoufles-cool mais devraient crier Merci merci merci Ciel ciel ciel Merci Pour béton, missiles, pantoufles Le Serpent Je vais le cracher Et ma tête mes poumons mon ventre et le panneau publicitaire des grandes surfaces et le nouveau gadget 100% numérique et la nouvelle drogue 100 % synthétique et l’augmentation fiscale que je dégueulasse Je ne dénonce rien, j’aperçois comme un enfant pourri, l’ironie pure de la mort et de la vie * Un homme en veston va aux toilettes avant d’aller au rayon Boucherie du Shopping Occident chercher un produit Héros pour le manger à point Excusez-nous, mais la maison ne fait plus crédit : les Trente Glorieuses tapies dans un souvenir comme une Chevrolet ou une Bugatti au garage Comme un vieux 33 tours. Allez : remets un verre pour la patronne Vous, les autres, servez-vous, il n’y a plus rien |
Ce qu'ils en ont dit | ||
Assurément,
Xavier Forget est un poète urbain. Le voici dans la solitude d’une nuit
bruxelloise ou de la place Flagey, dans l’anonymat du métro ou
des trams, dans les rues transméditerranéennes / du quartier de
Matonge ou celles de coulisses éthyliques et malfamées, les rues
achat-vente, parmi ces légions / de figurants de l’émotion zéro.
Ce dont il parle, c’est l’atmosphère des villes devenues ce qu’elles
sont sous l’emprise de l’économie de marché et l’empire de
l’informatique. Car dans ses écrits la localisation rejoint la
temporalité comme le suggère le titre Un coin de siècle. Ceci n’empêche pas ou provoque la nostalgie de Rutebeuf, des dunes, des vagues, des arbres, des grillons ou d’une araignée, des oiseaux, du parfum des fleurs, de ronces aux fruits juteux, de l’azur, de la lune… Cela veut croire qu’Il fut un temps / où comme un enfant / il était possible / d’être / et maladroit et heureux / Innocent. C’est aussi qu’l y a en Forget l’Utopie / d’un chevalier / qui survivrait aux mirages en dépit des dérives économico-politiques qu’il épingle en mots simples, alignés en style direct, parfois même en langage texto. Il n’est pas tendre avec nos illusions démocratiques perdues. Il y a là quelque chose de la lignée de Cendrars arpentant son époque, de celle aussi de Georges Linze mais sans son optimisme trop confiant. Et probablement des rappeurs actuels quand ils ne se contentent pas de rimes à deux cents. Michel Voiturier, Reflets Wallonie-Bruxelles * J’ai l'étrange impression d'aborder à un monde que j'ai déjà connu deux fois au moins. Le monde de l'aventure incontrôlée vécue par un aitiste, photographe et aujourd'hui poète, qui aura fait les quatre cent coups dans des tas de domaines. Xavier Forget ne se contente d'ailleurs pas d'un seul paysage et ne cesse de voyager dans ses textes comme il le fit dans son existence plutôt aventureuse (mais je préférerais écrire et penser "aventurière") en pratiquant des métiers divers, pas toujours culturels d'ailleurs. Du coup les textes d'Un coin de siècle viennent maifestement de tous les coins de la planète. Ne nous trompons pas, ce n'est pas du tour du monde, mais du tour de l'esprit. Et c'est fort, presque "américain" parfois (compliment et non reproche. Raconté sans gêne ni hésitation). Paul Van Melle, Inédit nouveau n° 264. * Les impressions, les images, les mouvements de cœur et d'humeur foisonnent dans Un coin de siècle, de Xavier Forget. Recueil original, bondissant, surprenant, déroutant, qui, nous dit Monique Thomassettie dans sa préface, « lance un pont entre slam, haïku et kafkaïade ». Au fil des pages, des rythmes, on voit sautiller sur l'eau grise de l'étang les mouettes, non loin de l'église « envoilée dans les nuages », un jour où « Tout est gris, l'odeur et la vie ». Flâner, dans les rues, la liberté, parfois « riant de plaisir pur », rêvant, regardant, désirant... Soudain éclate la verve sarcastique : « Progrès : fier de tes chaînes On a cru en tes mensonges tandis qu'un cerisier se demande comment disparaître. » « La société, madame, l'époque, l'Europe, la planète, madame, la mondialisation, la délocalisation, la dévertébralisarion » Ailleurs soupire la lancinante nostalgie : « La lune veut m'allumer d'une douceur inédite Mais tu n'es pas là » « Acropole perdu Je ne serai pas ta colonnade Mon fronton tu n'es pas A quand ce temple de nous deux ? » Mais la partie n'est jamais définitivement perdue. À la manière des « années-enfance / jamais finies ». Francine Ghysen, Le Carnet et les Instants. * Voilà un poète dans son siècle, qui nous parle de son siècle, le XXIe, un petit-enfant de Cendrars qui se débat dans notre modernité sans âme. Ici, les images s'entrechoquent, nous donnent le tournis. Le poète triture la gangue du langage pour en taire sortir des éclats de vérité, L'homme crie, tonne, s'indigne ou ricane, frappe à notre porte, mais à l'évidence, il en a gros sur le cœur, "un cœur gros comme ça". Il espère pourtant semble-t-il, attend une lumière, quelque chose qui le sorte de sa condition éphémère. Cette œuvre kaléidoscopique, violente et tendre, toujours en mouvement, nous touche par son constat pathétique et son indignation salutaire. Il y a là un poète, un homme qui s'affirme dans ses contradictions, ses dénonciations et ses aspirations à voir s'ouvrir le ciel. Maurice Cury, Les Cahiers du Sens.(à paraître) * Les mots du siècle, de la modernité tapageuse, des contraintes sociétales pleuvent dans ce contre-chant lyrique, qui dénonce l’anonymat d’une foule sentimentale, pourrie par les mécaniques de toutes sortes, les horaires, les crédits, les ordinateurs de vie quotidienne, les prédations communes et ordinaires. Dans ce deuxième volume de vers (après un bookleg), Xavier Forget, jeune recrue d’une poésie belge et qui a le vent en poupe (citons Wauters, Ben Arès, Dancot, Delcorte, Piette et consorts), alterne les formes plus classiques, les répertoires prévertiens, les listes récrites, le pastiche du notre père et autres langages plus verts. Celui qui déclare d’emblée « Je me fonds dans l’anonymat » « dans les rues figurantes » sait, et c’est un atout pour le débutant, contrôler ses élégies, ses états d’âme, ses appétits de marcheur, ses errances, ses migrations (« nomades malgré eux/ trimardeurs vers toujours plus d’incertitude »). Du haïku maîtrisé à la longue mélopée engagée contre l’inertie, l’invisibilité des êtres, le poète traverse en biais, sur des sentes personnelles, un « coin de siècle », mal troussé, mal foutu, mal né, et s’emporte à bon escient contre les logeurs d’incertitudes, les fabricants de sommeils tristes, en tablant sur de belles images : Habiter ta main dans ma main au-dessus de ma chambre élégiaque … Tandis qu’une fois le noir venu l’on aimerait encore sourire d’étourderies et plaire. … Que s’évanouisse l’ennemi/ qui résonne/ en moi Parfois, un zeste de prosaïsme, parfois quelques effets non désirés, mais dans l’ensemble, un livre qui promet et un auteur dont l’engagement sincère nous touche, par sa lente et précise description d’un réel sans âme. Philippe Leuckx, Texture *
Un extrait lu par Guy Stuckens dans son émission "Cocktail Nouvelle Vague", sur Radio Air Libre.
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